De la joie à la nostalgie, le Nouvel An est une célébration de la vie sous toutes ses formes.
La fin officielle de l’année s’accompagne souvent d’un mélange de mélancolie et d’enthousiasme inquiet. Nous nous réjouissons de la fin d’un périple d’un an, mais nous ressentons la nostalgie d’expériences que nous ne pourrons peut-être jamais répéter. Nous célébrons la vie, la famille et l’amour, mais nous réfléchissons aussi aux difficultés qui nous attendent. Nos résolutions témoignent de notre discipline, mais l’idée de bouleverser nos vies peut être intimidante.
En écrivant de différents lieux à différents moments, ces quatre auteurs saisissent bien ce mélange d’humeurs, soulignant l’importance symbolique de la nouvelle année pour chacun d’entre nous.
T. S. Eliot : Nouveaux débuts
La nouvelle année est l’occasion de tout remettre à zéro. Beaucoup d’entre nous considèrent cette occasion comme une chance de commencer la vie avec une ardoise vierge : l’« ancien moi » s’arrête ici. Si c’est ce qui vous motive cette année, vous trouverez peut-être un soutien dans un passage de Little Gidding de T. S. Eliot :
Car les mots de l’année dernière appartiennent à la langue de l’année dernière
Et les mots de l’année prochaine attendent une autre voix.
Et faire une fin, c’est faire un début. [tr. libre]
Avec la nouvelle année, nous prenons conscience qu’une saison de la vie s’est écoulée et qu’une autre nous attend. Le « langage » de notre ancien moi, nos paroles, nos attitudes et nos actes, a la possibilité de muter. Quoiqu’il en soit pour chacun d’entre nous, il y a une « autre voix » qui attend un nouveau locuteur. Il ne tient qu’à nous de l’améliorer.
Thomas Mann : Le passage du temps
Le passage des saisons nous rappelle également que nos vies sont relativement insignifiantes dans le grand ordre des choses. Il suffit de regarder un ciel étoilé pour se rappeler que notre « pale blue dot« , comme l’a dit Carl Sagan, n’est qu’une tache minuscule dans un univers d’une ampleur insondable. Certains redoutent cette pensée, tandis que d’autres la trouvent réconfortante. Thomas Mann semblait partager le second point de vue.
Dans The Magic Mountain (La montagne magique), l’auteur allemand a écrit : « Le temps n’a pas de divisions pour marquer son passage, il n’y a jamais d’orage ou de coups de trompette pour annoncer le début d’un nouveau mois ou d’une nouvelle année. Même lorsqu’un nouveau siècle commence, il n’y a que nous, mortels, qui sonnons les cloches et tirons des coups de pistolet. »
Nous pouvons célébrer l’arrivée d’une nouvelle saison avec des « cloches et des sifflets », mais, pour Thomas Mann, une prise en compte honnête de notre monde en perpétuelle évolution devrait tempérer nos célébrations en les mettant en perspective. Ce n’est pas nécessairement une raison pour renoncer à toutes les festivités et pour abandonner la joie au profit du nihilisme. Le rappel de M. Mann est un encouragement à chérir la vie encore plus sincèrement, à condition de se rappeler qu’elle fait partie d’une histoire bien plus grande.
Alfred Tennyson : Se souvenir de l’ancien
Le désir de restructurer notre vie à l’approche d’une nouvelle année découle souvent de la volonté d’éliminer des habitudes néfastes. Disons que nous voulons prendre notre santé plus au sérieux. Nous savons que notre état de santé n’est pas aussi bon qu’il pourrait et devrait l’être, et nous nous engageons donc à un changement positif.
Cependant, pour certains d’entre nous, la motivation principale est de garder près de nous les bonnes choses que nous avons pu développer et découvrir, qu’il s’agisse d’habitudes fructueuses, d’attitudes constructives ou d’expériences récurrentes. Dans The Death of the Old Year (La mort de l’ancienne année), le poète anglais Alfred Tennyson pleure la fin de l’année, qu’il considère comme une séparation symbolique entre le bien du passé et l’incertitude inquiétante de l’avenir.
S’adressant à l’ancienne année comme à un ami, Alfred Tennyson plaide pour sa survie :
Vieille année, tu ne dois pas mourir ;
Tu es venue à nous si facilement,
Tu as vécu avec nous si régulièrement,
Vieille année, tu ne dois pas mourir. [tr. libre]
Il ne veut pas que l’ancienne année meure parce qu’elle « a donné un ami et un véritable amour / Et la nouvelle année les emportera ». Avec la fin de l’histoire, on se rend compte avec mélancolie qu’il faut laisser derrière soi ce qui appartient au passé.
Pourtant, la rupture ne devrait pas être si brutale. Il est possible de se débarrasser des choses indésirables tout en conservant les choses désirables. Nous essayons de préserver le bon et de nous débarrasser du mauvais. Nous passons au crible les habitudes et les expériences pour sélectionner celles que nous voulons dans notre vie et celles que nous ne voulons pas. C’est ainsi que nous devons apprécier le passé et l’année qui commence.
Ella Wheeler Wilcox : la vie sous toutes ses formes
La gamme d’émotions, que chaque année nous procure, est bien rendue par The Year (L’année) d’Ella Wheeler Wilcox :
Qu’est-ce qui peut être dit dans les rimes du Nouvel An,
Qui n’a pas été dit un millier de fois ?
Les nouvelles années arrivent, les vieilles années s’en vont,
Nous savons que nous rêvons, nous rêvons que nous savons.
Nous nous levons en riant avec la lumière,
Nous nous couchons en pleurant avec la nuit.
Nous étreignons le monde jusqu’à ce qu’il nous pique,
Nous le maudissons alors et soupirons pour des ailes.
Nous vivons, nous aimons, nous courtisons, nous nous marions,
Nous couronnons nos mariées, nous enveloppons nos morts.
Nous rions, nous pleurons, nous espérons, nous craignons,
Et c’est le fardeau de l’année. [tr. libre]
Dans ce poème simple, mais évocateur, Ella Wheeler Wilcox – tout comme Thomas Mann – nous rappelle que certains schémas semblent destinés à se répéter. L’enchaînement des expériences qui s’offrent à nous est quelque peu prévisible, comme le passage du temps. Cependant, pour Mme Wilcox, l’accent n’est pas mis sur l’apparente insignifiance des affaires humaines, mais sur la beauté de l’expérience humaine dans toute sa variabilité.
La myriade d’émotions qui nous habitent, les « rires », les « pleurs » et les étreintes, est un « fardeau », mais un fardeau qui rend la vie riche et mémorable. Nous enveloppons nos morts, mais nous couronnons nos jeunes mariées. Nous avons peur, mais nous aimons aussi.
La poésie de Mme Wilcox est empreinte de mélancolie. Elle se demande si l’année à venir apportera vraiment quelque chose de nouveau, ou si elle ne sera qu’une répétition de ce qui a été « dit un millier de fois ». Malgré tout, son humeur mélancolique est teintée d’une note festive. Il en va de même pour l’ancienne année d’Alfred Tennyson et la nouvelle saison de T. S. Eliot. Ella Wheeler Wilcox nous rappelle que cette occasion spéciale est avant tout une célébration de la vie sous toutes ses merveilleuses formes.
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