« Ah nous, on ferme samedi soir » : entre résignation et sens du devoir, les employés de l’enseigne de chaussures San Marina faisaient face mercredi à l’afflux de leurs derniers clients, en quête de bonnes affaires, avant la très probable liquidation judiciaire du groupe lundi.
« Non, c’est fini, vous ne pouvez plus commander, nous fermons samedi soir » : au téléphone, qui ne cesse de sonner, comme en boutique, les questions des clients se succèdent et se ressemblent dans ce centre commercial marseillais.
« Si ça ne va pas, comment je fais ? », s’inquiète une cliente, qui lorgne sur une paire de chaussures. Pour les avoirs, les échanges, « vous avez jusqu’à samedi », lui répond posément une vendeuse, qui n’a pas souhaité donner son nom, à l’instar de ses collègues.
« Oui, c’est vrai », confirme dans le combiné l’une d’elles, également très affairée, dans une autre boutique San Marina des Bouches-du-Rhône, où l’enseigne possède son siège social. Au bout du fil, son interlocuteur voulait se faire confirmer la fermeture imminente des magasins.
Des promotions en magasin mais « pas une liquidation de stocks »
« C’est une liquidation judiciaire, pas une liquidation de stocks », précise-t-elle quelques minutes plus tard en boutique à un homme intrigué par l’agitation ambiante.
Conséquence de l’annonce de la fermeture, faite par les médias la veille, les clients se pressent pour profiter des promotions offertes en magasin, non sans exprimer leur soutien aux employés, qui ne laissent rien paraître.
« Comme vous l’avez sûrement constaté, San Marina connaît actuellement des difficultés qui ne nous permettent pas d’honorer vos commandes sur le site », précisait mercredi un message posté sur la page d’accueil de la marque.
San Marina va fermer tous ses magasins ce samedi pic.twitter.com/29ABJsYWxf
— BFMTV (@BFMTV) February 16, 2023
600 salariés licenciés
Faute d’offres de reprise recevables, le placement en liquidation judiciaire du groupe, qui emploie plus de 600 salariés dans 163 magasins en France, paraît inévitable lundi, date à laquelle le tribunal de commerce de Marseille, ville dans laquelle est née le groupe en 1981, doit rendre sa décision.
« Lundi, c’est le délibéré, ils vont dire baissez le rideau », affirme une vendeuse, relayant le message que les administrateurs judiciaires ont fait passer aux syndicats du groupe mardi.
« Les administrateurs judiciaires ont laissé entendre que samedi soir, ce serait fini », a confirmé à l’AFP Helmi Farhat, secrétaire du Comité social d’entreprise (CSE).
« Tout le monde sera licencié », a poursuivi le représentant CGT des salariés, dont le syndicat avait par ailleurs appelé à la grève dès mardi afin d’obtenir de la direction une revalorisation de la prime de départ promise aux salariés.
« C’est tellement un choc »
« La direction nous a proposé un doublement de la prime sur objectif, ce qu’on appelle le variable », qui oscille « entre 17 et 40 euros par mois », a expliqué Helmi Farhat, précisant que cela avait été vécu comme une « humiliation » par les salariés. La CGT souhaite elle que cette prime de départ atteigne au moins un mois et demi de salaire, ce que la direction a pour l’instant refusé.
« Quand on fait grève, on perd nos journées de travail. Comme on va partir avec zéro, autant qu’on travaille jusqu’au bout », avance une vendeuse, chez San Marina depuis quinze ans.
« C’est tellement un choc, on ne s’est jamais retrouvé au chômage », poursuit la jeune femme, qui ne sait pas encore si elle fera une formation pour se reconvertir ou si elle recherchera du travail dans la vente.
Mais le plus dur « c’est pour les collègues plus âgés, qui ont trente ans de boîte » : « Quand on voit des enseignes françaises qui ferment, ça fait peur. Le web, ça nous a tués, et puis une mauvaise gestion aussi », analyse-t-elle.
« Cela devient triste parce qu’il y a plusieurs enseignes qui ont fermé et cela va continuer peut-être. Est-ce parce que les gens achètent sur internet ? Moi, je veux voir et toucher avant d’acheter », commente Pierre Scopelliti, 67 ans, client fidèle d’un magasin marseillais.
À quelques kilomètres de là, une employée, treize ans de maison à son actif, n’a pas non plus voulu faire grève : « Je ferai mon travail jusqu’au bout, jusqu’à la fermeture du rideau ».
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