Jeudi 3 juin, dans un rapport présenté par la délégation sénatoriale à la prospective, les membres de la Haute assemblée ont défendu la mise en place d’une plateforme numérique de collecte de données personnelles en cas de nouvelles crises sanitaires.
Lors de sa présentation du rapport portant sur le recours aux outils numériques dans la prévention et la gestion des pandémies, Mathieu Darnaud, président de la délégation sénatoriale à la prospective, a déclaré : « L’une des leçons à tirer de la crise sanitaire est la complexité à développer des outils au pied du mur sans que cela ne génère un caractère anxiogène. »
Et en effet, sachant que le travail actuel des membres de la Haute assemblée vise à anticiper la survenue de nouvelles crises sanitaires en recourant plus intensément aux outils numériques, « en assumant si nécessaires des mesures plus intrusives, mais aussi plus ciblées et limitées dans le temps », comme l’ont mentionné les rapporteurs René-Paul Savary, Véronique Guillotin et Christine Lavarde, la question de la « liberté » fait débat.
Les sénateurs ont ainsi défendu la mise en place d’une « boîte à outils » à laquelle il serait possible de recourir de façon graduée, a rapporté la chaîne Public Sénat. « La mise en place d’une plateforme de crise, activable en fonction de l’ampleur de l’épidémie pourrait permettre d’éviter un certain nombre de complications. Nous proposons simplement qu’en cas de crise on puisse partager nos données », a expliqué René-Paul Savary.
Plus précisément, « sur un portable, les applications comme Tous Anti Covid, Ouisncf, Waze ou l’application de vaccin ont des données. Il n’y a pas d’interopérabilité entre ces différentes applications. Nous proposons simplement qu’en cas de crise il y ait cette interopérabilité qui permette de cibler les personnes vulnérables, prendre des mesures qui les concernent et qui évitent des mesures de confinement global, qui protègent beaucoup mieux et qui fait qu’au global on aurait moins de morts », a-t-il ajouté.
Cette « plateforme de crise » numérique, nommée Crisis Data Hub, en référence au Health Data Hub, devrait également permettre une expérimentation au niveau local, pour une approche plus proportionnelle et territorialisée de la crise. Les rapporteurs ont ainsi imaginé plusieurs scénarii selon l’ampleur de l’épidémie : « Des outils d’information et de coordination face à une crise modérée, des outils de rappel à l’ordre (via SMS) en cas de situation plus grave, et des mesures plus fortes pour les cas extrêmes, comme la désactivation du titre de transport ou des comptes bancaires d’une personne qui violerait la quarantaine », a souligné Public Sénat.
Des scénarii qui font depuis beaucoup parler d’eux sur les réseaux sociaux :
De son côté, Véronique Guillotin a déclaré : « Nous sommes partis du constat que la France a su faire émerger, lors de cette crise sanitaire, de différents fichiers de données, sans toutefois y être préparée. Ces fichiers n’étaient donc ni interconnectés, ni connectés à d’autres données de santé. » Ainsi, « cette proposition défend l’idée qu’il est urgent de préparer une plateforme de collecte de données, utilisables en fonction de l’ampleur de l’épidémie. Ces données seraient croisées et utilisées à bon escient », a-t-elle soutenu.
« Nous nous sommes basés sur des exemples asiatiques ou sur l’Estonie et globalement on peut constater qu’à chaque fois que les données étaient utilisées de manière suffisamment intrusives, la crise a été plus courte », a ajouté Véronique Guillotin.
« Le Sénat étant très attaché aux libertés individuelles, nous nous sommes demandé s’il ne valait pas mieux d’une manière graduée utiliser des données ciblées courtes dans le temps, par exemple si l’on confine plutôt, sur la base de données, une petite partie de la population plutôt que l’intégralité. Cette préparation en amont est la meilleure des garanties que nous puissions apporter aux droits et garanties des citoyens », ont revendiqué les sénateurs.
Aussi, pour protéger au mieux les données récoltées, les sénateurs ont préconisé une doctrine préalable d’autorisation mise en place par la CNIL, ainsi que le développement de tous les dispositifs en open source, « de sorte que chacun puisse vérifier qu’ils ne font rien d’autre que ce qu’ils sont censés faire », ont-ils indiqué.
« Nous ne proposons pas de limiter les libertés, nous cherchons un moyen de les retrouver », ont ensuite défendu les sénateurs, pointant du doigt « un tabou français » lié à la collecte de données personnelles : « Des collectes de données, nous en faisons sans cesse, rien qu’en utilisant notre smartphone. L’idée, pour les citoyens, est que cet abandon temporaire de leurs données personnelles doit leur permettre de recouvrir, au plus vite, une liberté individuelle », a expliqué Christine Lavarde.
« Nous pensons qu’il faut avoir une longueur d’avance sur la crise, regarder plus loin et pouvoir ouvrir ce débat nécessaire. Il faut en parler, et une fois ce système organisé en temps de mer calme, voir comment appuyer sur tel et tel bouton pour pouvoir récupérer telle ou telle donnée », a ajouté Véronique Guillotin.
« La contradiction française, c’est que les GAFA ont un certain nombre de nos données, on l’accepte, mais on ne veut pas confier ses données le moment venu pour se protéger et protéger les autres. Il faut que les mentalités évoluent et que cela se fasse en période de paix, et pas en période de crise », a ensuite conclu René-Paul Savary.
Dans les faits, pas sûr que les internautes acceptent que leurs données soient gérées par les GAFA. D’ailleurs, s’ils en avaient réellement le choix, beaucoup ne permettraient pas que leurs données soient récoltées. C’est plutôt par la force des choses que cela est « accepté ». Il est donc naturel que les Français rechignent à confier leurs données personnelles à davantage d’organismes.
Quant à savoir si on nous laissera réellement ce choix, et si nos données seront réellement bien protégées et non détournées suivant les situations à avenir, à part de belles paroles, il n’y a aucune garantie que nos libertés individuelles ne seront pas altérées.
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