Alex Atala, Felipe Bronze, Helena Rizzo… Les chefs brésiliens entrent dans le firmament culinaire, et ils ont désormais leur ambassadeur à Paris: Raphaël Rego dont le restaurant Oka est le premier à recevoir une étoile Michelin à l’étranger.
Pourtant ce Brésilien de 34 ans n’avait pas prévu de suivre ce chemin. Ni quand il est parti pour l’Australie pour étudier le marketing à l’âge de 18 ans, ni quand il s’est installé à Paris il y a une dizaine d’années attiré par la gastronomie française. « Je n’avais jamais cuisiné brésilien, même avec mes copains en France je faisais du pot-au-feu ou un steak-frites revisité », raconte-t-il à l’AFP dans son élégant restaurant aux tons sobres dont l’immense cuisine ouverte est visible de la rue.
Mais en 2013, sa femme, une Française rencontrée en Australie tombe enceinte et tout change pour Raphaël Rego. « Je me suis demandé ce que je voulais transmettre à mon fils. Et j’ai voulu retourner à mes racines », raconte-t-il. Le fruit de cette réflexion ponctuée de longs séjours au Brésil, est « Oka », une table « identitaire », avec des ingrédients importés de producteurs locaux: graines de puxuri et herbe de Priprioca d’Amazonie, riz de Sao Paulo, farine de manioc de Recife, cachaça d’Amburana…
Ses techniques « complexes » sont, avant tout, les techniques incontournables de la gastronomie française qu’il avait apprises à la prestigieuse école Ferrandi et dans des restaurants parisiens renommés tels que « L’atelier de Joël Robuchon » ou « Taillevent ». « J’essaie d’associer depuis longtemps les deux types de saveurs que j’avais dans la bouche », explique le chef, en évoquant les cuisines française et brésilienne. À Oka, les coquilles Saint-Jacques sont servies avec du puxuri, des chayotes et des fruits de tapareba.
Le chef admet qu’en 2013 il a failli revenir au Brésil pour ouvrir son propre restaurant.
« La gastronomie au Brésil a évolué avec des chefs qui ont eu un parcours un peu comme le mien et sont revenus chez eux. Dans les années 80-90, plusieurs chefs français se sont installés au Brésil comme Claude Troisgros ». « La cuisine avait pris un virage énorme avec Atala et une nouvelle génération ». Mais à l’étranger, la cuisine brésilienne c’était toujours « la même chose »: la feijoada, la moqueca et des petits pains au fromage, dans des restaurants « décorés avec le Corcovado et des femmes qui dansent la samba ». « Je voulais prendre le sens inverse », explique-t-il.
Sa première aventure s’appelait également « Oka », un minuscule restaurant parisien ouvert en 2014. Mais la moqueca au lait de coco en dessert ou le porc à la purée de banane n’ont pas conquis les clients « frustrés » de ne pas trouver dans la carte la caïpirinha classique. C’est Gilles Pudlowski, un critique gastronomique français influent, qui l’a sauvé d’un fiasco redouté. « Il a compris ma cuisine et grâce à lui les clients ont commencé à venir ».
Alors que son petit Oka est devenu Maloka, Raphaël Rego a acheté un nouvel espace plus grand et pendant les travaux il est allé au Brésil pour découvrir les producteurs locaux par le biais de l’Institut socio-environnemental, avec lequel collabore également Alex Atala pour favoriser le travail des communautés souvent situées en Amazonie.
Refusant de mêler la politique à la gastronomie, ce chef défend les petits producteurs tout comme Alex Atala et Helena Rizzo. « Au Brésil, beaucoup de gens se mobilisent pour préserver l’Amazonie et pour que les petites familles ne soient pas taxées à mort au profit des grandes entreprises ».
D.C avec AFP
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