Que peut-on attendre de la déclaration de politique générale de Michel Barnier ?

Par Ludovic Genin
25 septembre 2024 07:14 Mis à jour: 25 septembre 2024 20:07

Le Premier ministre Michel Barnier exposera sa feuille de route lors de sa déclaration de politique générale qu’il prononcera le 1er octobre.

Michel Barnier a demandé à ses ministres d’être « irréprochables et modestes », et d’avoir « du respect » pour « tous les partis politiques », en travaillant dans la « plus grande cohésion » alors que sa fragile coalition est déjà menacée de censure par la gauche et l’extrême droite.

Avec 39 nouveaux ministres et secrétaires d’État, majoritairement issus de la macronie et de la droite, le gouvernement sera « républicain, progressiste et européen », a-t-il souligné.

Alors que l’élaboration du budget 2025 est l’urgence numéro un, le Premier ministre a promis de ne « pas alourdir encore l’impôt sur l’ensemble des Français » mais suggéré que « les plus riches », voire les grosses entreprises, pourront prendre part « à l’effort de solidarité ».

Travailler à une « plus grande cohésion »

Michel Barnier a appelé son gouvernement à travailler dans la « plus grande cohésion » et « fraternité ». Il faut « créer une ambiance avec l’équipe gouvernementale qui permette à toutes les initiatives, toutes les énergies de s’exprimer », a déclaré le Premier ministre, qui ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Alors que de premières tensions apparaissent déjà avec les macronistes sur les sujets sociétaux, Michel Barnier a assuré que les « grandes lois » de « progrès social ou sociétal », comme celles sur l’interruption volontaire de grossesse ou l’assistance médicale à la procréation (PMA), seraient « préservées ».

Michel Barnier a écarté également toute possibilité de « polémique » avec Emmanuel Macron qui « préside » pendant que lui « gouverne », désireux de travailler avec lui dans un « esprit de compromis positif, dynamique », même s’il considère qu’il n’y a « pas de domaines réservés » au chef de l’État mais « partagés ».

« Garder la crédibilité de la France »

Le Premier ministre a insisté sur sa volonté de « garder la crédibilité de la France » sur les marchés, le déficit du pays ayant dérapé ces dernières années, sans alourdir les impôts sur l’ensemble des Français, évoquant une taxation des plus riches. « Une grande partie de notre dette est émise sur les marchés internationaux, extérieurs », a déclaré le Premier ministre.

Le nouveau gouvernement de Michel Barnier, et notamment ses ministres de l’Économie Antoine Armand et du Budget Laurent Saint-Martin, vont devoir s’attaquer sans délai à plusieurs urgences économiques.

Michel Barnier envisage de présenter le volumineux projet de loi de finances (PLF) au Parlement le 9 octobre. Signe de l’importance de ce dossier explosif, Michel Barnier a souhaité que le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, lui soit directement rattaché.

Concernant la réforme des retraites, entrée en vigueur il y a un an, il a indiqué qu’il souhaitait « prendre le temps de (l’) améliorer » en renvoyant le dossier aux partenaires sociaux. Sur les plus de 1000 milliards de dettes supplémentaires cumulées entre 2017 et 2023 sous la présidence d’Emmanuel Macron, 440 milliards venaient des pensions de retraites, a déclaré Jean-Pascal Beaufret, ancien inspecteur des Finances et ancien directeur général des impôts.

« Rétablir l’ordre »

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé la couleur. « Nous devons avoir le courage de la fermeté […] pour le collégien tabassé, pour la jeune fille violée, pour la veuve du gendarme endeuillée, pour nos compatriotes qui, en raison de leurs origines, de leurs couleurs de peau, de leurs croyances, sont menacés », a-t-il martelé, dans la cour de Beauvau, lors de son discours d’investiture.

« Les Français veulent plus d’ordre, d’ordre dans la rue, d’ordre aux frontières », a-t-il ajouté.

Pour sa première journée en tant que ministre de l’Intérieur, M. Retailleau a affirmé qu’il entendait œuvrer contre « l’ultra-violence » et a largement pointé « l’inexécution des peines », appelant à « un dialogue » avec le nouveau garde des Sceaux, Didier Migaud.

Le ministre a également assuré vouloir « prendre tous les moyens […] pour baisser l’immigration en France » et exprimé sa volonté d’ « utiliser (son) pouvoir réglementaire pour aller au bout de ce que l’on peut faire » pour réduire l’immigration illégale.

Présents lors de la passation dans la cour de Beauvau lundi matin, les responsables des syndicats policiers se sont dits « en phase » sur le message de fermeté affiché d’entrée, mais inquiets sur d’éventuels coups de rabot budgétaire.

« Débureaucratiser à tous les étages »

Le nouveau ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian a souhaité « débureaucratiser à tous les étages », a-t-il affirmé lors de la cérémonie de passation de pouvoirs. « Nous devons libérer les Français du poids des démarches administratives » mais « cette simplification ne doit jamais se faire au détriment de la qualité du service public », a insisté celui dont le portefeuille comprend également la Simplification et la Transformation publique.

Guillaume Kasbarian a repris à son compte l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen: « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Le nouveau ministre de la Fonction publique veut aider « ceux qui se sentent parfois éloignés des services publics. Ceux qui ne savent pas toujours comment effectuer une démarche administrative. Ceux qui ont dans certains cas l’impression d’être enfermés dans un labyrinthe bureaucratique », a-t-il énuméré.

« Une souffrance partagée par de nombreux agents, qui peuvent avoir l’impression d’être seul ou de passer plus de temps à remplir des formulaires qu’à exercer leur métier de cœur », selon lui.

« Renouer avec les territoires »

En hissant au troisième rang protocolaire Catherine Vautrin, à la tête d’un super-ministère du « partenariat avec les territoires et de la décentralisation », Michel Barnier entend montrer que les collectivités sont désormais des interlocuteurs privilégiés du nouveau gouvernement.

Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, les liens sont notoirement tendus entre les gouvernements successifs et les associations d’élus. Dernier épisode en date : l’accusation faite par Bercy aux collectivités de dépenser sans compter et de plomber le déficit public.

« Je sais les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux […]. Je vais m’adresser à chacune et chacun de ces élus pour leur promettre des échanges toujours francs […], bienveillants, et une attention toute particulière à leurs capacités et leurs moyens d’agir », a déclaré Catherine Vautrin, lors de la passation de pouvoirs.

Sous sa tutelle, la sénatrice bretonne Françoise Gatel (UDI), à la personnalité bien affirmée, hérite du portefeuille de la ruralité, qui regroupe également le commerce et l’artisanat. « Il y a toute une partie de notre territoire […] où les gens se sentent, surtout les jeunes, assignés à résidence et un peu oubliés. Il faut donc qu’on renoue avec l’espérance dans les territoires », a déclaré Mme Gatel devant la presse.

« Faire participer les plus riches »

Le Premier ministre Michel Barnier a expliqué qu’il demanderait aux contribuables et entreprises les plus riches un effort accru pour redresser les finances publiques.

« Je ne vais pas alourdir encore l’impôt sur l’ensemble des Français qui payent déjà le plus d’impôts de tous les partenaires européens », a déclaré M. Barnier, « ni sur les gens les plus modestes, ni sur les gens qui travaillent, ni sur les classes moyennes ». Il n’a pas écarté une hausse de l’impôt sur les sociétés sur certaines grandes entreprises.

Selon La Tribune et Les Échos, le gouvernement envisagerait cependant, non des hausses d’impôts, mais quelque chose qui y ressemble : un gel des barèmes de l’impôt sur le revenu, qui ne serait pas réévalués du montant de l’inflation, comme c’est le cas presque chaque année. Cela aboutirait à faire payer un peu plus d’impôt sur le revenu, à un peu plus de Français des classes moyennes et supérieures, pour un gain de quatre milliards d’euros.

Les hausses ciblées semblent expliquer la phrase de Michel Barnier, le 6 septembre, au lendemain de sa nomination : « Les Français ont besoin de justice fiscale ». Il a affirmé aussi qu’il lutterait contre la fraude fiscale et la fraude sociale.

L’Éducation « ne changera pas de cap »

L’Éducation nationale « ne changera pas de cap », a déclaré la nouvelle ministre Anne Genetet, lors de la passation de pouvoirs.

« Un mouvement a été lancé, autour d’ambitions fortes comme l’élévation du niveau de nos élèves, l’exigence de nos enseignements, mais aussi le respect de nos professeurs, de leur autorité et de celle de la République; et le bien-être de nos élèves et de nos personnels », a insisté Anne Genetet en référence aux mesures de la réforme dite du « choc de savoirs » annoncées lors du bref passage de Gabriel Attal rue de Grenelle et qui avait crispé le monde enseignant.

« Je veux travailler sur la dévalorisation du métier et la solitude des enseignants, ainsi que sur le besoin de formation continue », a ajouté la nouvelle ministre. Elle aura à gérer l’application de la réforme de la formation initiale des enseignants, annoncée au printemps par Emmanuel Macron. L’expérimentation de l’uniforme, la place des écrans à l’école ou le caractère obligatoire ou non du brevet pour passer en seconde font partie des sujets sensibles à aborder pendant son mandat.

Pas de nouveau budget pour la Santé

La nouvelle ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a cité l’accès aux soins et la prévention comme « axes majeurs » de sa future politique, tout en prévenant qu’elle ne pourrait pas « faire de miracles » en termes budgétaires. Les enveloppes « augmenteront un peu », mais « jamais à la hauteur de ce que tout le monde espérerait », a prévenu Geneviève Darrieussecq, sixième ministre de la Santé depuis 2022.

Parmi les axes majeurs de sa politique, elle a cité en premier « l’accès aux soins », qui doit être « partie intégrante de l’aménagement du territoire ». La ministre a aussi exprimé sa volonté de répondre au « défi démographique ». Alors que la population vieillit, « nous ne sommes pas un pays suffisamment dans la prévention », a-t-elle dit.

La ministre n’a pas mentionné dans son bref discours le projet de loi de fin de vie, qui a suscité des débats très nourris à l’Assemblée, avant que ceux-ci ne s’arrêtent pour cause de dissolution. Interrogée par l’AFP, elle a indiqué qu’elle allait d’abord « en parler avec le Premier ministre », dont elle « n’avait pas la position ». « Il me semble que l’Assemblée nationale et le Sénat doivent terminer le travail » sur ce texte, dont l’examen à l’Assemblée a été interrompu par la dissolution, a-t-elle dit.

Les dossiers ultra-sensibles des Outre-mer

François-Noël Buffet, désigné ministre des Outre-mer dans le gouvernement de Michel Barnier – auquel il sera directement rattaché, devra gérer plusieurs dossiers brûlants, dont celui de la Nouvelle-Calédonie, où sa nomination a été accueillie positivement.

« C’est une très bonne nouvelle », a abondé Philippe Dunoyer, pour le parti non indépendantiste Calédonie ensemble, rappelant que le nouveau ministre est « un homme pondéré, de discussion et de consensus ». Sonia Backès, présidente de la province Sud et cheffe de file des Loyalistes, a fait part de sa « satisfaction d’avoir un ministre qui connaît parfaitement » la situation.

La Martinique est aussi en proie à des tensions ces derniers jours, avec des manifestations contre la vie chère. La Guadeloupe est pour sa part touchée par des grèves d’agents EDF et subit des coupures d’électricité, tandis que Mayotte est confrontée aux conséquences d’une crise notamment migratoire.

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