Le 14 octobre dernier, l’affaire Lola Daviet, dont personne n’a oublié les circonstances, mettait en lumière l’inaction des pouvoirs publics en termes de lutte contre l’insécurité, tant celle du quotidien que celle qui concerne les crimes les plus crapuleux. En l’espèce, un chiffre, particulièrement, demeure des plus choquants : seules 5,7 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) avaient été suivies d’effet au premier semestre de l’année dernière. Malheureusement cela n’a pas été le cas pour l’OQTF qui frappait la meurtrière de Lola Daviet.
Empilant les différentes normes et voies de recours judiciaires, le système français de reconduite à la frontière des étrangers illégaux semble avoir été construit expressément pour ne pas fonctionner, tant et si bien qu’une aide publique, l’aide médicale d’État (AME), a été instaurée pour ceux qui ne disposent d’aucun titre de séjour. Les titulaires, bien que connus et enregistrés, ne sont pas expulsés.
Le maquis réglementaire et judiciaire du droit des étrangers en France
De l’aveu même du Sénat, le droit des étrangers est « illisible et incompréhensible sous l’effet de l’empilement de réformes successives, de procédures inefficaces et d’un manque de moyens des services de l’État ». Depuis la fin de la crise et après avoir augmenté de 12 % entre 2017 et 2019, le nombre de demandes de titres de séjours est revenu à son niveau d’avant-crise avec 271 000 premières délivrances alors qu’à peine 4000 fonctionnaires en équivalent temps plein sont affectés à cette tâche par les préfectures.
Les temps d’attente (99 jours) sont tellement longs que les demandeurs saisissent parfois le juge administratif pour bénéficier d’un référé « mesures utiles » qui force l’administration à traiter leur cas en priorité. L’engorgement des préfectures atteint son comble lorsque les étrangers présentent différentes demandes sur différents fondements juridiques, ce que le droit ne proscrit pas.
Même usine à gaz avec les recours formés contre les refus d’octroi d’un titre de séjour : 100 000 requêtes par an, soit 40 % de l’activité des tribunaux administratifs, 50 % de celle des cours administratives d’appel et 17 % de celles du Conseil d’État, en termes de dossiers traités. On compte une douzaine de procédures avant d’aboutir à quoi que ce soit.
L’interjection en appel n’étant naturellement pas suspensive, il devient facile d’alourdir le parcours afin de retarder l’exécution d’une OQTF. Selon la préfecture du Maine-et-Loire, le tribunal administratif de Nantes met ainsi entre un an et trois ans pour statuer, repoussant d’autant l’échéance.
Autre problème : un certain nombre d’associations, tel le GISTI, utilise les failles du système pour ralentir les expulsions, ce qui s’avère souvent payant.
Reconduites à la frontière : l’apathie du législateur
Le nombre de « clandestins » en France est estimé à 600 000 par le ministre de l’Intérieur (incluant les 370 000 bénéficiaires de l’AME). Celui des entrées illégales détectées sur le sol européen avoisine les 200 000. En 2021, quelque 143 000 mesures d’éloignement (OQTF, ITF…) ont été prononcées dont seulement 9,3 % ont été effectives, un taux en baisse de 5 points depuis 2019, date où il avoisinait 15 %. En comparaison, le Danemark (51,8 %), l’Espagne (32,6 %), l’Italie (24,1 %) la Grèce (21,4 %) possèdent des taux de reconduite aux frontières effectifs bien plus élevés que les nôtres.
En revanche, si le taux de OQTF exécutées n’est que de 5,7 % dans notre pays, celui des ITF (interdictions du territoire français), prononcées par un juge à l’encontre d’un étranger ayant commis un crime ou un délit, est nettement plus haut, à 75 %.
Rappelons également le problème de l’entrave des pays d’origine à l’accueil de leurs ressortissants : en 2021 seuls 53,7 % des laissez-passer consulaires ont été délivrés en temps et en heure par les autorités compétentes.
S’agissant de l’Algérie (1866 laissez-passer pour 13 905 mesures d’éloignement prononcées), du Maroc (1443 laissez-passer pour 8456 mesures d’éloignement) et de la Tunisie (974 laissez-passer pour 6705 mesures d’éloignement), le nombre de retours contraints en 2018, avant la crise sanitaire donc, est si ridiculement bas qu’il n’appelle même pas de commentaires.
Face à ce constat d’échec chronique, d’ailleurs déjà dénoncé par le rapport Mazeaud en 2008, il faut recommander, outre une simplification technique des procédures administratives et contentieuses du droit des étrangers, l’accélération des recours judiciaires destinés à contrer les mesures d’éloignement des étrangers, l’expulsion automatique des étrangers ayant commis un crime ou un délit, la suspension de l’aide publique au développement aux pays qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires à leurs ressortissants, la simplification du régime de l’OQTF, ainsi que l’interdiction de verser des subventions aux associations incitant à contourner le droit.
Article écrit par Romain Delisle, avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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