Le parquet national antiterroriste (PNAT) fait un retour surprise : le gouvernement a finalement confirmé vendredi la création d’un parquet spécifique aux vastes compétences, malgré l’opposition de nombreux magistrats.
La lutte antiterroriste est aujourd’hui confiée à une section du parquet de Paris, dirigé par François Molins. Devenu, d’attentat en attentat, le visage de l’antiterrorisme, le procureur Molins s’apprête à quitter ce poste stratégique pour rejoindre la Cour de cassation.
Annoncé en décembre 2017 par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, puis écarté du projet de réforme de la justice présenté au printemps, le PNAT figurera dans le projet de loi organique accompagnant celui de programmation pour la justice, attendus à l’automne.
« Nous considérons ensemble qu’il est désormais nécessaire de permettre à un procureur de se consacrer à temps plein à la lutte antiterroriste », a déclaré le Premier ministre en présentant un nouveau « plan d’action contre le terrorisme » au siège de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Levallois-Perret en Hauts-de-Seine.
« Ce PNAT bénéficiera d’une équipe de magistrats et de fonctionnaires renforcée. Sa création s’accompagnera par ailleurs de la désignation de procureurs délégués antiterroristes au sein des parquets territoriaux les plus exposés« , a annoncé Édouard Philippe, sans toutefois préciser ces effectifs.
« Ils formeront un vivier de magistrats immédiatement et efficacement mobilisables en cas d’attaques terroristes. C’est donc un véritable maillage territorial antiterroriste au niveau judiciaire que nous allons créer », a-t-il insisté.
Ce nouveau parquet sera le deuxième spécialisé après la création en 2013 du parquet national financier (PNF), né du scandale des comptes cachés de l’ex-ministre Jérôme Cahuzac.
Pourquoi changer et qu’apportera-t-il de plus ?
Dans un pays meurtri par les attentats jihadistes, qui ont fait 246 morts depuis 2015, ce parquet sera compétent pour toutes les infractions liées au terrorisme mais également pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité concernés par « les mêmes terrains », Irak et Syrie notamment.
Quel sera son périmètre ?
Le gouvernement affiche l’ambition d’un double degré de juridiction, permettant au futur procureur de porter l’accusation « de l’instruction jusqu’à la cour d’assises ». Actuellement, c’est le parquet général de la cour d’appel de Paris qui représente l’accusation à la cour d’assises.
Nouvelle victoire politique avec la création d’un parquet national anti-terroriste ; @NBelloubet reprend une des propositions que j’ai défendues lors des débats sur la loi terrorisme. La suite : reconnaître et traiter juridiquement le terrorisme comme un acte de guerre. MLP pic.twitter.com/t7jn6JvzDk
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) December 18, 2017
En décembre, l’annonce de la création du PNAT avait suscité de très vives critiques parmi les magistrats, notamment de la procureur générale de Paris, Catherine Champrenault, qui occupe l’un des postes de pilotage de la lutte antiterroriste en France.
« Pourquoi changer ce qui marche ? », avait-elle demandé. « Aujourd’hui, quand il y a un attentat, nous avons la possibilité de mutualiser nos moyens, en vases communicants, de piocher dans le vivier du parquet de Paris, de mobiliser rapidement 60 magistrats ».
Le terrorisme se nourrissant « beaucoup de délinquance », notamment « pour la fourniture d’armes ou de matériels », elle estimait aussi qu’il y avait un grand risque de « perdre une vue d’ensemble ».
Un risque également souligné par le Conseil d’État, dans son avis rendu le 12 avril sur le projet de réforme de la justice : la haute juridiction relevait le « risque d’isolement des magistrats affectés à ce parquet, avec l’inconvénient de perdre la perception des liens entre la petite délinquance et le terrorisme, en particulier dans les parcours de radicalisation ».
Qui prendra la tête de ce nouveau parquet ?
Plusieurs noms ont circulé ces dernières semaines, notamment parmi les magistrats familiers du contentieux terroriste, comme celui de l’avocate générale près la cour d’appel de Paris, Maryvonne Caillibotte.
Actuellement, le contentieux terroriste est géré par la section antiterroriste du parquet de Paris, dite C1, créée en 1986, pour traiter les infractions terroristes tout juste inscrites dans le code pénal, après une vague d’attentats revendiqués par un groupe proche du Hezbollah.
Elle se chargeait alors principalement d’attaques liées à l’islamisme et aux indépendantismes corse et basque.
Mais, depuis 2012, le nombre de ses dossiers a doublé chaque année, en raison de la menace jihadiste. Elle s’est vue constamment renforcée et dispose aujourd’hui de quatorze magistrats spécialisés permanents, soit 10 % environ des effectifs du parquet de Paris.
D. S avec AFP
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