Réforme constitutionnelle : l’Italie fait-elle son mini-Brexit ?

21 novembre 2016 08:33 Mis à jour: 21 novembre 2016 08:32

La panique boursière que l’élection de Donald Trump n’a pas déclenchée va-t-elle être créée par le président du Conseil italien Matteo Renzi ? Les grandes salles de marché seraient particulièrement fébriles en attente des résultats du référendum italien du 4 décembre. Celui-ci doit donner le feu vert – mais plus probablement un coup d’arrêt – au projet de réforme constitutionnelle porté par Matteo Renzi. Dans ce dernier cas, beaucoup craignent une attaque spéculative contre les bons du Trésor italien, qui pourrait dans un scénario catastrophe contaminer le reste de la zone Euro.

Ce vote du 4 décembre a initialement été prévu pour autoriser une simplification de la vie politique italienne : en cas de victoire du « oui », il doit déclencher des réformes constitutionnelles qui fluidifieront l’activité législative et la formation de majorités parlementaires. Dans cette réforme complexe que propose Matteo Renzi, le Sénat italien se retrouverait affaibli, et un parti sortant victorieux – en majorité relative – aux élections législatives bénéficierait d’une garantie de majorité au Parlement. Ce petit paradis politique pour vainqueurs est durement critiqué par l’opposition, aussi bien d’extrême-gauche que d’extrême-droite, qui considère que cette modification de la constitution supprimerait tous les garde-fous et systèmes de contrôle aux dérives parlementaires. Dans le parti de Matteo Renzi même, tous ne sont pas alignés, ce qui ne facilite pas la campagne du président du Conseil.

Mais Renzi argumente avec force exemples des longues années pendant lesquelles l’Italie a été incapable d’adopter à temps les réformes politiques et économiques qui auraient pu éviter l’accroissement de sa dette. Au point qu’il a annoncé, en cas d’échec, qu’il abandonnerait immédiatement son poste. Dans un entretien radiophonique avec Rtl 102.5 jeudi 17 novembre, le président du Conseil s’engage : « Si les citoyens votent « non » et veulent d’un système décrépi qui ne fonctionne pas, je ne serai pas celui qui gèrera les autres partis dans un gouvernement d’ambulanciers – un petit gouvernement. Je ne jouerai pas le jeu de l’ancienne politique : nous avons eu des gouvernements technocratiques dans le passé et les impôts ont toujours augmenté. Je suis ici pour changer les choses ».

La popularité du « Mouvement 5 Etoiles (M5S) » de Beppe Grillo et son opposition systématique ont probablement été les déclencheurs de la tentative de réforme de Renzi, qui voyait se profiler des situations de blocage « à l’espagnole » après les succès du M5S aux élections municipales du mois de juin. Mais avec le Brexit et la victoire de Donald Trump, le temps semble être aux démarches « anti-système ».

Pour Maria Paola Toschi, de JP Morgan Asset Management, que cite la chaîne CNBC : « Une victoire du oui pourrait renforcer la coalition actuelle dans son ambitieux programme de réformes. Mais la victoire du non pourrait ouvrir une période d’incertitude sur la stabilité politique de la coalition actuelle. » Et c’est bien ce dernier scénario qui semble se dessiner puisque chacune des trente enquêtes d’opinion menées en Italie ces dernières semaines donne le « non » gagnant d’au moins 5 points.

Odeurs d’égouts

Pour autant, près d’un quart des électeurs seraient encore indécis, en bonne partie du fait de la complexité du sujet. Comme lors des élections américaines, cette partie de l’électorat cherche des raisons d’informer son choix hors des médias établis ; le réseau social Facebook, accusé d’avoir favorisé la victoire de Donald Trump en laissant se propager des « intoxs », est encore mobilisé à plein – avec les autres médias sociaux – par les opposants à Renzi. Plusieurs députés accusent aujourd’hui ouvertement le M5S de Beppe Grillo de créer et diffuser des fausses informations pour discréditer le gouvernement et faire rejeter la proposition référendaire. Le Guardian indique par exemple qu’un des bras droits de Matteo Renzi, Luca Lotti, a récemment déposé plainte contre un utilisateur « masqué » de Twitter qui l’a accusé de liens avec la Mafia. Un procureur florentin serait en train de chercher qui se cache derrière l’utilisateur « Beatrice di Maio » à l’origine des accusations.

Parmi les autres thèmes récurrents de la campagne contre le gouvernement actuel, l’idée que celui-ci serait asservi aux demandes de l’Union européenne. Le ressort est puissant et encore renforcé par les exemples du Brexit et de l’incapacité européenne à trouver une solution à la crise des migrants qui frappe en premier lieu l’Italie. Pour assécher ce filon exploité par le M5S, l’un des plus proches conseillers de Renzi, Yoram Gutgeld, a prévenu que le gouvernement tiendrait bon contre l’Union pour défendre son budget 2017 – qui prévoit en particulier de recapitaliser la banque italienne Monte dei Paschi di Siena.

« Nous ne changerons pas notre budget », explique-t-il, cité par Reuters. « Nous l’expliquerons et sommes confiants sur le fait qu’il sera compris. »

La défaite est-elle encore évitable ? Pour Massimiliano Fedriga, chef du groupe parlementaire de la Ligue du Nord – et opposant à Renzi –, que cite le Time : « Les élections américaines ont montré qu’un vent de changement souffle des deux côtés de l’Atlantique et va bientôt emporter Renzi. Son temps est passé et l’Italie a besoin d’un nouveau gouvernement. » Un nouveau gouvernement qui ne serait pourtant pas en mesure de changer radicalement la donne : « Renzi restera le chef du parti le plus important au Parlement, et nous finirons donc probablement avec un monsieur Personne comme président du Conseil », craint l’analyste Wolfango Piccoli, cité par le Guardian. Qui sème le changement récolte l’immobilité, semble dire l’actualité italienne.

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