Réforme des retraites : voulue par le président, comment la gauche peut-elle l’abroger ?

Par Epoch Times
9 juillet 2024 15:33 Mis à jour: 9 juillet 2024 15:36

Le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives mais loin de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, s’est engagé pendant la campagne à abroger la réforme des retraites de 2023, qui relève l’âge légal de départ à 64 ans. S’il gouverne, quelles seront ses marges de manœuvre ? 

Dimanche soir, le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a de nouveau promis qu’un gouvernement dirigé par le Nouveau front populaire (NFP), hypothèse encore incertaine, prendrait, « dès cet été », diverses mesures « par décret », citant notamment « l’abrogation de la retraite à 64 ans ».

« En principe, il n’est pas possible d’abroger par décret une disposition législative. Seule une loi peut défaire une loi », indique à l’AFP le constitutionnaliste Philippe Blachèr, professeur de droit public à l’université de Lyon 3.

« Dans une loi, il y a de grands principes » qui ne peuvent pas être contredits par décret. L’âge légal de départ, fixé dans la loi de 2023 à 64 ans pour la génération née en 1968, « est un de ces principes », insiste-t-il.

Des décrets pour défaire la loi

Certaines dispositions de la loi « renvoient elles à des mesures réglementaires, c’est-à-dire des décrets, pour mettre en œuvre les grands principes, et là-dessus, il est possible d’agir », abroger ou réécrire ces textes, poursuit M. Blachèr. Les décrets déterminent de nombreux paramètres comme « les critères de pénibilité de certains emplois, un plafond minimal des pensions » ou diverses « données quantitatives ».

Par décret, on peut donc « partiellement détricoter » ou « neutraliser certaines dispositions », mais avec un pouvoir d’action limité. « À terme, si vraiment il veut abroger la réforme, il faudra voter une loi », juge-t-il.

Concernant la mesure phare qui a décalé l’âge légal de départ à 64 ans, un nouveau gouvernement disposerait toutefois d’un moyen de reprendre la main, via une procédure devant le Conseil constitutionnel, assurent Bruno Daugeron et Rémi Pellet, professeurs de droit public à l’Université Paris-Cité.

Le gouvernement a choisi l’an dernier de passer par la loi pour fixer l’âge de départ, puisque ce paramètre s’insérait dans une loi budgétaire plus large comprenant de nombreuses mesures, mais « il n’y était pas obligé », explique Rémi Pellet.

Le Conseil constitutionnel « a jugé de longue date et de façon constante » que si le choix d’un système par répartition incluant une condition d’âge relève bien de la compétence du législateur, la détermination de l’âge – 62 ou 64 ans par exemple – relève du pouvoir réglementaire, poursuit-il.

Vers une délégalisation

Un futur Premier ministre pourrait donc « saisir le Conseil constitutionnel pour obtenir une décision de délégalisation » de la disposition visée, « c’est-à-dire la reconnaissance qu’elle relève du règlement », en tant que « paramètre technique ». Cette délégalisation l’autoriserait à prendre un nouveau décret pour rabaisser l’âge à 62 ans.

Le Conseil constitutionnel n’est toutefois « pas obligé de le faire », rappelle Bruno Daugeron.

Modifier uniquement cette mesure phare bouleverserait par ailleurs l’équilibre de la loi budgétaire dans laquelle elle s’insère et aurait des répercussions sur l’application d’autres mesures.

Un 49.3 pour abroger le recours au 49.3

Interrogé par franceinfo lundi, le patron des socialistes Olivier Faure a lui considéré qu’il « faut un projet de loi, (que le NFP) déposera devant l’Assemblée ». « On verra à ce moment-là qui est prêt à aller jusqu’au bout et ceux qui, au contraire, se défilent », a-t-il dit.

La gauche, loin de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, devrait batailler pour dégager une majorité suffisante pour déposer et faire voter un tel texte.

L’incertitude demeure sur la position du Rassemblement national, qui a aussi promis l’abrogation.

Reste la possibilité d’un passage en force via le 49.3. « Sur un sujet sur lequel il y avait 80% des Français hostiles, (…) chacun comprendrait que ce qui a été imposé par le 49.3 peut être éventuellement aussi défait par 49.3 », a déclaré M. Faure.

Dans une Assemblée très fragmentée, le Premier ministre s’exposerait alors à une motion de censure.

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