Si des pensées angoissantes vous assaillent alors que vous allez au lit, alors le manque de sommeil devient un de vos ennemis. Aux États-Unis, les Centers for Disease Control (centres de surveillance des maladies), estiment que les personnes souffrant du manque de sommeil (les adultes dormant moins de sept heures par nuit) présentent un plus grand risque d’obésité, de maladies cardiovasculaires, de diabète et d’autres problèmes de santé chroniques.
Cependant, pour Jim Horne, neurologue spécialiste du sommeil et professeur émérite de psychophysiologie à l’Université de Loughborough, au Royaume-Uni, les preuves en la matière sont discutables et l’affirmation ci-dessus pourrait faire plus de mal que de bien.
« Les personnes qui souffrent d’insomnie sont déjà assez angoissées quand sonne l’heure d’aller au lit », déclare Horne « et le risque d’obésité, ou de maladies cardiovasculaires n’est pas particulièrement [élevé] », tempère-t-il.
Dans son nouveau livre, Sleeplessness: Assessing Sleep Need in Society Today, il analyse les dernières recherches sur le sommeil et les preuves historiques qui contredisent certaines thèses actuellement privilégiées.
Par exemple, certains blâment l’épidémie dite de manque de sommeil dans une société hyperactive et hyperstimulée qui nous empêcherait de dormir autant que l’exigent nos besoins. Mais Horne indique que le temps de sommeil des gens aujourd’hui est pratiquement équivalent à celui des gens par le passé.
Epoch Times s’est entretenu avec Horne sur la fonction du sommeil, la manière de s’assurer un sommeil de meilleure qualité et la mécanique des rêves.
Epoch Times : Quelle est la fonction du sommeil ?
Jim Horne : Le sommeil a une variété de fonctions. Pour les humains, le sommeil est lié au cerveau. Le cortex – les centres les plus élevés de celui-ci – est toujours actif et ne s’arrête jamais. Il est en permanence dans un état de quiétude vigilante.
Tous les autres organes peuvent réellement se reposer et récupérer dans un état de détente éveillée, mais le cortex en est incapable. Si on vous demandait de vous allonger et de dormir et que nous décidions de mesurer l’activité de vos organes, le seul moyen que nous aurions d’être sûr que vous dormez, récupérez et que de gros changements se produisent, serait d’examiner votre cortex.
Pour nous, le sommeil ne demande pas beaucoup d’énergie, au vu des grands bienfaits qu’il procure au cortex.
Epoch Times : Dans votre livre, vous abordez la question de l’insuffisance de sommeil, traitée dans diverses études récentes. Vous déclarez que l’alarmisme à ce sujet dans notre société moderne est exagéré. Dans quelle mesure ?
Jim Horne : Le manque de sommeil attire beaucoup l’attention mais, autant que nous le sachions, ce n’est pas pire aujourd’hui qu’il y a cent cinquante ans. Dans les revues médicales de l’époque, vous pouviez lire que les gens se plaignaient de ne pas assez dormir et ils blâmaient l’agitation de l’ère industrielle. Il était, comme aujourd’hui, tout aussi contre-productif de vouloir faire dormir plus longtemps.
Je ne tire pas à boulets rouges sur le manque de sommeil. Mais compte tenu de la nature humaine, vous devez consentir des sacrifices sur certains aspects de votre vie réveillée.
Chez beaucoup de gens, l’insomnie survient à cause d’une cavalcade de l’esprit. Le contenu de leur vie s’introduit dans leur sommeil. L’idée selon laquelle les insomniaques sont susceptibles de souffrir d’obésité, de maladies cardiovasculaires, ou autres, est peut-être un peu exagérée.
Le plus grand risque pour les personnes qui ne dorment pas suffisamment est la somnolence en cours de journée, avec comme conséquence l’éventualité d’un accident. L’un des facteurs cruciaux, pour améliorer son sommeil, est la tranquillité d’esprit.
Epoch Times : De combien d’heures de sommeil avons-nous besoin ?
Jim Horne : Il existe des différences individuelles et des variations naturelles autour du sommeil.
Aux États-Unis, sur les cent dernières années, l’individu moyen dort environ sept heures par nuit. Cela n’a pas vraiment changé. Mais vous ne pouvez pas évaluer le sommeil uniquement sur sa durée, la qualité du sommeil est tout aussi importante. Par exemple, il vaut mieux dormir six heures d’un bon sommeil que dix heures d’une nuit agitée ou discontinue.
Epoch Times : À quel point nos habitudes actuelles de sommeil diffèrent-elles de celles de nos ancêtres ?
Jim Horne : Autrefois, en Europe et en Amérique du Nord, les gens dormaient deux fois par nuit. Le soir ils allaient dormir deux ou trois heures, pour se réveiller vers 1 heure ou 2 heures du matin. Ils se levaient, priaient, mangeaient un bout, vérifiaient que la maison était en sécurité, allumaient le feu, allaient voir leurs animaux, etc. C’était assez courant pour les gens de se réveiller pour une heure ou deux, avant de retourner au lit.
Des nuits de sept heures d’un sommeil ininterrompu sont probablement associées à l’ère industrielle. L’éclairage électrique a affecté d’une certaine façon notre horloge biologique et notre perception de la sécurité. Beaucoup de preuves indiquent que notre volonté de nous octroyer sept à huit heures de sommeil ininterrompu par nuit, est assez récente dans notre histoire.
Epoch Times : Quel avantage peut-il y avoir à morceler nos nuits de sommeil ?
Jim Horne : C’est très intéressant de noter que l’une des formes les plus courantes d’insomnie est justement l’incapacité à se rendormir, après un réveil en milieu de nuit pour une heure ou deux. À se demander s’il ne s’agit pas d’une rémanence des temps anciens.
En début d’après-midi, nous avons tous un coup de barre, parce que de manière naturelle, nous sommes probablement faits pour avoir deux périodes de sommeil par jour : une longue la nuit et une autre, plus courte, dans l’après-midi. Une sieste l’après-midi semble revigorer beaucoup de gens.
Epoch Times : Certaines personnes se plaignent d’un sommeil insuffisant, mais est-il possible de dormir trop ?
Jim Horne : Une chose importante à savoir est qu’on peut dormir par plaisir comme par besoin. Comme toute fonction biologique, vous pouvez vous y adonner. De la même manière que vous pouvez manger ou boire au delà de la satisfaction de vos besoins – non pas pour combattre la faim ou la soif, mais par plaisir.
Epoch Times : Que pensez-vous des rêves ? Quelle est leur fonction ?
Jim Horne : Le rêve est un phénomène que nous ne comprenons pas encore entièrement. Contrairement à Freud, je ne crois pas que les rêves résolvent les soucis et les conflits internes. Mais il avait raison lorsqu’il disait que les rêves reflétaient nos pensées. Les rêves sont un mélange de ce que vous pensez, faites et ce qui occupe votre esprit lorsque vous êtes réveillé.
Les rêves se produisent pendant le sommeil paradoxal. Le sommeil paradoxal génère une stimulation interne qui vous maintient endormi, mais permet à votre ouïe d’être réceptive pour entendre le danger et vous réveiller si nécessaire.
Votre cerveau est comparable à un ordinateur. Si vous vous réveillez pendant la phase du sommeil profond en pleine nuit, il faudra du temps au cerveau pour démarrer. Alors que le sommeil paradoxal ressemble plus au mode veille.
Nous rêvons environ quatre fois par nuit, pour un total d’environ une heure et demie. Nous oublions généralement nos rêves, à moins de se réveiller juste après, mais le plus souvent nous ne pouvons nous rappeler que les dernières minutes.
La plupart des rêves se produisent en fin de nuit. En début de nuit, le corps s’assure du fonctionnement de tous les processus vitaux et à mesure que le sommeil s’installe, de choses moins vitales. Donc ce qui arrive en fin du sommeil, comme le rêve, est moins important ou essentiel.
Les rêves sont un phénomène impressionnant, mais je pense que la seule personne bien placée pour les interpréter est le rêveur lui-même. Une tierce personne qui ignore par quoi vous êtes passé – ce que vous avez fait et ce qui occupe votre esprit – va avoir beaucoup de difficulté à comprendre la signification de vos rêves.
Epoch Times : Par exemple, rêver d’un champignon, ne symbolise pas la même chose pour tout le monde ?
Jim Horne : Exactement, certaines personnes vont rêver d’un champignon parce qu’elles adorent la soupe aux champignons, alors que d’autres l’associeront à un nuage nucléaire.
Epoch Times : Quelle direction devraient prendre, selon vous, les recherches sur le sommeil ?
Jim Horne : Je trouve que les spécialistes passent trop de temps à comprendre le sommeil dans leurs laboratoires. Celui-ci est plus flexible que nous avons tendance à le penser. Il faudrait peut-être établir une passerelle avec les sociologues et les historiens, pour en avoir une compréhension plus large, du point de vue de l’environnement quotidien du dormeur.
Nous dormons la nuit, pour contrecarrer la somnolence qui sinon nous saisirait en journée. Mais nous devons repenser plus largement notre approche du sommeil au-delà de la somnolence. Comment le sommeil affecte-t-il nos fonctions cognitives et notre capacité créative ? Ces effets sont difficiles à mesurer.
Le problème est qu’il est facile de mesurer la somnolence et la technologie aujourd’hui est notre alliée. Mais peut-être que nous devrions mieux prendre du recul et ne pas surestimer la valeur des choses faciles à mesurer.
Version anglaise : Unraveling Sleep Mysteries
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