Mise en scène, conflit personnel ou preuve d’un dialogue social brisé ? Près de trois mois après le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, le ton monte encore entre Emmanuel Macron et le patron du premier syndicat de France, Laurent Berger.
8000 kilomètres séparent le président, en visite d’État en Chine, et le leader de la CFDT, qui participe jeudi à Paris à la onzième journée de mobilisation contre le texte. Mais les deux hommes se livrent à distance une guerre des mots.
Des échanges houleux entre la CFDT et le président
« On est chez les fous ! », s’est emporté jeudi Laurent Berger sur RTL après avoir appelé, la veille, le chef de l’État à « garder ses nerfs » à la suite de plusieurs attaques du président ou de son entourage visant l’attitude du premier syndicat français dans le conflit sur les retraites.
Mercredi, informé en temps quasi réel de ce qui se passe à Paris, Emmanuel Macron a pris connaissance de « l’échec » de la réunion à Matignon entre Élisabeth Borne et l’intersyndicale et surtout de la déclaration à la sortie de Laurent Berger qui a évoqué une « crise démocratique ».
Remonté, une fois de plus, contre les syndicats, et particulièrement contre la CFDT, le chef de l’État ne se prive alors pas de faire connaître son état d’esprit, même si officiellement il ne souhaite pas réagir depuis la Chine aux soubresauts de la vie politique nationale. Selon lui, « pour la première fois de son histoire contemporaine, la CFDT n’a pas proposé un autre projet », « la réponse c’était : rien ».
Mais Laurent Berger ne se montre pas dupe sur ces propos : « L’entourage d’Emmanuel Macron, c’est Emmanuel Macron. On va être très clair ». « Arrêter les petites phrases », « stop à la provocation ! », s’emporte-t-il sur BFMTV.
Le gouvernement y voit plutôt une attaque personnelle
Pour le chef de l’État, les propos sur la « crise démocratique » ne passent pas. Le patron de la CFDT se défend d’avoir lancé « une attaque personnelle » contre le président, tout en observant que la situation actuelle « profite malheureusement à l’extrême droite ».
Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a justifié jeudi sur France Inter l’intervention d’Emmanuel Macron, soulignant l’importance de « remettre l’église au milieu du village » face à des syndicats « qui confondent conflit social et crise démocratique ». Il ne s’est pas privé non plus de lancer une charge supplémentaire contre le patron de la CFDT : « Le connaissant un peu, je pense qu’il n’est pas au fond d’accord lui-même avec ce qu’il dit ».
Chez Renaissance, on reproche à Laurent Berger de vouloir réduire la réforme des retraites à un problème personnel avec le président : « Vouloir recentrer l’attention sur des questions interpersonnelles, ça nous empêche de parler des vrais sujets », estime à l’AFP un cadre du parti.
Le président n’a jamais voulu de partenaire, syndical ou autre
Malgré ces vifs échanges, le politologue Dominique Andolfatto, auteur du livre Anatomie du syndicalisme, refuse d’être « alarmiste ». « Il y a de la dramatisation, de la théâtralisation, mais c’est le propre d’un mouvement social », explique-t-il. « Et il faut faire durer la pièce en attendant que le Conseil constitutionnel se prononce », le 14 avril, sur la réforme. Il reconnaît toutefois « des contentieux individuels anciens » entre Emmanuel Macron et Laurent Berger qui « ne semblent pas s’apprécier ».
Mais, pour Stéphane Sirot, historien spécialiste du syndicalisme, le chef de l’État « met en difficulté le syndicalisme qu’a promu Berger depuis qu’il est à la tête de la CFDT, un syndicalisme qui se veut de partenariat social ». Le pouvoir actuel n’a « jamais voulu de partenaire qu’il soit syndical ou autre », considérant « qu’il n’y a pas d’espace entre lui et le peuple », estime l’historien.
Jeudi, le président devrait s’abstenir de commenter la nouvelle journée de manifestations en France : il rencontrait toute la journée les dirigeants chinois et n’avait pas prévu de répondre aux questions de la presse. La veille, il avait fait connaître son avis sur la mobilisation. « Regardons avec un peu de recul les conflits sociaux sur les retraites qu’on a connus », a dit son entourage. « On a eu beaucoup plus de gens dans les manifestations qu’on a là. Beaucoup plus. Quel est le taux gréviste depuis 15 jours ? Il est a un niveau historiquement très faible ». Le pays n’est pas « à l’arrêt ».
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