Que sait-on des grandes lignes du programme du RN aux législatives ?

Par Germain de Lupiac
17 juin 2024 15:06 Mis à jour: 18 juin 2024 10:06

En fin de semaine dernière, Jordan Bardella a commencé à aborder le programme du Rassemblement national (RN) aux élections législatives. S’envisageant déjà à Matignon, le président du RN a indiqué vouloir construire un gouvernement « d’union nationale », constitué de plusieurs formations politique patriotes, qui se consacrerait dans les premières semaines à trois grandes urgences : « le pouvoir d’achat, la sécurité et l’immigration ».

Fort de sa victoire aux élections européennes, le scrutin des législatives revêt une dimension plus nationale et la participation sera plus élevée que le 9 juin. Au cours des quinze jours de campagne à venir, le RN sera la cible favorite du bloc central « Ensemble pour la République » mené par Gabriel Attal et de la coalition des gauches avec le Nouveau Front populaire.

Point d’inflexion des critiques, son programme économique, jugé trop à gauche, et pouvant peser encore davantage sur le portefeuille des Français déjà au bord de l’asphyxie. Reste à convaincre les Français et les marchés de la viabilité économique du programme du RN.

Le pouvoir d’achat

« Sur les questions économiques, j’ai une priorité, c’est le pouvoir d’achat. Je ferai voter la baisse de la TVA sur l’énergie […] et je négocierai une dérogation au marché européen de l’électricité » qui impose à la France des prix plus élevés, a déclaré Jordan Bardella aux Échos. Le président du RN veut redonner à la France un prix français de l’électricité et veut baisser la TVA sur les prix de l’énergie de 20 % à 5,5 % (carburant, électricité, gaz et fioul). Cela permettrait, selon Jean-Philippe Tanguy sur BFM, une baisse d’au moins 40 % des prix de l’électricité, et cela devrait redonner rapidement de l’air aux particuliers et aux entreprises très dépendantes des coûts de l’énergie.

Concernant cette « baisse immédiate » de la TVA sur l’énergie, le ministre de l’Économie et des Finances actuel, Bruno Le Maire, l’estime à près de 17 milliards d’euros. Cette mesure finit, selon lui, « plus souvent dans la poche des distributeurs que du consommateur ».

Le RN veut également développer le pouvoir d’achat des familles françaises en instituant une part fiscale complète dès le deuxième enfant, en créant un prêt à 0 % pour les couples qui auront un troisième enfant, et en doublant le soutien aux mères isolées élevant leurs enfants.

Concernant la filiation, le parti patriote veut supprimer les impôts sur l’héritage direct pour les familles modestes et les classes moyennes, et exonérer les donations des parents, mais aussi des grands-parents, à leurs enfants et petits-enfants, jusqu’à 100.000 euros par enfant tous les dix ans.

La sécurité 

En matière de sécurité, le RN veut accélérer les procédures judiciaires en doublant le nombre de magistrats, en rétablissant les peines planchers pour tout criminel et délinquant, et en supprimant toute possibilité de réduction et d’aménagements de peine, en particulier pour les violences contre les personnes. Cela permettrait d’avoir une sanction effective et rapide qui aurait un effet dissuasif pour le délinquant ou le criminel.

« En matière de politique pénale et de politique sécuritaire, il est temps de siffler la fin de la récréation », a déclaré Jordan Bardella, pointant les « records d’insécurité » du pays. Une loi sur la sécurité serait présentée « dès les premières semaines » si le RN remporte les législatives et en cas de cohabitation en tant que Premier ministre.

Le RN veut aussi instituer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre et sanctionner plus durement les récidivistes. « Je supprimerai les allocations aux parents des mineurs récidivistes », a continué Jordan Bardella, et le fait d’ « avoir un casier judiciaire long comme le bras » ne permettrait pas d’obtenir un logement social.

L’immigration

« Si je deviens Premier ministre, je ferai de la question de l’immigration et du contrôle des frontières l’une de nos priorités », répète le camp nationaliste. « Dès les premières semaines », une loi immigration serait présentée au Parlement pour « faciliter les expulsions de délinquants et criminels islamistes étrangers en levant les contraintes administratives », a révélé Jordan Bardella.

Le RN veut mettre fin à « l’immigration de peuplement » en arrêtant le regroupement familial et le droit du sol, afin que la France ne soit plus « un pays d’immigration massive incontrôlée ». Les aides sociales, le logement social et l’emploi seront également réservés en priorité aux Français, et il faudra cinq années de travail à des étrangers en France pour avoir l’accès aux prestations de solidarité, si l’on en croit le programme du RN actuel.

Si le RN a la majorité à l’Assemblée, il lancera ensuite une deuxième partie de mesures, comme la remise en cause de la réforme de l’assurance chômage, de la réforme des retraites — dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros pour chaque réforme, et sur le plus long terme, la privatisation de l’audiovisuel public, qui devrait faire économiser de 3 à 4 milliards à l’État.

« Évidemment, ça ne se fait pas en 24 heures », a précisé le patron du RN.

La question économique au centre des critiques

Les milieux économiques considèrent depuis le 9 juin la possible arrivée au pouvoir du RN comme un facteur d’instabilité. Beaucoup d’interrogations se posent sur le programme économique.

Pour redonner de la confiance, Jordan Bardella dit vouloir « déverrouiller toutes les contraintes qui pèsent sur la croissance ». « Nous devons redevenir un pays de producteurs », a-t-il affirmé. Quelques pistes programmatiques ont été abordées, comme la « simplification administrative, le patriotisme économique, la baisse de la fiscalité sur les entreprises et la sortie des règles européennes de tarification des prix de l’électricité… »

Le parti national propose également un « audit » des finances publiques réalisé par la Cour des comptes et l’inspection générale des finances, « pour que dans tous les grands services publiques, justice, santé, éducation, sécurité, l’on fasse un audit des comptes de l’État ». L’idée est de trouver les dépenses inutiles à l’État et de « dégraisser le mammouth », pour reprendre une expression décrivant le millefeuille administratif de l’Éducation nationale.

Le RN veut également inciter les entreprises à augmenter les salaires de 10 %, en leur proposant une exonération de cotisations patronales — ce qui donnera plus d’attractivité à l’emploi pour les entreprises et plus de pouvoir d’achat aux salariés.

Lors de sa conférence de presse le 12 juin, Emmanuel Macron a fustigé le coût du programme du RN qui s’élèverait, selon lui, à plus de 100 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an, alors que la France atteint les 3100 milliards d’euros de dette, dont près d’un millier sous le mandat de l’actuel président.

Pour le moment, sans plus de détail du parti en question, il est difficile d’avoir une estimation du coût du programme économique du RN — la plupart des médias, des experts et des think tank économiques faisant du « RN-bashing« .

La priorité nationale au cœur du programme du RN

Dans une interview récente au Figaro, Marine Le Pen n’a pas voulu positionner son parti dans le classique clivage droite-gauche. Elle a même remis en question le fait d’être un parti de droite.

Pour la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le clivage se situe aujourd’hui entre un camp national défendant la souveraineté française et la priorité nationale, et un camp des « internationalo-mondialistes », prônant d’un côté une ouverture complète des frontières pour l’extrême gauche et de l’autre, le remplacement de la souveraineté française par des structures supranationales, pour le camp progressiste.

Pour sortir du « chaos social, du chaos sécuritaire, du chaos migratoire et maintenant du chaos institutionnel », Marine Le Pen parle également d’un gouvernement « d’union nationale », composé de toutes les forces politiques patriotes du pays, quelle que soit la sensibilité politique.

Selon le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, interrogé par Public Sénat, le programme du RN pour les législatives sera « le programme de Marine 2022 croisé avec les européennes 2024, avec les ajustements que l’actualité a pu créer depuis ». Le programme définitif devrait être détaillé dans la semaine.

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