Réforme du marché de l’électricité : les Vingt-Sept s’écharpent à nouveau sur le nucléaire

Par Etienne Fauchaire
21 juin 2023 19:32 Mis à jour: 21 juin 2023 19:32

Le nucléaire constitue toujours un point majeur de mésentente entre États membres de l’Union européenne : le camp des anti-nucléaires, emmené par l’Allemagne, ferraille toujours contre celui des pro-atome, France en tête. Réunis lundi au Luxembourg pour discuter d’une réforme du marché de l’électricité, les ministres européens de l’Énergie ne sont pas parvenus, malgré de longs pourparlers, à convenir d’une position commune sur le texte législatif mis en avant par la Commission européenne en mars pour contenir la volatilité des prix de l’électricité et donner aux investisseurs dans les énergies vertes un cadre défini.

Les contrats pour différence pour financer le nucléaire

L’objectif de l’exécutif communautaire : empêcher que le coût de l’électricité ne remonte au même niveau que celui de l’hiver 2022-2023. Après la chute drastique des approvisionnements en gaz russe et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français, les prix de l’énergie avaient alors explosé. C’est pourquoi la Commission a proposé d’établir des contrats pour différence (CfD) sur les actifs de production d’électricité décarbonée, censés devenir juridiquement contraignants dès lors qu’il y a intervention de fonds publics pour l’instauration de nouvelles capacités de production.

Ces CfD sont des contrats déterminant un prix plancher, un prix plafond ou un couloir de prix de vente de l’électricité sur le marché de gros. Dans le système du marché européen de l’électricité, quand le prix de vente se trouve en-deça du plancher défini, les autorités prennent en charge la différence, tandis que le producteur reverse l’excédent engrangé aux pouvoirs publics si ce prix est supérieur au plafond établi.

Pour la France, dont l’énergie nucléaire « représente 25 % de la production électrique en Europe », a souligné lundi la ministre de la Transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher, la mise en place de CfD sur les actifs existants revêt une importance capitale, puisqu’elle servira à amortir les investissements qui permettront le maintien et la prolongation des réacteurs nucléaires français. « Si nous ne sommes pas capables de trouver un mécanisme qui permette de prolonger les centrales, nous allons nous mettre dans des difficultés importantes » en matière de sécurité énergétique et d’atteinte des objectifs climatiques, a fait valoir la femme politique.

Mais ce mécanisme constitue un point d’achoppement entre États membres. En effet, pour Berlin et ses alliés, ce mécanisme reviendrait à accorder un « énorme cadeau au nucléaire français », comme l’a par exemple dénoncé le ministre luxembourgeois Claude Turmes, et à encourir des risques de « distorsions de marché », a de son côté tancé le ministre de l’Économie et du Climat allemand, Robert Habeck.

Le principe de proportionnalité

Par ailleurs, Paris s’oppose à l’actuel principe de proportionnalité, qui régirait la part de la production des actifs couverte par un CfD, car le cadre proposé empêcherait leur recours sur l’ensemble de la production d’une centrale nucléaire en fin de vie pour ne pas « réduire les incitants à investir dans les renouvelables », ainsi que l’a expliqué la ministre autrichienne de l’Énergie, Leonore Gewessler.

Une approche inacceptable pour la France, s’est insurgé le cabinet de Mme Pannier-Runacher, car se priver des recettes excédentaires du CfD entraînerait la mort de ces actifs nucléaires. Aussi, en l’état, « nous trouvons donc la proposition de proportionnalité du CfD inacceptable », a martelé Mme Pannier-Runacher lors du conseil. Et d’ajouter : « Nous ne pouvons pas accepter que les efforts publics massifs que nous faisons ne soient pas compensés par le fait que nos consommateurs paient le coût réel de la production [d’électricité] ».

Autres sujets de discorde : le texte de la Commission prévoit que l’État reverse tout revenu supérieur au plafond de prix à « tous les clients finaux, y compris les ménages, les PME et les clients industriels ». Mais pour le ministre allemand, « l’Allemagne veut surtout verser l’argent aux industriels » qui consomment le plus d’énergie, une approche soutenue dans son principe par la ministre de l’Énergie espagnole, Teresa Ribera.

Enfin, l’exécutif communautaire compte aussi autoriser les États à soutenir financièrement des centrales nucléaires exploitées sur une base ponctuelle dans les cas où le Vieux Continent serait confronté à un risque de pénurie d’électricité. Un dispositif que la Pologne aimerait étendre transitoirement aux usines à charbon, dont elle est très dépendante. Si Paris donne son accord, l’Allemagne, le Luxembourg ou l’Autriche s’y opposent catégoriquement.

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