ANALYSES

Que peut-on attendre de la rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping ?

Une rencontre entre le leader du Parti communiste chinois et le président français se prépare début mai en France
avril 22, 2024 19:02, Last Updated: mai 5, 2024 15:04
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Tout d’abord, aucune avancée sur les droits de l’homme. La Chine occupe pourtant la 175e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse et se classe parmi les pays les plus autoritaires au monde et de loin le plus important, selon The Economist. Il sera, par contre, question de partenariats politiques et économiques entre les deux vieilles nations.

Et dans l’impasse actuelle de la France, qui n’a jamais été aussi « exposée et vulnérable depuis les années 1930 » selon l’essayiste Nicolas Baverez, Emmanuel Macron espère de cette rencontre de nouveaux contrats, un gain de légitimité au niveau international et un positionnement plus clair de la Chine vis-à-vis de ses partenaires que sont la Russie et l’Iran.

60 ans de relations bilatérales

En janvier, le leader chinois Xi Jinping a salué les liens avec la France à l’occasion du 60e anniversaire des relations diplomatiques, en appelant à des relations plus étroites entre Pékin et Paris en réponse aux tensions mondiales. « Les deux parties devraient développer sans relâche les relations bilatérales et répondre aux incertitudes du monde par la stabilité des relations entre la Chine et la France », déclarait Xi Jinping.

La France, sous l’impulsion du général de Gaulle, avait été en 1964 le premier grand pays occidental à établir des relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs avec la République populaire de Chine (RPC). Cette décision est d’ailleurs régulièrement citée en exemple de « diplomatie indépendante » par les responsables chinois.

Mais en 2024, les relations économiques entre la France et la Chine apparaissent de plus en plus déséquilibrées, avec un déficit commercial record de plus de 50 milliards d’euros en 2022 et qui devrait atteindre les 60 milliards en 2024. La France n’est d’ailleurs pas le seul récipiendaire de ce triste record, les pays de l’UE ayant avec le régime chinois un déficit global de 400 milliards d’euros.

Si les grandes entreprises françaises (aéronautique et spatial, agroalimentaire, luxe et cosmétique) continuent à faire des bénéfices en Chine, les profits sur l’ensemble des produits français sont beaucoup moins évidents. « L’ouverture tous azimuts au capitalisme d’État chinois favorisant la désindustrialisation et la perte d’avantages compétitifs de nombreux produits à haute valeur ajoutée », analysent les chercheurs Emmanuel Lincot et Paco Milhiet.

Selon eux, les dirigeants européens ont été largement leurrés par le mythe d’une RPC qui respecterait les règles du commerce mondial après son accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Ils n’ont pas su être réactifs ni aux mesures protectionnistes de la Chine sur son marché intérieur, ni aux subventions dissimulées du Parti communiste aux industries chinoises. En retour, en ayant accès aux marchés français et européens, l’Empire du Milieu a pris d’écrasants avantages sur des grands pans de l’économie mondiale, pour lesquels les conséquences sur l’industrie européenne pourraient être irréversibles.

L’Occident commence à montrer ses muscles

En 2021, l’OTAN désignait sans équivoque la Chine comme un concurrent et une menace pour l’ordre international, quand l’UE qualifiait en 2022 le Parti communiste chinois (PCC) de « rival systémique ». En 2023, le G7 réuni à Hiroshima adressait des reproches à peine masqués au gouvernement de Pékin, déclarant que toute « coercition économique » aurait « des conséquences ».

Fin janvier 2024, des commissaires européens présentaient une série d’initiatives pour protéger les intérêts économiques de l’Europe, avec notamment le renforcement du mécanisme de contrôle des investissements étrangers. L’objectif pour l’UE est de s’attaquer aux risques pour la sécurité économique du Vieux continent et éviter que ses technologies et infrastructures sensibles ne tombent entre les mains de rivaux, tels que la Chine.

Cette déclaration est intervenue dans un contexte de tensions pré-existantes avec la Chine. « L’image de l’UE dans les secteurs de l’économie et du commerce international est en jeu », avait répondu le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Wang Wenbin, appelant Bruxelles à ne pas prendre de mesures « anti-mondialisation ».

Début avril, l’Union européenne ouvrait encore une enquête visant des fabricants chinois d’éoliennes, accusés de recevoir des subventions du régime chinois, faussant la concurrence sur le marché européen. Une pratique déjà dénoncée dans l’automobile, le ferroviaire et les panneaux solaires et créant une concurrence déloyale dans le cadre d’appels d’offres en Europe. En réponse, le PCC ouvrait une enquête « anti-subventions » visant les importations de cognac, dont le principal marché à l’exportation est celui de la France.

Les États-unis et l’Allemagne pas impressionnables

La semaine dernière, Joe Biden déclarait que les entreprises sidérurgiques chinoises ne souciaient pas de faire des bénéfices car le gouvernement chinois les subventionnait abondamment : « Elles ne sont pas en concurrence, elles trichent », a-t-il affirmé. Le président américain annonçait au même moment vouloir tripler les droits de douane sur l’acier et l’aluminium venus de Chine, pour protéger les industries américaines.

Des déclarations qui ont eu le mérite d’agacer le tempérament glacial de la Chine qui s’est retranchée aussitôt dans l’inversion accusatoire : « Nous avons toujours demandé aux États-Unis de respecter sincèrement les principes d’une concurrence loyale, de se conformer aux règles de l’OMC et de mettre immédiatement fin à leurs mesures de protectionnisme à l’encontre de la Chine », avait réagi le porte-parole chinois Lin Jian – des règles que le PCC est le premier à ne pas respecter.

Même rapport de force de la part du chancelier allemand Olaf Scholz lors de sa visite diplomatique de 4 jours en Chine, lorsque qu’il a abordé les intérêts économiques communs de l’Allemagne et de la Chine (respectivement 3e et 2e puissance économique mondiale) et le fait de ne pas intervenir dans la guerre en Ukraine en soutenant la Russie et son armement.

Cela « affecte directement nos intérêts fondamentaux » a déclaré le chancelier à l’adresse du responsable du régime chinois, et « indirectement, ils nuisent à l’ensemble de l’ordre international parce qu’ils violent un principe de la Charte des Nations unies – le principe de l’inviolabilité des frontières des États », a-t-il ajouté. À quoi, Xi Jinping, semble-t-il piqué au vif, a répondu sur un ton martial : « Ne suivez pas vos propres intérêts, calmez la situation et ne mettez pas de l’huile sur le feu » – le PCC étant celui qui, en coulisse, suit ses propres intérêts, ne calme pas la situation et met de l’huile sur le feu.

Ce qu’on pourrait attendre de la France

La France a toujours eu un discours beaucoup plus timoré avec Pékin. Pour la rencontre prévue en mai, on dit de source diplomatique française qu’Emmanuel Macron aurait l’intention de faire passer à Xi Jinping un « message ferme ». On se rappelle Emmanuel Macron au retour d’un déplacement en Chine en avril 2023, appelant l’Union européenne à ne pas être « suiviste » des États-Unis sur la question de Taïwan. Ces propos avaient entraîné de vives critiques en Occident et avaient été largement salués par le PCC.

En difficulté sur la scène nationale et à l’étranger, Emmanuel Macron pourrait se saisir de la rencontre avec Xi Jinping pour mettre en scène un triomphe diplomatique, estime le quotidien allemand Die Welt, cité par le Courrier International. Ce sera en effet le premier voyage à l’étranger du leader du Parti communiste chinois depuis la pandémie de Covid-19, l’occasion pour les deux pays de montrer leur très forte amitié et par la même occasion de redorer mutuellement leur image à l’international.

Pour les chercheurs Emmanuel Lincot et Paco Milhiet, la France a nourri pendant 60 ans une ambivalence avec la Chine et la coopération économique entre les deux pays se déséquilibre entre de très gros contrats pour de grandes entreprises françaises (on parlait de « 50 contrats pour le 50e anniversaire » des relations bilatérales) et un très gros déficit commercial au niveau national (on parle maintenant de « 60 milliards de déficits pour le 60e anniversaire »)

Selon les chercheurs, le positionnement français vis-à-vis du régime chinois est un exemple caractéristique du « en même temps » élyséen, la France contribuant aux principales organisations multilatérales durcissant leurs positions contre Pékin (G7, OTAN, UE), mais reste proche en même temps du régime pour défendre ses intérêts et lui apporter du soutien.

S’il existe encore « un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde », comme le disait le Général de Gaulle, on attendrait moins de silence sur la question des droits de l’homme – dont la situation est dramatique en Chine et plus de fermeté face à la plus grande tyrannie mondiale.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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