À l’Élysée ce 11 mai, le président Macron a présenté devant les grands patrons de l’industrie, et dans une atmosphère de relative indifférence, son plan pour la réindustrialisation du pays.
C’était juste avant un déplacement à Dunkerque pour célébrer l’installation d’un fabricant taïwanais de batteries, et juste avant – ce lundi 15 mai – une nouvelle opération séduction pour les investisseurs internationaux, au château de Versailles. De la formation professionnelle aux incitations fiscales en passant par la politique d’investissement « France 2030 », tous les outils pour stimuler les secteurs prioritaires ont été décrits. Et s’il a surtout marqué – négativement — l’opinion par sa demande de mettre en pause la création de nouvelles réglementations européennes sur la protection de l’environnement, c’est peut-être surtout le volontarisme du président et sa vision techno-centrée des secteurs essentiels qui ont été les éléments les plus révélateurs.
« La réindustrialisation de la France et de l’Europe, c’est un enjeu clé de souveraineté. Si nous ne le faisons pas, nous dépendrons des autres. Il y a à un moment donné une immense tension géopolitique ou des crises comme on l’a vécu ou une nouvelle pandémie de Covid, nous pouvons être en rupture. Je vous laisse imaginer ce que ça voudra dire. » Imaginons… être à la merci du régime chinois comme pendant la crise Covid, contraints d’installer des antennes 5G de Huawei en échange de masques ; ou bien devant négocier une livraison de paracétamol, de pièces détachées, de matières premières vitales, etc.
Sur la base de ces leçons, on aurait pu imaginer que l’alimentation, la santé, l’énergie, les transports seraient les premiers – peut-être les seuls — sujets de réindustrialisation. Construire une agriculture diversifiée et résiliente, une chaîne de transformation et distribution permettant d’éviter les pertes, des infrastructures et des véhicules sobres permettant de distribuer aisément. Mais aussi une optimisation du cycle de l’eau, la capacité à produire les médicaments essentiels, des solutions d’économie d’énergie pour assurer le fonctionnement souverain de l’ensemble. Ce socle serait tout ce dont on a besoin pour ne plus subir de chantage au gaz, aux médicaments, aux livraisons de produits divers.
Le président assume d’avoir investi « massivement dans plusieurs plans dès 2018 sur les batteries, sur l’électronique, sur les industries pharmaceutiques, sur l’intelligence artificielle, sur le quantique. » Dans le détail cependant et pour chacun des sujets, plus que la recherche de souveraineté au sens de capacité élargie d’auto-suffisance, c’est celle de la compétitivité internationale qui prime. Les investissements pour la re-industrialisation ciblent les secteurs de pointe, tout ce qui doit permettre la préparation d’un futur ultra-technologique fait de biomédicaments, de robots autonomes, de fermes à serveurs, d’outils du quotidien gadgétisés à coups de puces électroniques. C’est donc tout ce qui pourrait placer dans un « peloton de tête » , générer du chiffre d’affaires à l’export, de la rentabilité et du retour aux actionnaires qui est choisi, mais pas forcément ce qui permettrait simplement de bien vivre.
Pour reprendre une récente intervention de Robert Badinter sur France Culture, la situation mondiale actuelle se joue pourtant, si pas à un battement d’aile de papillon, à celui d’une pale d’hélicoptère près. Il suffirait qu’à Zaporijjia, en Ukraine, un hélicoptère soit par erreur abattu au-dessus de la centrale nucléaire pour créer une catastrophe quatre fois plus dramatique que Tchernobyl en son temps. Qui se soucierait alors des ordinateurs quantiques ou de la nouvelle version de ChatGPT ? On ne penserait plus qu’à trouver des pastilles d’iode, des moyens de décontaminer l’eau potable, de la nourriture non radioactive.
C’est au contraire une logique de course pour tenter de rattraper le retard français en points de PIB par citoyen, en retard en comparaison de l’Allemagne ou des Pays Bas. C’est-à-dire une mesure statistique permettant de se positionner dans un classement, sans lien direct avec la qualité de vie sur la soutenabilité d’une économie.
Il s’agit donc de continuer de courir, dans la même direction, en y ajoutant les contraintes modernes de dite éco-responsabilité. C’est pourquoi, ajoute le président, « pour prendre la tête de la course aux véhicules électriques, on a trois projets de très grandes usines, les gigafactories, dans le Nord. »
C’est pourquoi aussi, lors de l’événement « Choose France » au château de Versailles le 15 mai, les annonces d’investissement vont s’enchaîner. Les investisseurs internationaux savent qu’en France, on peut gagner de l’argent. Pourvu que ce ne soit pas au prix d’une réindustrialisation qui défigure et n’assure pas l’essentiel.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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