Après un long temps à s’imprégner de cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, Edouard Philippe se retrouve en première ligne pour défendre la refondation du système de retraite face à un mouvement de grève qui s’annonce dur et suivi.
Évidemment, le parallèle est tentant: en décembre 1995, le Premier ministre Alain Juppé cédait à la pression de la rue et abandonnait son « plan » qui prévoyait notamment un allongement de la durée de cotisation. Et voilà 24 ans plus tard son disciple, Edouard Philippe, à la veille d’un mouvement d’ampleur, cette fois contre la suppression des régimes spéciaux.
Le contexte est cependant différent: les mesures Juppé n’avaient pas été annoncées lors de la campagne présidentielle de Jacques Chirac, élu six mois plus tôt sur le thème de la « fracture sociale », alors que la création d’un nouveau système universel par points a été l’un des marqueurs de celle d’Emmanuel Macron… à laquelle Edouard Philippe n’a pas participé !
Le Premier ministre a donc dû s’approprier cette refonte totale du système, lui qui lors de la primaire de la droite en 2016 avait milité derrière Alain Juppé pour un report de « l’âge légal de départ à 65 ans », érigé en « priorité des priorités » selon l’ancien maire de Bordeaux.
Tandis que le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye menait une concertation à rallonge avant de livrer son rapport mi-juillet, M. Philippe a consacré ses dimanches après-midi du printemps, avec quelques ministres, à « entrer » dans le sujet, « la technique, les options ».
Alors que revenaient épisodiquement des rumeurs des supposées réticences d’Edouard Philippe et d’enterrement de la réforme, le Premier ministre l’assurait en petit comité: « je ne me mets pas dans une situation où l’on ne fait pas cette réforme ». « On va la faire. Et 2020, c’est le bon moment », estimait-il encore avant l’été.
Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on rappelle aussi que Matignon est pleinement à la manœuvre: « le président a demandé au Premier ministre de porter la réforme, il lui a donné un mandat clair ».
« Il sait que c’est une oeuvre qui prend beaucoup de bande passante, demande du doigté, dont les composantes politiques, techniques, financières sont gigantesques. Il a à coeur de réussir parce qu’il n’a pas d’alternative », souligne un proche de M. Philippe.
Le chemin n’en est pas moins escarpé sur ce dossier à hauts risques, dans lequel M. Philippe avance à pas de loup.
Quitte à entretenir l’impression de flou, voire de cacophonie, quand des divergences émergent au sein du gouvernement notamment autour d’une question cruciale: comment articuler, à côté de la réforme structurelle, des mesures de gestion, dites « paramétriques », permettant de résorber le déficit du système actuel (entre 8 et 17 milliards en 2025) ? Trois leviers, tous sensibles, existent: le niveau des pensions, celui des cotisations et l’âge de départ.
Pour le Premier ministre, « tout se tient », dit son entourage. En clair: il faut s’attaquer au déficit en même temps qu’au système dans son ensemble. D’autres autour d’Emmanuel Macron plaident pour temporiser sur la réduction du déficit, afin de ne pas parasiter la réforme.
Un débat qui avive une critique récurrente adressée à M. Philippe et résumée par un acteur au coeur du dossier: « l’angle de Matignon est purement budgétaire », grince-t-il.
Autour de M. Philippe, on vante plutôt l’assouplissement de son style, plus ouvert à la concertation et loin de l’attitude « droit dans les bottes » qui avait coûté sa réforme à M. Juppé. « On est quand même moins raide, non », interroge en souriant un de ses amis, observant que la séquence des « gilets jaunes » a aussi produit ses effets.
C’est donc cette capacité à naviguer face à des « blocages forts et longs », dixit un conseiller, qui va être désormais éprouvée.
Jeudi, M. Philippe montrera qu’il est sur le pont face au mouvement de grève. « On le verra. Car il veut adresser un signal aux Français: au-delà des raisons de la grève et de la contestation sociale, le gouvernement est à pied d’oeuvre pour les aider », dit son entourage.
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