Quand l’État de droit est défaillant, il est possible de changer l’état du droit

Par Germain de Lupiac
8 octobre 2024 07:35 Mis à jour: 8 octobre 2024 13:22

Le 29 septembre, Bruno Retailleau estimait dans le JDD que « l’État de droit n’est pas intangible, ni sacré » en faisant notamment référence à l’affaire du meurtre de Philippine, par défaut d’application d’une OQTF. Selon le ministre de l’Intérieur,  l’État de droit « est un ensemble de règles, une hiérarchie de normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain ».

Le ministre s’était alors attiré les critiques, au sein du bloc macroniste et de la gauche. Plusieurs personnalités, dont la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet ou l’ex-Première ministre Élisabeth Borne, avaient contesté cette prise de position.

« Le sujet de la protection et de la sécurité des Français est trop sérieux et trop grave pour être instrumentalisé par de faux débats », avait réagi M. Retailleau.

L’État de droit est-il en question ?

Se disant « très inquiète » des propos du ministre de l’Intérieur, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a de son côté averti : « Lorsque la situation est tendue, lorsqu’il y a des crises, il ne faut surtout pas remettre en cause l’État de droit ». Préoccupé lui aussi après ces déclarations, le président du groupe MoDem, Marc Fesneau a écrit sur X que « l’État de droit c’est ce qui protège chacun d’entre nous de l’arbitraire » – quelques jours après le meurtre de la jeune Philippine.

Depuis son arrivée place Beauvau, Bruno Retailleau a multiplié les déclarations, en particulier sur l’immigration et le droit des Français d’être protégé. Après s’être dit favorable à la « double peine » – le fait d’expulser un étranger condamné à l’issue d’une peine de prison -, le ministre a appelé à une évolution de « l’arsenal juridique » en réaction au meurtre de la jeune Philippine et l’arrestation d’un suspect sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Il a également exprimé son « regret » qu’on ne puisse pas faire de référendum sur l’immigration en France, ligne rouge pour la gauche et le camp présidentiel. Un référendum que « l’État de droit » ne permet pas en France, depuis la décision de Laurent Fabius et des Sages du Conseil constitutionnel, majoritairement à gauche ou du camp présidentiel, qui l’ont interdit… au nom de la démocratie.

Une instrumentalisation par de « faux débats »

Le ministre de l’Intérieur a regretté que ses propos sur l’État de droit aient été « instrumentalisés par de faux débats ».

« Il faut regarder la réalité en face, nous le devons aux Français comme l’a rappelé Michel Barnier : aujourd’hui, le droit ne protège pas suffisamment les Français », ajoute-t-il dans un communiqué.

« Bien sûr qu’il ne peut y avoir de démocratie sans État de droit, sans que la puissance publique ne respecte le droit et les libertés », a continué Bruno Retailleau, car « c’est là le fondement de notre République ». Mais « lorsque les textes en vigueur ne garantissent plus tous les droits – à commencer par le premier d’entre eux, le droit d’être protégé -, ils doivent évoluer, dans le plein respect des institutions de notre République », poursuit-il.

Marine Le Pen évoque des divergences 

Marine Le Pen a affirmé cependant avoir une « divergence majeure » avec le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur les déclarations de ce dernier autour de l’État de droit.

« Je dois exprimer une divergence majeure avec notre ministre de l’Intérieur. Ce n’est pas l’Etat de droit en tant que tel qui doit être contesté, c’est tout le contraire. Nous en sommes les garants, au sens que lui ont donné les plus brillants philosophes européens des siècles passés », a-t-elle réagi.

« L’État de droit, c’est la soumission de tous aux règles démocratiquement définies, et c’est l’une des immenses conquêtes de la civilisation européenne », a déclaré Marine Le Pen. « Ce qui est contestable, en revanche, c’est la façon dont ils ont renversé cette notion pour en faire un instrument de soumission des peuples qui n’auraient plus la liberté démocratique de faire évoluer le droit. Cela, nous ne l’accepterons jamais », a poursuivi la cheffe de file des députés RN.

Jordan Bardella, le président du parti, a lui fustigé les « polémiques stériles » qui ont suivi l’interview du ministre au JDD. « Quand la loi protège nos libertés fondamentales, quand elle garantit le bon exercice de la démocratie, l’État de droit doit être sanctuarisé […] Mais l’État de droit, c’est aussi la possibilité de changer le droit dans l’État lorsque celui-ci dysfonctionne », a-t-il ajouté devant les militants RN à Nice.

« L’état du droit peut être modifié », selon Laurent Fabius 

L’État de droit est « la condition de la démocratie », a rappelé le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius.

« Nos démocraties ont besoin d’autorité, de sécurité et d’efficacité. Face aux attaques portées sur ces terrains, il importe de montrer concrètement qu’elles peuvent satisfaire ces exigences et le faire dans le respect de l’État de droit. L’État de droit est la condition de la démocratie et ne doit pas être confondu avec l’état du droit, qui, lui, bien sûr, peut être modifié », a déclaré M. Fabius.

Évoquant les « démocraties illibérales », le président de la plus haute juridiction française a rappelé que « le droit national, coupé des exigences démocratiques, y est instrumentalisé pour être retourné contre les démocraties et les libertés ».

170 parlementaires soutiennent Bruno Retailleau 

Le 2 octobre, 170 députés et sénateurs LR ont signé une tribune dans Le Figaro pour soutenir Bruno Retailleau et le fait que « l’État de droit n’a jamais été figé ».

« Il est nécessaire de faire évoluer les directives qui entravent l’efficacité de notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière », ont déclaré les parlementaires. Ils rappellent que « l’État de droit est essentiel à la démocratie », mais estiment également que celui-ci « n’est pas et n’a jamais été figé. Au contraire, il n’a cessé d’être enrichi pour l’adapter aux exigences de notre temps », déclarent-ils.

En ajoutant que « certains ont été jusqu’à brandir l’État de droit devant la volonté de ce gouvernement d’apporter enfin des réponses à une insécurité que les Français veulent voir refluer au plus vite. »

L’état du droit n’est pas figé, selon le gouvernement

Michel Barnier a rappelé en Conseil des ministres « son attachement intangible à l’État de droit », dont le non-respect est une « ligne rouge » pour le Premier ministre, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Brégeon.

« Il est inenvisageable de remettre en cause [l’État de droit] ne serait-ce que d’un centimètre ». « C’est le cadre [que Michel Barnier] a fixé et qu’il continuera à fixer pour l’ensemble du gouvernement », a ajouté Mme Brégeon.

« Ce qui ne signifie pas que le droit, l’état du droit, ce qui n’est pas la même chose, est figé », a déclaré la porte-parole du gouvernement.

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