Et si l’Occident faisait payer la Russie pour les destructions en Ukraine ? L’idée fait son chemin à l’heure où le coût du soutien à Kiev pèse de plus en plus lourd sur les finances des pays développés.
Les dirigeants du G7 ont dit samedi, dans un communiqué, vouloir travailler « sur toutes les voies possibles par lesquelles les actifs souverains russes pourraient être utilisés pour soutenir l’Ukraine, en conformité avec nos systèmes juridiques respectifs et le droit international ».
Et le Premier ministre britannique Rishi Sunak a appelé dimanche les Occidentaux à saisir les avoirs russes gelés pour les redistribuer à l’Ukraine, plaidant dans le Sunday Times pour l’envoi dans un premier temps à Kiev des intérêts issus de ces actifs.
« C’est une idée séduisante de confisquer le pactole », au moment où une certaine fatigue face aux demandes d’aide à l’Ukraine émerge dans les pays développés, affirme à l’AFP Frédéric Dopagne, professeur à la faculté de droit de l’UCLouvain en Belgique.
300 milliards d’euros gelés
Mobiliser les milliards russes aujourd’hui gelés sur des comptes en Occident se heurte toutefois à plusieurs obstacles, débattus depuis des mois par les experts en droit et en géopolitique. Depuis l’invasion russe en Ukraine, l’Union européenne et les pays du G7 ont gelé quelque 300 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale de Russie, selon l’UE. S’y sont ajoutés les saisies d’actifs privés de personnes liées au pouvoir russe, comme les yachts et bien immobiliers des oligarques.
Aucun registre ne comptabilise le total mais selon l’Institute of legislative ideas, un centre de réflexion ukrainien qui affirme interroger des sources officielles, 397 milliards de dollars sont immobilisés. La Banque mondiale évalue de son côté à plus de 486 milliards de dollars le coût pour reconstruire le pays, dévasté par deux années de guerre. Surtout dans l’Union européenne : quelque 200 milliards d’euros de la Banque centrale de Russie y ont été gelés, dont 90% gérés par Euroclear, un organisme international de dépôts de fonds établi en Belgique.
Le reste se partage surtout entre les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Autriche et la Suisse, d’après l’Institute of legislative ideas. Sur les fonds de la Banque centrale de Russie, les Occidentaux se heurtent à « l’immunité d’exécution », un principe de droit international qui empêche la saisie des biens d’un État par un autre. Et le droit à la propriété privée bloque en théorie la confiscation définitive des biens détenus par des personnes.
Pour le premier principe, « la réticence persistante » est que la réaffectation d’avoirs bloqués à un État victime « n’a jamais été utilisée », souligne Frédéric Dopagne – Même si certains juristes estiment que cela pourrait entrer dans le cadre d’une « réponse proportionnée » aux conséquences de l’invasion russe sur l’économie mondiale.
Deux cas s’en rapprochent : le Koweit a pu bénéficier de l’argent irakien en réparations après l’invasion du pays en 1990. Plus récemment, les États-Unis ont gelé des avoirs de la banque centrale d’Afghanistan après le retour au pouvoir des talibans et projeté de les distribuer au bénéfice du peuple afghan. Mais l’ONU était impliquée dans le premier cas, et dans le second l’objectif était d’en faire bénéficier le peuple afghan.
Un accaparement définitif des avoirs publics russes représenterait un dangereux précédent pour le droit international, observe auprès de l’AFP Nicolas Véron, chercheur au sein du centre de réflexion américain Peterson Institute. « Si nous étions en guerre, tout changerait. Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. »
En outre, la Russie menace de rétorsion contre les intérêts privés occidentaux dans le pays. Et certains s’inquiètent d’un impact sur les investissement de pays tiers, comme la Chine, qui pourraient réduire leurs actifs dans les pays occidentaux par crainte qu’ils soient saisis en cas de conflit.
Un plan en deux étapes
La Commission européenne a proposé fin janvier aux pays de l’UE un plan en deux étapes : d’abord que les gestionnaires des dépôts, comme Euroclear, séparent les intérêts ou les profits générés et les bloquent sur un compte séparé ; puis dans un deuxième temps faire une nouvelle proposition concernant leur saisie et leur utilisation.
Les sommes en jeu pourraient vite monter : Euroclear a annoncé début février avoir dégagé l’an dernier 5,5 milliards d’euros en revenus d’intérêts, dont 4,4 milliards uniquement liés aux fonds russes. La Belgique taxe d’ores et déjà les revenus d’Euroclear et compte reverser cette année 1,7 milliard d’euros à l’Ukraine.
Aux États-Unis, le Congrès travaille sur une proposition de loi (« REPO for Ukrainians Act ») qui pourrait permettre de confisquer les actifs russes pour aider l’Ukraine. Le Canada ou encore l’Estonie font aussi des démarches en ce sens.
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