« Peu importe le passé, on ne fait que regarder en avant », me lance Shahin Gobadi, porte-parole du Comité national de la Résistance iranienne (CNRI). Tel un mantra, la phrase sera répétée par différentes personnes, au cours de la soirée du 8 décembre, lors d’une exposition tenue sur les violations des droits de l’homme en Iran. Dans la petite ville d’Auvers-sur-Oise, des centaines d’exilés iraniens venant de toute l’Europe ont convergé pour discuter, débattre et réfléchir sur leur pays. Joseph Lieberman, ancien sénateur américain et le docteur Alejo Vidal-Quadras, ancien vice-président du Parlement européen, sont venus marquer leur soutien.
Le passé dont parle Shahin Gobadi, ce sont les 30 ans de dictature des mollahs. Dans un pays gouverné par une main de fer, d’étranges paradoxes s’accumulent. À l’heure où la levée des sanctions économiques paraît imminente, et où de plus en plus de citoyens ont accès à l’information et la relaie, on croise toujours, au détour des rues, les mêmes grues de chantiers, disposées pour organiser des exécutions publiques, qui seront rediffusée à la télévision.
Persécutions politiques
« Je me souviendrai toujours de ces nuits, impossible de les oublier », lâche Farzad Mazadzadeh. Ce jeune Iranien d’une trentaine d’année s’est exilé de son pays après avoir vu de près la cruauté des prisons du régime. Pour avoir distribué des informations aux gens sur ce qui se passait, il a été enfermé en 2009, et a passé deux fois six mois dans une cellule d’isolement d’un mètre et demi sur deux. « Beaucoup de mes amis étaient aussi en prison. Nous étions torturés de 8h du matin à 11h du soir. Pendant que j’avais un bandeau sur les yeux, les interrogateurs me prenaient pour une balle de football, ils me frappaient et me renvoyaient l’un à l’autre. À chaque fois que je me réveillais, je me demandais si c’était le dernier jour de ma vie », témoigne-t-il.
En une trentaine d’années au pouvoir, les gardiens de la Révolution ont exécuté près de 120 000 personnes. « Pour contrôler la société, nous savons qu’il existe 70 organes différents de censure, un pour Internet, un pour les femmes… », note Shahin Gobadi. En deux ans de pouvoir, l’actuel dirigeant iranien a exécuté 2 000 prisonniers politiques, soit le triple d’Ahmadinejad sur la même période de temps. « Les Occidentaux pensaient qu’Ahmadinejad était fou… effectivement, il l’était. Mais pour nous, Ahmadinejad ou Rohani, c’est la même chose car ils sont tous deux le produit d’un même système ».
Et pourtant, un vent de modernisme souffle sur la société, avec l’arrivée de « twitter, des réseaux cablés, des nouveaux moyens d’information et de communication ». À l’heure où la société civile se fait de plus en plus remuante sur l’accès aux droits fondamentaux, la persécution n’a jamais été aussi intense : « D’une perspective sociale, les gens comprennent la modernité, les choses comme les rapports normaux entre les gens. Du point de vue du régime, ils doivent renforcer leur persécution s’ils veulent s’opposer à cela ».
Politique de complaisance
En octobre, Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, promettait la prochaine levée des sanctions économiques à l’encontre de l’Iran. Pris à la gorge par ces dernières, le régime avait finalement cédé en juillet aux exigences occidentales qui cherchaient à freiner la progression du programme nucléaire iranien. Depuis, un certain retour à la normale semble s’opérer sur la scène internationale.
Ce qui sonne l’heure du retour des affaires pour bon nombre d’entreprises françaises dont PSA, Total ou Danone. Patrick Pouyanné, DG de Total, expliquait récemment que son entreprise a « une longue histoire avec l’Iran » et ne doutait pas que Total soit « bien accueilli ». Sur un marché automobile en pleine expansion – le régime table sur trois millions de voitures supplémentaires d’ici à 2020, les perspectives de croissance sont bien là. De son côté, l’Iran espère ainsi récupérer 150 milliards à terme.
Ainsi, le pays rouvre ses portes aux délégations commerciales occidentales. Mais il refuse toujours de recevoir leurs journalistes ; d’après les consignes de Téhéran, il est « interdit » aux Iraniens d’entrer en contact avec les médias ou une liste de 60 ONG occidentales. Pour Shahin Gobadi, les tractations commerciales devraient être soumises à la condition que l’Iran améliore les conditions de vie des gens. « Sinon, c’est bien simple : plus le régime devient riche, plus il a de moyens pour persécuter les gens », indique-t-il.
« Les mollahs ont tourné récemment le dos au nucléaire non pas parce qu’ils l’ont choisi, mais parce qu’ils n’avaient plus le choix. Ce sont toujours les mêmes personnes. Cela veut dire que la politique de complaisance est de retour », continue Shahin Gobadi. La porte-parole du CNRI espère voir les gouvernements soutenir les opprimés du régime plutôt que le régime lui-même. Peine perdue à ce jour, selon Farzad Madadzadeh, pour qui « les dirigeants occidentaux disent à peu près tous la même chose ».
« Je n’irai pas dans un Iran qui n’est pas libre »
Cependant, l’activiste distingue de grosses différences entre les parlements et les gouvernements. « Les parlements évoquent beaucoup plus la question des droits de l’homme et de la démocratie que les gouvernements. Beaucoup de parlements sont d’accord avec nous, on pourrait même dire la majorité. La politique de leurs gouvernements ne suit pas. Les réels représentants de l’Europe, ceux qui peuvent parler pour elle, ce sont ces parlements ».
En dehors du pays, il y a ceux qui attendent, qui observent d’un œil attentif l’évolution sociale du pays. Les photos de jeunes femmes qui osent se dévêtir de leur hijab et se maquillent sur les réseaux sociaux sont bien accueillies. Comme un écho aux chères valeurs occidentales de liberté. Et il y a la génération née en dehors du pays. De l’Iran, ils ne connaissent que ce que leur en disent amis et famille. « Mes amis me disent que je ne devrai pas aller là-bas, que ce serait dangereux… », raconte Zahra Abadi, étudiante anglaise dont la grand-mère, qui travaillait pour le régime, a fui en voyant ce qu’on lui demandait de faire.
Golpar Parvardeh, étudiante suédoise en journalisme, a remarqué « beaucoup de gens » qui « ont vécu 30 ou 40 ans en exil ». L’étudiante s’est intéressée aux exilés de son entourage et a réalisé des interviews. Pour mieux comprendre. Elle constate un « vide » qui semble aujourd’hui faire partie de leur existence. « Où qu’ils soient, leurs vies et situation n’est que temporaire. Mais beaucoup de ces gens ont perdu quelque chose, une partie de leur vie », reprend-elle. Quand on lui demande si elle souhaite se rendre dans son pays, elle répond : « Depuis que je suis enfant, j’ai toujours voulu repartir mais je ne veux pas aller dans un Iran contrôlé par une dictature. Ce que je veux voir, c’est l’Iran que mes parents espèrent retrouver ».
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