Antibiotiques, paracétamol, antiépileptiques, anticancéreux, etc. : de plus en plus de médicaments viennent à manquer dans les pharmacies, en France comme ailleurs en Europe, suscitant l’inquiétude d’un certain nombre d’acteurs qui jugent indispensable une réponse plus européenne.
« Il faut avoir une politique française de souveraineté (…), mais aussi une politique européenne » pour répondre à la pénurie de certains médicaments, insiste le ministre français de la Santé François Braun. La Commission européenne a proposé fin avril une réforme visant à contraindre les entreprises pharmaceutiques à mieux se prémunir contre les pénuries, à les encourager à développer de nouveaux antibiotiques et à lancer leurs médicaments dans l’ensemble de l’UE.
Renforcer la souveraineté industrielle de l’UE
Mais cette proposition ne résoudra pas l’ensemble du problème, ont déjà reconnu certaines voix à la Commission, rappelant que l’UE œuvre par ailleurs à renforcer sa souveraineté industrielle et à sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques. Pour M. Braun, il faut « plus de transparence » des laboratoires pharmaceutiques sur leur production, une plus grande solidarité européenne quand quelqu’un a des stocks et peut aider ceux qui n’en ont pas, et l’élaboration d’une liste européenne de ces médicaments essentiels, pour que l’on garantisse leur production pour nous en France mais aussi en Europe ».
Comme je m’y suis engagé, je présenterai d’ici la fin du mois une liste de médicaments critiques, pour lesquels nous renforcerons nos efforts pour éviter toute difficulté d’accès pour chacun. Parmi eux : l’amoxicilline, le paracétamol, l’insuline ou la vigabatrine. pic.twitter.com/P1MFqhSw1J
— François Braun (@FrcsBraun) May 10, 2023
Le Leem, le lobby français du secteur pharmaceutique, doit présenter ce jeudi ses « propositions pour préserver l’accès des Français aux médicaments ».
Aggravation des ruptures de stock
Selon Sonia de La Provôté, sénatrice et présidente de la commission sénatoriale d’enquête sur le sujet, les pénuries se sont « aggravées depuis un peu plus d’une quinzaine d’années, avec par exemple des situations particulièrement critiques depuis plusieurs hivers sur la prise en charge des bronchiolites des nourrissons liées à une pénurie de corticoïdes en gouttes ».
Au total, 3500 signalements de ruptures de stock et de risque de ruptures ont été recensés en 2022, en nette hausse par rapport aux 2160 recensés en 2021, selon un dernier bilan transmis cette semaine à l’AFP par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Bronchiolote, grippe, épilepsie…
En France, le manque de certains médicaments, notamment d’antibiotiques et de paracétamol, a été particulièrement visible cet hiver sous l’effet d’une triple épidémie de bronchiolite, de grippe et de covid-19. Des témoignages médiatisés ont aussi fait état de difficultés à se procurer certains médicaments antiépileptiques pour les jeunes enfants ou des pilules abortives. Les causes de pénurie sont multiples : capacité de production insuffisante, concentration des fabricants, difficultés d’approvisionnement en matières premières, défauts de qualité sur les médicaments, réglementations nationales, effets des crises internationales, inflation, etc.
Le problème ne touche pas seulement la France : fin avril, des pédiatres de différents pays européens ont alerté sur un risque pour « la santé de nos enfants et de nos jeunes » en raison du manque de médicaments dans toute l’Europe. La production des principes actifs étant notamment concentrée dans quelques pays asiatiques à bas coûts, notamment la Chine et l’Inde, « s’il y a un petit grain de sable dans la chaîne de production, c’est toute la chaîne qui est touchée », relève pour l’AFP la sénatrice Laurence Cohen, rapporteuse de la commission sénatoriale d’enquête.
Relocaliser la production en Europe
À l’échelle nationale, « il ne faut pas s’interdire d’avoir plus de vigilance sur les remontées de signaux, plus d’anticipation avec les industriels, et recourir à des molécules de substitution quand cela est possible », affirme à l’AFP Philippe Coatanea, vice-président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Mais selon lui « la solution ne peut s’inscrire que dans une stratégie internationale, et a minima européenne, d’anticipation, plutôt que d’empiler des systèmes franco-français toujours plus coercitifs et rigides », ajoute-t-il. « La vraie réponse européenne, c’est de relocaliser en Europe la production des molécules essentielles, à un prix raisonnable. Les compétences existent en Europe mais c’est un terrain sur lequel actuellement la Commission ne va pas », déplore l’économiste Nathalie Coutinet.
En outre, l’UE n’a pour l’heure pas la compétence de fixer les prix des médicaments, qui sont du ressort des autorités nationales dans le cadre de négociations avec le fabricant, de même que les taux de remboursement. « Le marché européen est en gros marché, mature. S’il est organisé et parle d’une seule voix, dans les négociations, ça pèse quand même beaucoup sur le business plan des laboratoires », pointe Sonia de La Provôté.
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