Qui détient la dette française ?

Par Germain de Lupiac
5 août 2024 09:25 Mis à jour: 5 août 2024 09:42

La dette publique de la France s’est accrue à la fin du premier trimestre, s’établissant à 110,7% du produit intérieur brut (PIB), contre 109,9% à la fin de 2023, a indiqué fin juin l’Insee. Entre janvier et mars, la dette a augmenté de 58,3 milliards d’euros pour atteindre 3.159,7 milliards d’euros, a précisé l’institut.

Début juin, l’agence Standard & Poor’s S&P a dégradé la note souveraine de la France pour la première fois depuis 2013. L’agence de notation a estimé que la dette publique française en proportion du PIB ne va pas cesser d’augmenter, « en raison des déficits plus importants que prévus en 2023-2027 ».

L’État français compte emprunter 285 milliards d’euros sur les marchés financiers en 2024, un nouveau record après les 270 milliards d’euros en 2023 et les 260 milliards d’euros en 2021 et 2022.

Pour trouver l’argent, l’État va donc émettre 285 milliards d’euros de dette sous forme d’obligations et de bons du trésor sur les marchés, qui vont être rachetés par des créanciers et dont la durée de remboursement peut aller de deux à cinquante ans pour les obligations et d’une année pour les bons du trésor. Et l’État devra les rembourser avec des intérêts.

Ces titres de dette sont distribués à des banques spécialistes, avant d’être rachetés par des fonds de pensions, des banques centrales ou des établissements de crédit français et étrangers. Alors qui sont les créanciers de la France ?

Les créanciers de la France

Sur le site de l’Agence France Trésor, on trouve la répartition des créanciers de la dette française. Selon ces données de juillet 2024, recueillies par la Banque de France, 9 % des titres de dette de la France sont détenus par des compagnies d’assurance françaises ; 8,3 % par des établissements de crédit français ; 1,5 % par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières français ; 27,2 % par des résidents français, parmi lesquels la Banque de France à 20 % (chiffres de 2023).

Pour le reste, la dette française est détenue à 54 % par des investisseurs étrangers, dont 50 % d’entre eux sont des investisseurs issus de l’Europe et l’Union européenne, comme la BCE qui en détient 20 %, et les autres sont les grands fonds de pension américains, les fonds souverains d’Abou Dhabi, du Qatar, de la Chine, etc.

Lorsque la France émet des obligations, celles-ci sont achetées par 15 banques sélectionnées par l’Agence France Trésor pour assurer le placement de ses titres de dettes sur les marchés. Selon le site de l’Agence France Trésor, on compte « quatre établissements français, deux allemands, trois britanniques, cinq nord-américains et un japonais », parmi lesquels la Bank of America, Barclays Europe, BNP Paribas, Citigroup Global Markets Europe, Commerzbank, le Crédit agricole, Deutsche Bank,  Goldman Sachs Bank Europe, HSBC Continental Europe, JP Morgan, Morgan Stanley, Natixis, Nomura Financial Products et la Société générale. Plus de 10 milliards d’euros de titres de dette française sont échangés quotidiennement sur les marchés, via ces banques.

Les titres de dette de la France se retrouvent ensuite dans les portefeuilles « de fonds de pension, de banques centrales d’autres pays, de banques de crédit, etc » selon l’Agence France Trésor, c’est pourquoi il est difficile d’estimer où se situe précisément cette dette française en temps réel.

Une perte de souveraineté ?

Interviewé par Epoch Times, l’analyste financier Guy de la Fortelle a dénoncé l’influence dont disposent les créanciers étrangers vis-à-vis de la France. « Nous ne sommes pas capables d’équilibrer nos comptes, nous allons chercher l’argent là où il est. Ils nous le donnent, mais ce n’est jamais gratuit. Et ce n’est pas payé demain, c’est payé tout de suite, en influence, en décisions, en perte de souveraineté. »

« Pourquoi est-ce que la dette tient ? Parce que vous avez des gens qui compensent. Ces gens ne compensent pas parce qu’ils sont gentils, parce qu’ils veulent notre bien. Ils nous disent :’Tant pis pour vous ! Je veux bien vous prêter de l’argent, mais ça ne sera pas gratuit. Je vais gagner en influence, je vais gagner des contrats.’ C’est une loi de la jungle, assumée ou pas », ajoute-t-il.

Selon l’analyste, les détenteurs de la dette prennent du pouvoir sur nous, une situation qui aurait pu être évitée si les finances de l’État et les dépenses publiques avaient été mieux tenues.

La question des dépenses publiques

Fin mars, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a estimé que le dérapage du déficit en 2023 imposait de s’occuper « enfin sérieusement des dépenses » publiques, après « quinze ans sans que les gouvernements tiennent […] leurs engagements ».

Il faut s’occuper « enfin sérieusement des dépenses » publiques, a martelé M. Villeroy de Galhau, et ce, « avant de prendre des décisions éventuellement nécessaires sur les impôts », a-t-il estimé, en référence aux récentes propositions visant à taxer les « superprofits » des entreprises ou à procéder à des hausses d’impôts ciblées.

« Je crois profondément au modèle social européen mais il nous coûte en France environ dix points de PIB de plus que nos voisins européens: 58 contre 48 en pourcentage du PIB », a fait valoir M. Villeroy de Galhau, soulignant que les dépenses publiques en volume « pourraient encore augmenter de plus de 2% en 2024 », selon des projections de la Cour des comptes.

« Il est plus que temps, non pas de décréter l’austérité et la baisse générale des dépenses, mais d’arriver à cette stabilisation générale en volume », a détaillé M. Villeroy de Galhau. « Cela suppose un effort de priorisation et d’efficacité, juste et partagé par tous: État, mais aussi collectivités locales et prestations sociales ».

Pour le député LR Olivier Marleix, « en sept ans, sous la présidence Macron, la dette française aura progressé de 50%. En 40 ans, on a constitué 2.000 milliards de dette, en l’espace de sept ans le président de la République aura un bilan de 1.000 milliards de dettes supplémentaires », pointait-il en mai 2024 en amont de la création d’une commission d’enquête « visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française », soulignant que la dette n’avait pas attendu le Covid pour « exploser ».

« Ce n’est pas aux Français de payer la facture de l’impéritie de ce gouvernement, les choix fous de ce gouvernement », avait-t-il lancé – la question étant aussi de savoir comment « on quitte cette spirale folle de la dette », ce qui veut dire « réduire la dépense publique, et non pas augmenter les impôts », a-t-il ajouté.

Les travaux de cette commission restent inachevés, interrompus par la dissolution.

Parmi les causes de cet endettement, Guy de La Fortelle souligne les montants astronomiques investis pour financer la transition énergétique alors que notre économie est surendettée et que cela implique un endettement supplémentaire.

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