Après cinq mois de manifestations contre la réforme des retraites, les syndicats entrevoient la fin du « match » avec une participation au plus bas pour leur 14e journée de mobilisation, mais entendent « rester unis » pour peser sur d’autres sujets.
Le sursaut n’a pas eu lieu. Partout, les chiffres – des autorités comme des syndicats – sont les plus faibles depuis le début du mouvement social : 8000 à 50.000 manifestants à Toulouse, entre 5500 et 10.000 à Rennes, ou encore 5000 à 10.000 à Grenoble.
À Paris, la CGT a revendiqué 300.000 participants, plancher déjà atteint à deux reprises durant l’hiver. Une jauge minimale pour les syndicats, qui voulaient remettre la pression deux jours avant l’examen d’une proposition de loi visant à abroger la réforme promulguée mi-avril.
« Le match est en train de se terminer, qu’on le veuille ou non, avec cette inconnue de ce qui se passera jeudi à l’Assemblée », a reconnu mardi Laurent Berger. Le numéro un de la CFDT, a appelé les syndicats à « peser dans le rapport de force à venir » sur d’autres sujets comme les salaires ou les conditions de travail.
« Nous voulons de vraies négociations », a prévenu à ses côtés la numéro un de la CGT, Sophie Binet. Soulignant que « les retraites resteront toujours un combat », elle a mis en avant l’objectif de « gagner des avancées concrètes ». « L’intersyndicale va rester unie », a-t-elle ajouté, jugeant « probable qu’il y ait d’autres manifestations au vu de la colère dans le pays ».
Une colère que « ce mouvement a permis d’exprimer », confirmait à Lille Michel Moulbach, ouvrier en bâtiment de 60 ans. Mais « il faut être réaliste », ajoutait ce militant cégétiste, à l’approche des vacances « ça va être difficile de ne pas faire une pause ».
En dehors de quelques actions coup de poing – intrusion au siège du comité d’organisation des JO .2024, coupure d’électricité en banlieue parisienne – les perturbations sont restées très limitées, notamment dans l’éducation avec à peine plus de 5% de profs grévistes selon le ministère. Dans les transports, la SNCF a fait circuler neuf trains sur dix en moyenne, tandis qu’un tiers des vols ont été annulés à l’aéroport d’Orly.
Les cortèges étaient par ailleurs moins émaillés de heurts entre manifestants et forces de l’ordre, en dépit de tensions habituelles à Lyon, Toulouse, Nantes et Rennes. Beauvau avait déployé 11.000 policiers et gendarmes pour encadrer les foules, dont 4000 dans la capitale.
Le défilé parisien est cependant passé sans accrochage devant l’Assemblée nationale, les manifestants redoublant de huées et collant à même le sol, en lettre majuscules : « Ci-git la démocratie. » Signe de leur désillusion après les passages en force de l’exécutif au Parlement, malgré la tentative d’abrogation des oppositions.
Il est « indispensable de laisser le Parlement voter »
Le camp présidentiel entend continuer à avancer, comme en témoigne la publication dimanche au JO des deux premiers décrets d’application, dont celui portant progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Jeudi, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet devrait dégainer l’article 40 de la Constitution – qui interdit aux parlementaires de déposer des amendements ayant un impact financier – pour faire obstacle au texte Liot.
À l’unisson de la gauche et des députés Liot, Sophie Binet a plaidé qu’il est « indispensable de laisser le Parlement voter » au risque d’une « énorme anomalie démocratique ». Mais pour Laurent Berger, « ce n’est pas bien parti ».
Pour la droite, « le match est joué », a estimé le chef des sénateurs LR Bruno Retailleau sur Sud Radio.
? Journée de #grève avant l’examen du texte #LIOT
?️@BrunoRetailleau : « Le match est déjà joué. La Constitution vaut pour tout le monde. On ne peut pas aggraver les charges publiques et diminuer les recettes de l’État, ce que fait ce texte » #retraites
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— Sud Radio (@SudRadio) June 6, 2023
Jean-Luc Mélenchon (LFI) a promis mardi que « la lutte continuera(it) » contre la réforme même s’il a admis ne pas savoir « sous quelle forme ». Le débat doit se tenir « dans le cadre démocratique et le respect de la Constitution », a de son côté affirmé lundi le président de la République, Emmanuel Macron, en marge d’un déplacement au Mont-Saint-Michel. Mardi, lors du 79e anniversaire du Débarquement allié, il a plaidé que « dans ces moments-là, il ne faut pas faire de commentaire politique », ajoutant que « les annonces viendront en temps voulu ».
Le gouvernement prévoit la tenue mi-juin d’une réunion multilatérale, soit à Matignon, soit à l’Élysée, avec syndicats et patronat. Une perspective qui n’enchante pas les leaders syndicaux, qui devraient se réunir en visio mardi prochain. Frédéric Souillot (FO) a déjà fait savoir qu’il « n’irait pas », tandis que François Hommeril (CFE-CGC) n’a « pas envie d’aller à une opération de communication ».
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