Résultats législatives : « On sait déjà qu’il y aura une volonté de certains mouvements de faire pression par la rue et par la violence sur le nouvel exécutif », déclare Olivier Vial

Par Julian Herrero
27 juin 2024 06:48 Mis à jour: 29 juin 2024 00:16

ENTRETIEN – Olivier Vial est directeur du CERU, le laboratoire d’idées en charge du programme de recherche sur les radicalités. Il analyse pour Epoch Times les différents types de mobilisations qui pourraient avoir lieu en cas de victoire du Rassemblement national aux élections législatives.

Epoch Times : Les manifestations contre l’extrême-droite se multiplient partout sur le territoire depuis la victoire du RN aux élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Comment voyez-vous la situation le 8 juillet si le Rassemblement national obtenait la majorité absolue ? Doit-on craindre des débordements ?

Olivier Vial : Je pense que c’est une probabilité assez forte. D’ailleurs, que ce soit le RN qui remporte le scrutin, qu’il n’y ait pas de majorité à l’Assemblée nationale ou, scénario très improbable, que la majorité présidentielle soit reconduite, je crois qu’il y a un risque réel de mobilisations et d’actes de violence. Néanmoins, on peut imaginer que les manifestations et les violences seront moins importantes si ce n’est pas directement le RN qui arrive aux responsabilités. Mais on sait déjà qu’il y aura une volonté de certains mouvements de faire pression par la rue et par la violence sur le nouvel exécutif.

Quels mouvements ou organisations pourraient être à l’origine de ces actes de violence ?

Il y en a beaucoup. Il faut déjà prendre en compte les organisations qui ne sont pas forcément violentes, mais qui soutiennent le Nouveau Front populaire. Je pense par exemple à Oxfam. Quoiqu’il arrive, même si la gauche arrive au pouvoir, elles vont être dans une logique de pression sur les nouveaux élus pour qu’ils appliquent un programme assez radical qu’elles auront elles-mêmes défini.

Je pense que ces organisations vont se mobiliser, et même si elles n’en sont pas à l’origine, il y a un risque de débordements assez élevé puisque des mouvements radicaux, notamment liés aux antifas vont vraisemblablement s’infiltrer dans leurs cortèges.

Je note également que pour la première fois, une coalition de gauche a intégré des mouvements violents, que ce soit le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ou la Jeune Garde qui est une organisation antifasciste. Nous avons donc dans ce Nouveau Front Populaire des mouvements qui ont fait de l’expression de la violence une expression politique comme une autre. Par conséquent, il y a les germes d’une radicalité nouvelle, légitimée par cette nouvelle alliance politique, et ces mouvements sont en mesure de faire monter le niveau de la violence au moment des élections législatives.

Enfin, il y a des mouvements écologistes radicaux comme les Soulèvements de la Terre qui ont d’ores et déjà annoncé des mobilisations. Dans un communiqué publié le 14 juin, les Soulèvements de la Terre ont prévenu que, quel que soit le résultat des élections législatives, et notamment si le RN arrive aux affaires, ils mettraient en place des blocages et prendraient des ronds-points partout sur le territoire.

Ils ont également précisé qu’ils mèneraient des actions contre le groupe Bolloré et que cette fois-ci leur objectif est de s’opposer au Rassemblement national de manière physique, et non simplement par les urnes.

Tous ces éléments font qu’il y a un risque de montée de la violence, mais une violence assez prévisible puisqu’on sent, depuis quelques semaines, une accélération d’un mouvement qui a, en réalité, débuté dans les années 2020.

Ces mobilisations constituent-elles une menace sérieuse à la fois pour les institutions et la démocratie de manière générale ?

Difficile à savoir pour l’instant. Emmanuel Macron agite la menace de la guerre civile, mais je ne sais pas ce que ça veut dire.

Je pense que nous avons affaire à des mouvements à peu près de même nature que ceux que nous avons connus à l’époque des gilets jaunes ou plus récemment à l’occasion de manifestations contre la réforme des retraites, c’est-à-dire des groupes qui harcèlent les forces de l’ordre et qui essayent de mettre le feu à différentes installations.

Par exemple, la semaine dernière, dans la région de Grenoble, plusieurs transformateurs électriques ont été incendiés de façon coordonnée la même nuit. Et au même moment dans le Sud-Ouest, notamment autour du chantier de l’A69, des actions similaires ont été menées, mais cette fois-ci par des mouvements beaucoup plus radicaux.

On assiste depuis plusieurs semaines à des actions très violentes avec l’utilisation d’engins explosifs et incendiaires pour détruire certaines installations. C’est vraiment cette montée de la violence qui peut nous inquiéter.

Je rappelle que l’année dernière, lors d’une interview sur France Inter, la porte-parole des Soulèvements de la Terre, Léna Lazare, à la question de savoir si l’utilisation de bombes a été envisagée par les Soulèvements de la Terre, a répondu que pour l’instant, ce n’était pas le cas mais, qu’à un moment ou à un autre, le mouvement écologiste sera bien obligé de passer par là.

Le risque est donc réel, mais il n’est peut-être pas massif. Nous ne sommes pas dans une configuration de guerre civile, mais face à un risque de formation de poches qui peuvent être assez violentes et qui sont en capacité d’entraîner des mouvements avec eux.

On se souvient qu’au moment des émeutes de juin 2023, des organisations comme le NPA avaient essayé d’appeler à la conjonction des revendications entre les émeutiers et les mouvements d’ultra-gauche, mais cela n’avait pas fonctionné. Aujourd’hui, le résultat pourrait être différent.

Des mobilisations sans mouvements antifascistes ou d’ultra-gauche ressemblant aux émeutes de juin 2023 peuvent-elles avoir lieu ?

C’est une hypothèse, mais la montée de la violence est quand même très liée à l’infiltration de l’ultra-gauche dans différents secteurs. On le voit avec les Soulèvements de la Terre, l’exemple type d’un mouvement écologiste qui était jusqu’à présent plutôt adepte de la non-violence, de la désobéissance civile, mais non-violente, mais qui est devenu nettement plus violent parce qu’il a été infiltré par des mouvements beaucoup plus radicaux. Même chose pour Extinction Rébellion et Alternatiba.

Il y a même des universitaires bénéficiant d’une aura très importante dans ces milieux, à l’instar d’Andreas Malm, qui prône l’utilisation de la violence comme un outil légitime et quotidien de l’action politique.

Ils ont totalement changé le modèle des mouvements écologistes, et certaines violences qui étaient jusqu’à présent minoritaires, se sont répandues dans des mouvements beaucoup plus massifs et avec une caisse de résonance beaucoup plus forte.

Il pourrait se produire la même chose avec les banlieues. On nous dit que les banlieues pourraient s’enflammer d’elles-mêmes, mais il y a quand même des acteurs qui soufflent sur les braises depuis des années. Encore une fois, le NPA tente depuis les années 2000 d’établir une jonction entre l’extrême-gauche et les banlieues. Pour l’instant, ils n’y sont pas parvenus.

Néanmoins, je pense que trois éléments font qu’aujourd’hui, cette jonction est possible. Premièrement, certains jeunes et militants des banlieues sont imprégnés par le discours woke sur le racisme systémique ou encore les violences policières.
La question des violences policières a été un vrai moyen pour l’extrême-gauche d’entrer en contact avec des mouvements dans les banlieues. Des auteurs comme Mathieu Rigouste ont également beaucoup travaillé sur la manière de diaboliser la police dans les banlieues, et cela a bien fonctionné.

Deuxièmement, le conflit israélo-palestinien et la stratégie de LFI qui consiste à radicaliser son positionnement y compris en développant des thèses antisionistes, voire antisémites, pour faire corps avec la partie la plus radicale de l’électorat musulman, peuvent jouer un rôle important dans le rapprochement entre les banlieues et l’extrême-gauche.

Enfin, il y a un élément plus structurel sur lequel je viens de publier une note : le travail de longue haleine qui a été fait par certains médias — plus particulièrement AJ + — auprès de la jeunesse étudiante de gauche et d’extrême gauche ou en tout cas des jeunes de banlieues.

Dans la note, je montre comment la stratégie du média depuis 2017 a consisté à faire ce qu’on appelle de la propagande « under the radar », c’est-à-dire que la majorité des gens n’ont pas vu ce qui se passait, puisqu’il n’y a que les personnes concernées qui sont ciblées par les vidéos d’AJ +.

Depuis sept ans, plusieurs dizaines de milliers de vidéos ont été diffusées, et ces vidéos ont deux objectifs. Le premier est d’imposer l’image d’une France raciste, avec des violences policières, des discriminations systémiques, de manière à créer un séparatisme entre une partie de la jeunesse et la nation. Une stratégie efficace puisqu’on retrouve aujourd’hui dans le vocabulaire des revendications des banlieues, les termes de « violences policières », de « racisme systémique » ou d’ « appropriation culturelle », alors qu’ils n’y figuraient pas dans les revendications classiques. Il y a vingt ans, on parlait de manque de moyens ou de discriminations à l’embauche.

Le deuxième objectif, ce qui nous amène à la jonction entre l’extrême-gauche et les banlieues, a été de véhiculer un discours visant notamment les jeunes engagés dans la mouvance woke sur la culpabilisation vis-à-vis de la culture occidentale. On le voit aujourd’hui avec la prise de position systémique des étudiants de certains établissements en faveur de Gaza.

Aujourd’hui, il y a une partie de la jeunesse étudiante privilégiée qui joue aux militants palestiniens parce qu’ils ont été abreuvés par ce type de vidéos qui sont extrêmement manichéennes.

Il y a, par exemple, une vidéo qui présente le Hamas, non pas comme une organisation terroriste, mais un mouvement de résistance pas du tout antisémite qui s’intéresse surtout à la question du logement. On est dans un déni qui est totalement surréaliste.

Ces mouvements pourraient-ils rassembler un grand nombre de personnes ? Des enquêtes montrent que l’image que l’opinion publique a du RN a changé avec le processus de dédiabolisation.

Oui tout à fait. On le remarque aisément en analysant les dernières manifestations. La manifestation de samedi dernier à Paris a réuni près de quinze fois moins de personnes que celle de 2002. En outre, elle était beaucoup plus radicale. Et les deux phénomènes se conjuguent à chaque fois.

Pour ma part, je crois qu’on aura une mobilisation beaucoup moins massive que ce qu’on a pu vivre quand Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle en 2002, quand il n’avait aucune chance d’arriver au pouvoir. C’est d’ailleurs ce que Lionel Jospin avait appelé à l’époque « le petit théâtre antifasciste ». On a fait semblant de mobiliser les gens sur un péril qui n’existait pas. Plus de vingt ans après, l’arrivée au pouvoir du RN devient quelque chose de possible.
Mais effectivement, les gens n’ont plus du tout la même image du RN. À raison sans doute, parce qu’il a beaucoup évolué. Le RN n’est pas le même repoussoir qu’il était il y a 22 ans. Donc effectivement, il y aura moins de mobilisations spontanées.

Avec ces mobilisations, le risque, c’est qu’elles sont aujourd’hui tenues par des mouvements beaucoup plus radicaux qu’en 2002. À l’époque, seuls les syndicats classiques portaient la contestation. Mais maintenant, on voit des mouvements comme les Soulèvements de la Terre, ou les antifas de Révolution Permanente qui commencent à se mobiliser. La semaine dernière à Paris, il y avait  même un cortège du parti des Indigènes de la République qui défilait.
Nous avons affaire à des mouvements beaucoup plus radicaux qui peuvent avoir un effet épouvantail très fort pour une grande partie de l’opinion publique.

Plus le mouvement se radicalise, plus il devient dangereux parce que ce sont des gens qui sont prêts à une certaine forme de violence. Je note d’ailleurs que plus les manifestations sont massives, moins il y a d’échauffourées, et quand elles sont moins importantes, elles sont plus violentes.

In fine, je crois qu’on risque, non pas de se retrouver devant un tsunami de mobilisation, mais à des vagues beaucoup plus violentes et des petites échauffourées qui soient des tentatives de sabotage et d’agression.

La semaine dernière, un candidat RN a été agressé par des personnes cagoulées sur un marché. La veille, à Lyon, un jeune militant RN s’est fait faucher par une voiture conduite par des militants antifas. Toute cette violence monte, et il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Depuis des années, cette augmentation de la violence est visible, et on a l’impression que la dissolution de l’Assemblée nationale lui a donné un formidable coup d’accélérateur.

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