Yaël Braun-Pivet est sous pression en vue de l’examen d’un texte d’abrogation de la retraite à 64 ans, prise en étau entre son camp qui la pousse à le torpiller et sa volonté de rester une présidente de l’Assemblée au-dessus de la mêlée.
La proposition de loi du groupe indépendant Liot, soutenue par les oppositions et les syndicats, doit passer le 31 mai en commission, avant d’arriver le 8 juin dans l’hémicycle. Et le camp présidentiel semble déterminé à empêcher qu’elle fasse l’objet d’un vote considéré à hauts risques.
Elle est « de toute évidence » irrecevable, a jugé jeudi la titulaire du Perchoir sur Sud Radio, car elle se traduirait par un surcoût financier estimé par le camp présidentiel à au moins 15 milliards d’euros. « Elle contrevient très clairement à l’article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d’aggraver les charges de l’État », a-t-elle aussi dit à la Tribune.
L’irrecevabilité entre les mains du président de la commission des Finances
Des déclarations pour clarifier sa position ? Dans les coulisses de la majorité, où les stratèges rivalisent de plans pour couper court à ce texte qualifié d’« arnaque » sans « aucune chance » d’aboutir, ils ont été nombreux à s’agacer des réticences de Mme Braun-Pivet.
L’ancienne avocate, membre du groupe macroniste Renaissance mais qui n’était pas la candidate du chef de l’État pour le Perchoir, s’est ainsi refusée à remettre en cause une décision du Bureau de l’Assemblée en amont, au moment du dépôt du texte litigieux. Le Bureau n’avait pas fait barrage, conformément à une souplesse d’usage pour ce premier filtre des propositions de loi.
Fidèle à son souhait de respecter à la lettre le règlement et les traditions de l’institution, elle estime toujours qu’elle n’a pas les cartes en mains pour retoquer le texte à ce stade. « Il appartient au président de la commission des Finances qui est saisi de cette question de l’article 40, de prononcer l’irrecevabilité », a-t-elle dit jeudi. « Je ne peux concevoir qu’il prenne une autre décision que l’irrecevabilité ».
Mais ce dernier n’est autre que l’Insoumis Éric Coquerel. Qui avait la semaine dernière salué le fait que Mme Braun-Pivet ait respecté la première décision du Bureau, et qui ne fait pas mystère de son intention de laisser le texte d’abrogation poursuivre son chemin jusqu’à l’hémicycle.
Le nouveau plan des macronistes
Les macronistes ont toutefois un nouveau plan en tête, dans lequel ils pressent la présidente de jouer l’un des premiers rôles. Ils espèrent réussir mercredi à supprimer l’article d’abrogation de la retraite à 64 ans en commission, où ils estiment disposer d’un rapport de force favorable. Un cas de figure qui obligerait Liot à réintroduire sa mesure phare par un amendement en amont de la séance du 8 juin… et donnerait cette fois à la présidente la possibilité de brandir l’article 40.
« Ils cherchent par tous les moyens à s’éviter un vote fatidique, donc ils tirent sur toutes les ficelles », commente un député Liot. « Braun-Pivet est sous une pression maximale : si elle tient sa ligne de respect de l’institution et des oppositions, en laissant un vote se dérouler, ils vont essayer de l’exfiltrer ». « Dans l’hémicycle, c’est moi qui suis comptable de l’application de l’article 40 », a dit jeudi l’intéressée, laissant entendre qu’elle pourrait en effet prendre la responsabilité d’essayer de barrer la route au texte avant un vote.
Le rôle clé de la présidente de l’Assemblée
« Ne faites pas cela, vous avez tenu jusque-là la pression pour préserver le rôle du Parlement », l’a interpellée sur Twitter la députée écologiste Sandrine Rousseau. « Si elle ne le fait pas, elle se fait virer », lance un parlementaire macroniste, même si cette possibilité de « virer » la présidente de l’Assemblée n’existe pas. « Elle agace depuis un an » le président Macron et « va continuer à jouer la même partition », s’attend un autre, alors que Yaël Braun-Pivet a déjà été critiquée par le passé pour ses manifestations d’indépendance et que certains lui prêtent des ambitions présidentielles.
De son côté, l’entourage de la première femme au Perchoir s’agace des procès en « cavalier seul » faits dans son propre camp, alors qu' »elle a toujours fait le job » et « est loyale ». Mais elle « ne tordra jamais le règlement » et « ceux qui tentent de faire pression sur elle seront déçus ».
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