Le glyphosate a changé sa vie, mais pas sa volonté. Dewayne Johnson, jardinier et père de deux garçon de 10 et 13 ans, a fait plier le géant Monsanto. Une success story dans un pays rompu aux actions en justice façon David contre Goliath, qui se double d’un drame pour la victime, atteinte d’un cancer en phase terminale. La condamnation du géant à reverser 289 millions de dollars au jardinier n’en a pas moins une dimension historique.
Sur les terrains scolaires de Benicia, une petite ville de Californie, au nord-ouest de San Francisco, Dewayne Johnson était « responsable de la lutte contre les nuisibles ». Son travail concernait les animaux et mauvaises herbes. Au tribunal, le jardinier, aussi musicien et compositeur durant ses temps libres, raconte « j’aimais beaucoup mon travail, j’étais très sérieux ». Durant son métier appris sur le tas, il a fait déguerpir de l’école « 30 putois, 25 ratons laveurs et… 1 écureuil ».
Et pour les mauvaises herbes, depuis 2012, il utilisait de Roundup et le RangerPro, une version plus puissante du désherbant. Des produits contenant du glyphosate et suspecté par plusieurs études d’être cancérigènes.
En 2014, l’Afro-américain, décrit comme « sexy » et « heureux » par sa femme, a été diagnostiqué d’un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins ne lui donnent pas plus de deux ans à vivre. Lui qui n’avait jamais eu de problèmes de santé auparavant, s’interroge… Suite au dysfonctionnement de vaporisateurs, il a été aspergé de RangerPro à deux reprises. «Après la deuxième fois j’ai paniqué», raconte-t-il, se remémorant de «la situation incontrôlable sur (sa) peau» où se multipliaient des lésions très douloureuses. Il affirme avoir eu cet instant «un pressentiment […]. Je me suis dit que ça pouvait être une raison possible à ma maladie».
C’est seulement lorsque des marques sont apparues sur sa peau qu’il a pris connaissance des controverses autour des désherbants de Monsanto. S’il avait su que les produits qu’il utilisait étaient peut-être dangereux, il n’aurait «jamais vaporisé du RangerPro dans des écoles ou où que ce soit», assure-t-il.
Dewayne Johnson, discret sur sa souffrance a affirmé au procès avoir « beaucoup pleuré » au long de sa maladie. La série de séances de chimiothérapie l’a «rendu fou».
Sa femme, Araceli, évoque de son côté un mari aimant et attentionné, leurs «dîners», leurs «promenades» et raconte à quel point la priorité de Dewayne, ce sont « ses fils, et qu’ils aillent bien ». La maladie l’a rendu incapable de travailler. Pour payer les factures, Araceli n’a plus le choix : elle doit cumuler un travail dans une école et un autre dans une maison de retraite.
Le jardinier est l’un des rares particuliers dans le monde à être parvenu à mettre Monsanto sur le banc des accusés. S’il est le premier à voir son cas autour du glyphosate arriver jusqu’au tribunal, c’est parce que la loi californienne oblige la justice à organiser un procès avant le décès du plaignant.
Face à la décision de Monsanto de faire appel, Robert F. Kennedy Jr, membre de l’équipe d’avocats rassemblée autour de Dewayne « Lee » Johnson, compte demander à ce que l’appel soit traité en urgence compte tenu de l’état de santé de son client. «Je sais que je ne vais pas aller mieux», avoue Dewayne Johnson, ajoutant « je vais me battre jusqu’à mon dernier souffle».
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