Qui sont les « 5 poisons », ces menaces existentielles au régime chinois ?

Par Ludovic Genin
10 septembre 2024 08:58 Mis à jour: 11 septembre 2024 11:46

En septembre 2021, une étude sans précédent de 650 pages, Les opérations d’influences chinoises : un moment machiavélien, publiée par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (Irsem), a dévoilé le réseau tentaculaire utilisé par le régime chinois pour déstabiliser les fondements des démocraties.

On apprenait dans le rapport de l’Irsem que le Parti communiste chinois (PCC) veut empêcher tout discours négatif concernant ce que le régime appelle les « cinq poisons » : les Ouïghours, les Tibétains, le Falun Gong, les « militants pro-démocratie » et les « indépendantistes taïwanais », et plus généralement toute critique du Parti.

Le régime chinois vise d’une part tous les citoyens chinois vivant à l’étranger (étudiants, chercheurs, hommes d’affaires, etc.), ensuite les Chinois d’outre-mer, les étrangers d’origine chinoise, et enfin les opinions publiques nationales des pays qui comptent pour Pékin.

Les motivations de ces influences extérieures sont avant tout intérieures : la priorité absolue de Pékin est de rester au pouvoir et de pérenniser son régime autoritaire, selon l’Irsem. C’est pourquoi ces cinq poisons sont considérés comme une menace existentielle à son pouvoir car ils représentent l’opposé des « valeurs » imposées par le régime.

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La répression des Ouïghours

Selon Omer Kanat, directeur exécutif de l’Uyghur Human Rights Project, le régime communiste chinois a recours à une « campagne de désinformation » pour rendre le génocide des Ouïghours plus acceptable.

Fin 2023, le régime chinois a déplacé des centaines de milliers d’Ouïghours des camps de rééducation, où ils sont soumis à un programme de lavage de cerveau, vers des prisons d’État et des usines de travail forcé où ils peuvent travailler plus de 10 heures par jour, sans compter les séances d’endoctrinement politique.

Les Ouïghours détenus ne sont généralement pas jugés, mais emprisonnés en masse dans des cellules surpeuplées. Les peines arbitraires, qui peuvent aller jusqu’à 15 ans, sont prononcées à la suite, par exemple, de visites à l’étranger, de pratiques religieuses ou, à défaut, d’accusations forgées de toutes pièces et de faux témoignages.

La plupart des 1 à 2 millions de Ouïghours qui, selon les experts et les représentants du gouvernement, sont détenus, le sont apparemment toujours par le régime. « Tous les intellectuels ouïghours sont en prison ou dans des camps de concentration », a souligné M. Kanat lors d’une interview accordée à Epoch Times le 26 septembre. Dans les camps, il existe des cas documentés de Ouïghours victimes de meurtres, de tortures et de viols.

Comme pour les Tibétains, la Chine communiste veut se débarrasser de l’identité et de la culture ouïghoures pour la transformer en autre chose, qui sera à l’image du régime.

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Le génocide culturel au Tibet

En 1950, les troupes communistes chinoises ont commencé à envahir le Tibet, foyer historique du groupe ethnique tibétain suivant les traditions bouddhistes de l’époque des Mandchous, obligeant ses dirigeants à accepter un traité qui promettait de maintenir le système politique existant de la région, l’autonomie régionale et la liberté religieuse.

Depuis lors, le régime chinois a lancé une campagne visant à dépouiller la région et ses habitants de leur patrimoine culturel et religieux unique – une campagne que les critiques et les militants qualifient de « génocide culturel ».

Ces dernières années, la stratégie du PCC a évolué vers une répression préventive, qui comprend l’endoctrinement dès le plus jeune âge, une « formation professionnelle » forcée et l’emprisonnement, indique le rapport.

Un rapport publié en 2020 par la Fondation Jamestown, a également constaté l’apparition au Tibet de camps de formation professionnelle militarisés, semblables à ceux où sont détenus plus d’un million de Ouïghours au Xinjiang. Cependant, si l’internement massif des Ouïghours par le PCC est bien documenté – de même que toute une série d’actes répressifs dans le cadre d’une campagne qualifiée de génocide à l’égard des pratiquants du Falun Gong – la répression au Tibet ne l’est pas.

Des violations des droits de l’homme, telles que la torture, le viol et les abus sexuels, ont été rapportées dans plusieurs des établissements examinés au Tibet, selon un rapport de l’Institut de recherche Rand Europe, publié en 2023.

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La persécution du Falun Gong 

Le Falun Gong était pratiqué par des millions de Chinois avant que le PCC ne lance sa campagne de persécution brutale en juillet 1999 – une persécution toujours en cours. Le Falun Gong était une pratique très populaire de « qi gong de l’école de Bouddha », pratiquée par entre 70 et 100 millions de Chinois dans les années 1990, selon les chiffres officiels du ministère des Sports. Les Chinois renouaient avec une pratique spirituelle ancestrale, avec les principes vérité, compassion, tolérance.

L’écho positif du Falun Gong auprès du peuple chinois a déclenché une réaction négative au sein de la direction du PCC, qui a perçu le Falun Gong comme une menace à son pouvoir. Le régime chinois maintient son pouvoir par une restriction des libertés individuelles, dont la liberté de s’exprimer et de croire. Pékin n’autorise qu’une seule opinion, celle du Parti communiste, et pour maintenir son pouvoir autoritaire, il recourt à la promotion de la lutte entre les Chinois à travers des campagnes de diffamation à grande échelle, bannissant ainsi toute opinion alternative, sous peine d’amendes, de restrictions par le crédit social chinois ou d’emprisonnement.

Le 20 juillet 1999 marque le début officiel de la persécution du Falun Gong et depuis 25 ans, cette répression a coûté la vie à des milliers de pratiquants. Selon le Falun Dafa Information Center, des millions de pratiquants du Falun Gong ont été détenus dans des prisons, des camps de travail et d’autres installations, et des centaines de milliers d’entre eux ont été torturés pendant leur incarcération. Nombre d’entre eux ont été torturés, persécutés à mort, et certains ont été victimes de la pratique des prélèvements forcés d’organes sur des personnes vivantes. Les chiffres réels sont encore difficiles à obtenir.

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Les militants pro-démocratie 

La répression de la place Tiananmen
Le 4 juin 1989, la Chine a envoyé des troupes et des chars contre des manifestants pro-démocratie et pacifiques au niveau de la grande place centrale de Pékin pour mettre fin à des semaines de protestations appelant à un changement politique. Des centaines de personnes, voire plus d’un millier selon certaines estimations, ont été tuées.

Le sujet est particulièrement sensible pour les dirigeants communistes chinois et toute mention de la répression est strictement censurée en Chine. De nombreux jeunes Chinois ignorent aujourd’hui ce pan de l’histoire chinoise en raison de cette censure.

« Les souvenirs du 4 Juin ne disparaîtront pas dans le torrent de l’histoire et nous continuerons à travailler dur pour maintenir cette mémoire historique en vie », pour « tous ceux qui sont attachés à la démocratie chinoise », a déclaré le président taïwanais Lai Ching-te au 35e anniversaire de la répression de la place Tiananmen.

« Parce que cela nous rappelle que la démocratie et la liberté ne sont pas faciles à obtenir, nous devons répondre à l’autocratie par la liberté et faire face à la montée de l’autoritarisme par le courage », a ajouté le dirigeant.

La répression de la démocratie à Hong Kong

Le 29 août 2024, un tribunal de Hong Kong a reconnu coupables de « sédition » Chung Pui-kuen et Patrick Lam, deux anciens rédacteurs en chef du site d’information Stand News, désormais fermé, ainsi que la société éditrice du site qui couvrait de façon souvent favorable le mouvement pro-démocratie de 2019.

Cette affaire reflète la détérioration de la liberté des médias sous l’effet de la répression qui sévit depuis l’adoption de la loi sur la sécurité nationale en 2020. Cette loi a muselé toute dissidence à Hong Kong après d’importantes manifestations pro-démocratie en 2019 dans ce territoire rétrocédé à la Chine en 1997.

La liberté de la presse à Hong Kong est en baisse constante depuis 2013. Selon l’Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), l’indice de liberté de la presse de la ville a atteint un niveau record de 41,9 points pour l’année 2019, soit une baisse par rapport à 49,4 en 2013. Cette baisse s’explique en partie par le fait que « les journalistes locaux deviennent la cible d’intimidations extralégales ou de violences physiques lors de leurs reportages ».

À Hong Kong, les presses d’impression d‘Epoch Times ont été incendiées en 2019 et saccagées par des intrus armés de marteaux en 2021. Epoch Times, l’un des rares médias indépendants de Hong Kong, est connu pour sa couverture non censurée de la Chine, notamment des luttes politiques intestines au sein du PCC et des violations des droits de l’homme commises par le régime à l’encontre des minorités ethniques et des groupes religieux.

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Les « indépendantistes taïwanais »

Taïwan est gouverné de manière autonome depuis 1949, lorsque les nationalistes s’y sont réfugiés après une guerre civile en Chine continentale face aux communistes. Si, en 1979, les États-Unis ont établi des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, au détriment de Taïwan, ils sont restés son partenaire le plus important et son principal fournisseur d’armes. Taïwan a son propre gouvernement, son armée et sa monnaie et la majorité de ses 23 millions d’habitants se considèrent comme ayant une identité distincte de celle des Chinois.

Ces dernières années, la Chine a intensifié ses pressions militaires et politiques sur l’île de Taïwan, que Pékin revendique comme faisant partie de son territoire. L’armée taïwanaise fait état quasi-quotidiennement de la présence de navires de guerre chinois dans ses eaux et d’avions de chasse et de drones autour de l’île.

En mai, Pékin avait qualifié le président taïwanais de « dangereux séparatiste », lorsque celui-ci déclarait lors de sa prise de fonction que Taïwan « défendra les valeurs de liberté et de démocratie, et préservera la paix et la stabilité dans la région », alors que la Chine menait des exercices militaires autour de l’île.

Le président taïwanais Lai Ching-te a déclaré fin août que « l’autoritarisme croissant de la Chine ne s’arrêtera pas à l’île » et a appelé les « pays démocratiques » à s’unir pour contrecarrer cette expansion

« Ils se sentent menacés par la démocratie, c’est ontologique. Ils ont un besoin vital de démontrer qu’elle est inférieure à leur système de gouvernement » a commenté Paul Charon, directeur du domaine Renseignement, anticipation et stratégies d’influence de l’Irsem, et co-auteur du rapport.

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