L’incarcération de l’opposant Ousmane Sonko après le renoncement du président sortant Macky Sall à un troisième mandat plonge le Sénégal dans une obscurité totale et sans précédent quant au nom de son futur chef de l’État à sept mois de l’élection.
MM. Sall et Sonko étaient les deux têtes d’affiche annoncées ou présumées de la présidentielle de février 2024, date à laquelle le pays ouest-africain choisira celui qui prendra sa direction pour cinq ans dans un contexte économique difficile et qui devrait pour la première fois bénéficier des revenus de l’exploitation du pétrole et du gaz.
Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, a mis fin, début juillet, à des mois de conjectures en annonçant qu’il ne briguerait pas sa succession. Son principal opposant, Ousmane Sonko, après plus de deux ans de confrontation ouverte avec le pouvoir, plusieurs épisodes de troubles meurtriers et deux condamnations, a été placé en détention lundi sous différents chefs d’inculpation dont appel à l’insurrection. La présidentielle risque plus que jamais de se disputer sans lui.
Aucune certitude
Une quarantaine de candidatures sont déclarées, mais aucun nom, pas même ceux des anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Aminata Touré, ne capte vraiment la lumière. Les candidatures de deux autres opposants, Khalifa Sall et Karim Wade, empêchés par des condamnations de se présenter en 2019, restent aléatoires.
« À quelques mois de la présidentielle, il n’y a aucune lisibilité et beaucoup de nuages sur les candidatures », dit à l’AFP Babacar Fall, responsable de l’ONG Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance. « C’est une situation inédite. Il n’y a aucune candidature certaine », dit-il.
Macky Sall est le premier président depuis l’indépendance en 1960 à organiser une présidentielle sans y participer. La coalition présidentielle lui a donné carte blanche pour se désigner un dauphin. Mais il lui faut trancher les rivalités entre prétendants, chacun appuyé sur un groupe de partisans au risque de l’implosion. Un quinté s’est dégagé, formé du Premier ministre Amadou Bâ, du président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) Abdoulaye Daouda Diallo, du ministre de l’Agriculture Aly Ngouille Ndiaye, du président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop et de l’ancien Premier ministre Mahammed Dionne.
Du côté de l’opposition, le parti d’Ousmane Sonko, le Pastef, accuse les coups reçus. Son chef est en prison sans aucune perspective, en l’état actuel, d’échappatoire qui lui permettrait de concourir. Les autorités ont annoncé lundi la dissolution du parti, dont un grand nombre de membres ont été arrêtés ou mis en cause devant la justice.
Le Pastef a proclamé qu’il contesterait sa dissolution devant la justice. Il s’est accroché à la candidature de M. Sonko comme « la seule chose qui vaille ». « Il n’y a pas de plan B » de substitution à M. Sonko, a déclaré dans la presse Ngouda Mboup, un conseiller du Pastef. L’incarcération de M. Sonko et la dissolution du Pastef, une première depuis très longtemps, ont déclenché des violences qui ont fait plusieurs morts. Mais le « chaos » dont les autorités auraient ouvert « les vannes », selon le Pastef, en arrêtant M. Sonko ne s’est pas matérialisé.
Les autres opposants
En dehors du bras de fer entre M. Sonko et le pouvoir et des incertitudes à présent levées sur une candidature du président sortant, le sort des opposants Khalifa Sall (sans lien de parenté avec le président) et Karim Wade a, dans une moindre mesure, alimenté les tensions. Des condamnations passées pour des malversations financières qu’ils ont, à l’instar de M. Sonko, dénoncées comme des coups montés, continuent de les priver de leurs droits électoraux, malgré une grâce présidentielle.
À l’issue d’un dialogue initié par le président, un accord a été trouvé pour modifier le code électoral et leur rendre leur éligibilité. La question semblait pouvoir être discutée à l’Assemblée il y a quelques jours. Mais le débat n’a pas eu lieu et l’approbation de l’Assemblée, où pouvoir et opposition sont en quasi équilibre, n’est pas acquise. Les candidatures seront soumises fin août à un premier filtrage qui impose des parrainages équivalant à 0,6% à 0,8% du fichier électoral ou une centaine de chefs d’exécutifs locaux ou 13 députés sur les 165 de l’Assemblée. La liste définitive sera établie par le Conseil constitutionnel fin décembre.
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