« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait Rabelais.
La crise sanitaire est avant tout une crise éthique. L’éthique doit être définie comme un « ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un ».
Depuis le 14 mars 2020, date des premières fermetures administratives prononcées pour faire face à la pandémie de covid-19, une crise éthique, juridique, politique, démocratique, économique, financière s’est élevée.
À partir de combien de morts une épidémie devient une crise sanitaire ? D’ailleurs, qu’est-ce que juridiquement une crise sanitaire ?
À titre liminaire, nous rappellerons immédiatement qu’en qualité d’avocat, nous nous cantonnerons à la question du droit et n’aborderons pas les questions scientifiques qui ne relèvent pas de notre office. Exit l’efficacité du vaccin, les risques du vaccin ou la question d’être pro ou anti-vaccin. Tel n’est pas le sujet en l’espèce.
L’état d’urgence sanitaire visé à l’article L3131-12 du code de santé publique peut être déclenché en cas de « de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».
Ces critères sont subjectifs et laissent une très grande marge de manœuvre. On peut ainsi définir la crise sanitaire comme étant « une situation qualifiée, par le pouvoir politique du moment, comme étant une crise sanitaire ».
Pour en savoir un peu plus, il convient de se référer à l’avis du Conseil d’État publié le 20 décembre 2020 – Conseil d’État Avis N° 401741.
Aux termes de celui-ci, le Conseil d’État indiquait : « En ce qui concerne l’état de crise sanitaire, qui suppose une ‘menace sanitaire grave’ ou une ‘situation sanitaire grave’, le Conseil d’État relève que la gravité, qu’il n’apparaît pas opportun d’assortir de critères de définition pour éviter d’entraver l’action nécessaire des pouvoirs publics face à une crise d’une nature nouvelle, peut s’entendre […]. »
On comprend qu’il ne faille pas entraver l’action du gouvernement lorsqu’un évènement imprévisible surgit. Cependant, il convient aussi d’avoir à cœur que toute situation anormale ou nouvelle ne puisse pas massivement désactiver un grand nombre de libertés considérées comme fondamentales.
Il ne faudrait donc pas donner le pouvoir d’instaurer un état de crise sanitaire perpétuel.
C’est dans ce contexte de pandémie mondiale que l’idée d’un passeport basé sur l’état de santé est apparue. Ce passeport sanitaire, vaccinal, pass vert, pass numérique ou quel que soit le sobriquet qu’on lui donne revêt la même réalité.
Cette idée est celle d’exiger la preuve d’un élément de santé d’un individu afin de lui accorder ou refuser certains droits.
À une autre époque, nous aurions appelé cela une discrimination. Une discrimination constitue une infraction pénale. Outre la sanction juridique, une discrimination a un caractère infamant pour son auteur lorsqu’elle est portée au grand jour.
Après de nombreux débats où l’opposition s’est faiblement opposée, la loi du 31 mai 2021 relative à la sortie de crise sanitaire a fait entrer dans le droit positif le « passeport sanitaire ».
Qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit de l’obligation de justifier d’un élément de sa santé pour voyager en dehors de la France métropolitaine ou pour accéder à certains établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes. Cet élément de santé peut être justifié par un vaccin, un test PCR négatif ou un certificat de rétablissement.
Il s’agissait de ne pas faire du vaccin la condition sine qua non pour pouvoir voyager ou accéder à certains lieux.
Ce dispositif est prévu au II de l’article 1er de la loi. Il a vocation à s’appliquer entre le 2 juin et le 30 septembre 2021. Les décrets du 1er et du 7 juin 2021 ont précisé son contenu.
L’instauration d’un passeport sanitaire soulève des problèmes juridiques et éthiques d’une très grande gravité qui ne laisseront pas notre droit indemne. Si en période de crise sanitaire, les libertés fondamentales peuvent être désactivées, alors c’est qu’elles ne sont plus si fondamentales.
Nous allons essayer de regarder si l’instauration d’un passeport sanitaire est légale au regard des règles nationales et internationales.
Le principe même du pass sanitaire est peu convaincant (I). Pourtant, nationalement, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont validé le dispositif (II). Son extension imminente pourrait changer la donne (III). Enfin, il convient de se demander si, sur le plan international, et notamment de la Convention européenne des droits de l’homme, une solution différente serait possible (IV).
I – Une justification peu convaincante du pass sanitaire :
Les défenseurs de la santé publique plaideront que ce mécanisme juridique est justifié pour les raisons suivantes :
- La crise sanitaire justifie tous les moyens ;
- Le pass sanitaire est cantonné à la question de la Covid-19 :
- Le pass sanitaire est temporaire et limité dans le temps ;
Premièrement, il n’existe pas de définition de ce qu’est une crise sanitaire. À partir de quand une situation n’est plus acceptable et nécessite de recourir à de tels moyens ?
Deuxièmement, il serait cantonné à la maladie provoquée par le virus SARS-CoV-2. Dès lors que l’outil technologique permettant d’éviter des épidémies futures existe, pourquoi le cantonner à la question d’une maladie dont la létalité est inférieur à 1 % ? Pensons notamment au VIH et posons-nous sérieusement cette question. Surtout, les moyens financiers mis en place pour instaurer ce pass ne peuvent se justifier pour une période aussi courte.
Troisièmement, l’histoire des dernières décennies démontre que la tendance est à la généralisation et à la pérennisation des mesures restrictives de liberté. Des mesures qui étaient envisagées comme provisoires sont ensuite entrées dans le droit positif. Nous faisons ici référence à l’état d’urgence sécuritaire qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015.
Plus récemment, l’instauration du port du masque en extérieur en est une illustration. La mesure qui ne concernait que les centres-villes a rapidement été étendue aux métropoles puis aux départements. Il faudra attendre une déclaration du Premier ministre, à quatre jours des élections régionales, pour décider d’y mettre fin… pour un temps.
Surtout, si au 30 septembre 2021 les indicateurs sont au rouge, pensons-nous raisonnablement que cet outil disparaitra ?
Rappelons également que de nombreuses dispositions du décret du 1er juin 2021 permettent aux préfets de prendre des mesures plus restrictives.
II- La validation certaine du passeport sanitaire par les juridictions nationales :
En apparence, le passeport sanitaire semble extrêmement douteux sur le plan de sa légalité (A). De manière à peine surprenante, les juridictions nationales ont validé le principe (B).
A) Une légalité douteuse du passeport sanitaire :
Deux droits fondamentaux sont directement impactés ; la liberté (1) et l’égalité (2).
1) L’atteinte à la liberté :
Liberté, égalité, fraternité, telle est la devise de la République française.
La notion de santé n’apparait pas dans ce triptyque.
La liberté est une valeur qui est fondamentale, immuable, intemporelle et universelle. La santé est un bien, c’est le fait d’avoir. Elle permet de jouir des autres droits et constitue ainsi un moyen et non une fin.
La liberté constitue le droit de pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. La liberté se retrouve ici réduite dans l’hypothèse où il est nécessaire de justifier de son état de santé pour jouir de sa liberté d’aller et venir ou pour accéder à certains lieux publics.
Si un tel outil se pérennisait et se généralisait, les personnes non vaccinées seraient pénalisées dès lors qu’elles seraient soumises à l’exigence de réaliser régulièrement des tests PCR.
Indirectement mais sûrement, les citoyens non vaccinés se trouveront privés du droit d’entreprendre, de travailler, de la liberté d’aller et venir ou encore du droit au respect de la vie privée et familiale. Cela aura aussi un impact sur le droit de propriété qui s’en trouvera réduit.
2) L’atteinte à l’égalité :
Le principe d’égalité trouve sa source dans le droit constitutionnel et irrigue tout notre droit. Il implique, d’une part, que toutes les personnes placées dans une situation identique soient traitées de la même manière. Cela n’empêche pas que des situations différentes fassent l’objet d’un traitement différent. Il est possible de déroger à l’égalité lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie.
Dans ces deux situations, motif général ou situation différente, la différence de traitement qui peut en résulter doit être en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit. Cette différence ne doit pas être manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier
Le pass sanitaire constitue un risque d’exclusion sociale d’une partie de la population qui ne souhaitera pas se soumettre à une telle obligation. Il y aura des citoyens vaccinés et des citoyens non vaccinés ou, en d’autres termes, des supra-citoyens et des sous-citoyens. Or, le droit français ne reconnaît qu’un peuple français. Il y aura un peuple et un sous-peuple !
B) La validation du passeport sanitaire :
Cette validation s’est faite par le Conseil d’État en décembre 2020 (1) puis par le Conseil constitutionnel le 31 mai 2021 (2).
1) La validation préventive du Conseil d’État :
Le Conseil d’État a rendu un avis le 20 décembre 2020. Sans jamais que ne soit prononcé le mot passeport, le Conseil d’État a validé le principe de la subordination de l’accès à certaines activités et lieux à la production d’un document attestant d’un élément de santé d’un individu.
Il conclut en indiquant que « le caractère nécessaire, proportionné et approprié d’une telle mesure ne saurait être regardé comme exclu dans la perspective, qui est celle du projet de loi, de disposer de moyens juridiques pérennes de réponse à des catastrophes sanitaires dont la gravité ne peut être anticipée. Elle peut permettre, par elle-même, de concilier, dans les hypothèses d’épidémie d’une particulière gravité, l’exercice effectif de certaines libertés avec l’objectif de protection de la santé publique, en lieu et place de mesures plus généralisées ou plus restrictives des libertés en cause, notamment de la liberté d’aller et venir et de la liberté d’entreprendre ».
Le passeport sanitaire a été validé sur le principe par le Conseil d’État.
Les décrets du 1er et du 7 juin 2021 ont cantonné dans le temps et dans son importance le mécanisme. Ainsi, un recours à l’encontre de ces décrets serait très certainement voué à l’échec.
2) Le rejet de l’inconstitutionnalité du passeport sanitaire par le Conseil constitutionnel :
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 mai 2021 de plusieurs dispositions de la loi promulguée le 31 mai 2021.
Le II de l’article 1er de la loi était querellé. Les députés soutenaient notamment que le principe d’égalité devant la loi serait méconnu si les examens de dépistage virologique n’étaient pas gratuits dès lors, d’une part, que la vaccination est, pour sa part, gratuite et, d’autre part, que certaines personnes ne peuvent se faire vacciner pour des raisons indépendantes de leur volonté.
Deux reproches peuvent être faits aux auteurs de la saisine.
— Concernant la liberté :
Il s’agit ici de la liberté d’aller et venir ou encore de la liberté individuelle qui est malmenée par l’instauration d’un tel pass.
La saisine aurait pu soulever la question de la liberté vaccinale ou encore de la liberté de consentir à un acte médical. Cela n’a pas été le cas, ce qui est fort regrettable. Or, comme nous l’avons vu, l’obligation de justifier de son état de santé constitue une limite à la liberté. Cette question aurait méritée d’être tranchée.
— Concernant l’égalité :
Celui-ci n’est visé que sous un angle bien précis ; un accès gratuit aux tests PCR.
Ce droit aurait mérité d’être présenté sous différents angles. Ainsi, plusieurs questions auraient pu être posées aux sages.
La première ; la loi ne méconnaitrait-elle pas le principe d’égalité en instaurant une différence de traitement disproportionnée et sans rapport avec l’objectif légitime poursuivi, entre une personne vaccinée et une personne non vaccinée dès lors que les secondes seront amenées à réaliser un dépistage invasif pouvant être régulier alors même que le vaccin n’empêche pas la contamination ou la maladie ?
La seconde ; la loi ne méconnaitrait-elle pas le principe d’égalité en instaurant une différence disproportionnée par rapport à l’objectif légitime poursuivi entre une personne justifiant de son état de santé et celle qui ne le ferait ?
Il restera à savoir si, par la voie d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une telle question pourrait être posée. Dès lors que la loi a déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a priori, la recevabilité d’une telle question n’est pas acquise.
III – Une extension imminente du pass sanitaire :
Alors que nombre de juristes avaient alerté sur les dérives possibles que pourrait instaurer un tel outil juridique, il n’aura fallu que trois semaines avant de décider d’étendre le pass sanitaire aux établissements de boîte de nuit puis de décider de son extension de manière autoritaire par une intervention télévisuelle le 12 juillet 2021. Il s’en est suivi immédiatement une extension du pass sanitaire par voie de décret (A) puis un projet de loi qui n’est pas encore promulgué à l’heure ou nous écrivons ces lignes (B).
A) une extension illégale du pass sanitaire:
Le législateur avait conditionné l’instauration du pass sanitaire à la circonstance qu’il s’agissait d’une mesure temporaire et limitée aux voyages et aux grands rassemblements.
Ainsi on pouvait lire lors des débats parlementaires et notamment de Monsieur Philippe LATOMBE « Le pass est respectueux des libertés de chacun dès lors qu’il est réservé à des événements spécifiques et que son usage est clairement exclu pour les actes de la vie courante – fréquentation des restaurants, des cinémas, des magasins – et clairement défini par la loi« .
Cette apparente limitation du pass sanitaire a rapidement pris fin avec les annonces présidentielles. Un décret du 19 juillet 2021 a étendu le pass sanitaire à certains ERP accueillant plus de 50 personnes. Il s’agit des salles de spectacles, les salles de jeux, les établissements sportifs. Pourquoi seulement eux et pas tous les ERP ? Parce que. La capacité de 50 personnes constitue-t-elle un grand rassemblement ?
Comme toute mesure prise dans l’urgence, la question de cette jauge de 50 personnes a fait l’objet de discussions. S’agissait-il de la capacité d’accueil du bâtiment ou de la capacité annoncée par le chef d’établissement ? Après quelques jours de flou juridique, il a été convenu qu’il s’agissait de la capacité annoncée. Les ERP peuvent donc baisser leur capacité d’accueil pour échapper au pass sanitaire.
Or, ce décret est pris en application d’une loi pour laquelle il ressort des travaux parlementaires que le pass sanitaire n’avait clairement pas vocation à être étendu aux lieux de la vie courante.
Ce décret dépasse donc le champ d’application consacré par la loi. Les lieux concernent des activités de la vie courante comportant pour certains des rassemblement de faible importance, et ce, alors que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État l’ont validé à des conditions très strictes.
Pour que ce décret soit suspendu voire annulé, il convient de le contester devant le juge administratif. L’association CERCLE DROIT ET LIBERTES a engagé un référé liberté le 21 juillet 2021 devant le Conseil d’État. À ce jour, nous ne connaissons pas la solution qui sera rendue par le Conseil d’État.
Il ne convient pas d’attendre grand chose de ce dernier alors que, parallèlement, un projet de loi visant à élargir massivement le pass sanitaire est en discussion au Parlement.
B) L’extension programmée du pass sanitaire:
Un projet de loi a été déposé le 20 juillet 2021. Il a été voté en commission mixte paritaire le dimanche 25 juillet 2021 dans la soirée. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le projet n’a pas encore été promulgué. Il fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel, qui a déjà annoncé qu’il rendra une décision le 5 août 2021.
Au cœur de ce projet, plusieurs mesures ont été adoptées :
- L’application du pass sanitaire est prévue jusqu’au 15 novembre 2021 ;
- Extension du pass aux ERP, bars, restaurants, établissements de santé, les déplacements de longue distance, etc. ;
- Le pass sanitaire sera étendu à compter du 31 août aux personnes travaillant dans ces lieux ;
- Le pass sanitaire concerne les enfants dès 12 ans ;
- Le contrôle d’identité se fait par les seuls agents de police ;
- Suspension du contrat de travail et de la rémunération pour la personne soumise au pass sanitaire et qui refuse de s’y conformer ;
- Possibilité de rupture des CDD de manière anticipée pour défaut de pass sanitaire ;
- Peine de six mois d’emprisonnement et 10 000 euros d’amende pour défaut de pass sanitaire au sein de ces établissements et activités ;
- 1500 euros d’amende pour l’exploitant de service de transport ;
- Mise en demeure pour le chef d’établissement si non-respect du pass sanitaire, puis possible fermeture administrative et enfin, si plus de trois manquements en 45 jours, 1 an d’emprisonnement et 9 000 euros d’amende ;
- L’utilisation d’un résultat appartenant à autrui ou le fait de proposer son test de manière gratuite ou onéreuse à autrui est puni de six mois d’emprisonnement et 10 000 euros d’amende ;
- L’accord d’un seul des parents est nécessaire pour la réalisation de la vaccination d’un mineur ;
- Le mineur de plus de 16 ans n’a pas besoin de l’accord parental ;
Nous ne ferons pas toute la liste des nouveautés mais noterons qu’elles chamboulent considérablement notre droit.
Certains arguent que le pass sanitaire c’est l’instauration de la liberté. Manifestement, les connaissances juridiques semblent manquer pour en arriver à une telle conclusion.
Les libertés qui sont naturelles et imprescriptibles sont devenues temporaires et conditionnelles.
Elles peuvent être retirées à tout instant puisque la vaccination n’empêche pas l’instauration de mesures de « lutte » contre la pandémie. Elles sont limitées dans le temps puisqu’il conviendra de se soumettre à un abonnement vaccinal qui aura lieu chaque année. La liberté disparait également en cas d’impossibilité de présenter son pass pour quelque raison que ce soit.
Une liberté n’est jamais absolue dans une société démocratique. Mais elle ne peut être totalement niée au profit de l’intérêt collectif. Or, contraindre de manière insidieuse la population à se faire vacciner, c’est nier la liberté individuelle de ne pas souhaiter être vacciné pour des raisons diverses et variées qu’il ne nous appartient pas de juger. Contraindre par la force, c’est la capitulation de l’État de droit. Instaurer des droits à géométrie variable selon l’état de santé des individus, c’est nier ce qui fait société. La liberté de ne pas être contaminé et de mourir de la maladie ne peut anéantir la liberté de consentir à un vaccin. Un juste équilibre doit être trouvé. Il ne l’a pas été, c’est évident !
En réalité, le pass sanitaire constitue un outil de contrôle et de flicage permanent de la population. Ceux qui s’y soumettent ne sont pas libres mais maintenus dans un état de servitude consenti. Ceux qui le refusent sont en marge de la vie en société. Entre eux, ce n’est pas une différence de nature, mais une différence de degré.
La seule différence est la longueur de la laisse !
Nous l’avions indiqué dès le départ, le combat ne concerne pas un combat scientifique mais juridique. Il n’oppose pas deux catégories de population mais deux visions du monde.
Cette vision a-t-elle vocation à s’étendre sur la surface du globe ?
IV- La validation conditionnelle de la Cour EDH :
Les libertés protégées par la Constitution le sont également par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme (A). L’appréciation in concreto de la Cour pourrait donner lieu à des solutions différentes (B).
A) L’atteinte des droits protégés par la convention par le passeport sanitaire :
La Convention européenne des droits de l’homme reconnait des droits qui ne sont pas théoriques ou illusoires.
Des restrictions à des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme sont possibles mais strictement encadrées.
La Cour EDH reconnait qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ces droits que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui .
Si, bien entendu, les États contractants bénéficient d’une importante marge d’appréciation pour réglementer la protection de la santé publique, il s’ensuit qu’ils ne sauraient cependant porter atteinte à l’essence même de ces droits. Ces mesures doivent toujours avoir un but légitime et être conformes au principe de proportionnalité entre les moyens employés et l’objectif poursuivi.
➢ Cour EDH 14 décembre 1999, Khalfaoui c/ France n°34791/97 § 35-36 ;
La Cour effectuera toujours une appréciation in concreto et ne se prononcera pas sur la conventionnalité des mesures prises par le gouvernement. Elle vérifiera que l’application de ces mesures n’a pas méconnu les droits protégés par la Convention.
Si nous revenons sur la problématique du passeport sanitaire, nous pouvons constater qu’il existe une restriction de la liberté.
Sur le plan du droit international, on évoquera les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce texte protège le droit à la vie privée et familiale. À ce titre, la Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence très protectrice de la sphère privée, laquelle comporte notamment le droit à l’autodétermination et le droit à la santé.
En vertu de ce texte, il a été reconnu de longue date par la Cour qu’il existait un droit de consentir aux soins. L’imposition d’un traitement, y compris s’il s’avère nécessaire pour éviter une mort certaine, constitue une atteinte à l’intégrité physique. Cette atteinte méconnaîtrait le droit à la vie privée et familiale.
B) Une position indentifiable de la Cour EDH :
Il s’agit ici d’une analyse prospective qui n’engage que l’auteur de ces modestes lignes.
La réponse à cette question n’existe pas à ce jour et tout dépendra de l’évolution de cet outil juridique qu’est le passeport sanitaire.
Parce que cette question mériterait un article à elle seule, nous présenterons quelques pistes de réflexions.
La Cour devra faire une analyse in concreto de la situation qui sera portée à sa connaissance :
- Gravité de la maladie ;
À ce jour, la maladie de la Covid-19 est grave pour une partie de la population et notamment les personnes âgées. Pour 99 % de la population, cette maladie ne conduira pas à la mort.
- Effets secondaire connus ;
Concernant les effets secondaires des vaccins, à ce jour il n’existe pas un recul suffisant. Surtout, une méfiance existe compte tenu des suspensions et interdictions de vaccins en cours (Johnson & Johnson et AstraZeneca). Des cas de thrombose ont été révélés et il convient de déterminer s’ils sont sans lien avec les vaccins réalisés. Or, en décidant de vacciner une population en bonne santé face à un virus qui ne les tuera pas, il est indispensable d’avoir un très haut niveau de qualité du vaccin.
- Conséquence du passeport sanitaire ;
Les conséquences d’une non-vaccination pourraient conduire à une exclusion totale d’une partie de la population à la vie de la cité (droit de vote, liberté d’aller et venir, droit à une vie privée et familiale, etc.).
Dans ces conditions et compte tenu de la jurisprudence de la Cour EDH, si le principe d’un passeport vaccinal pourrait en soi être validé du fait de la marge d’appréciation dont disposent les États en la matière, une atteinte disproportionnée aux droits protégés par la Convention (article 8 protégeant le droit à la vie privée et familiale notamment) ne pourrait en revanche pas être validée par la Cour.
Ainsi, il serait possible pour la Cour EDH que l’idée d’un passeport sanitaire puisse être compatible avec la Convention EDH, à condition qu’elle n’entraîne aucune discrimination pour les personnes non vaccinées et que les conséquences pour les personnes refusant de justifier de leur état de santé soient limitées dans le temps et dans leur importance.
Compte tenu de la fâcheuse tendance à la pérennisation et à la généralisation de ces mesures, le pire reste à craindre.
L’instauration d’un passeport sanitaire a ouvert la voie à la légitimation de la soumission de la liberté à une condition de santé.
Nous serions ainsi entrés dans une sorte de démocratie sanitaire qui n’est plus vraiment une démocratie et dont le caractère sanitaire constitue davantage un prétexte et un effet d’aubaine pour un pouvoir dont la légitimité démocratique souffre de plus en plus.
Si nos hôpitaux n’avaient pas subi les coupes budgétaires de ces dernières décennies, cette crise serait-elle apparue ? Si nous avions pu accueillir tous les malades de la covid, aurions-nous cette discussion qui aurait pu relever d’un mauvais livre de science-fiction ? Un livre dans lequel un gouvernement se retrouve à nous expliquer à quelle heure nous devons rentrer chez nous, comment nous devons nous laver les mains ou encore avec qui nous pourrons manger la bûche de Noël.
Plus qu’un problème juridique, le passeport sanitaire soulève un problème éthique. Gageons que nos instances nationales aient un sursaut de démocratie et, à défaut, que la Cour européenne pourra venir au secours d’un droit national devenu fou par hygiénisme sécuritaire.
Maître David Guyon est avocat au barreau de Montpellier. Spécialiste du droit administratif, il a fondé son propre cabinet en juin 2020. Cet article a initialement été publié sur son site le 26 juillet 2021.
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