À la veille de la présentation de sa réforme des retraites, le gouvernement procédait lundi aux derniers ajustements sans renoncer à reporter l’âge de départ, tout en insistant sur l’accompagnement « social » de son projet, sans dissuader les syndicats de manifester.
Alors qu’un report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ reste l’hypothèse privilégiée par l’exécutif, il ne faut « pas rester bêta-bloqué sur l’âge » mais trouver « les moyens pour apporter plus d’accompagnement social, plus de pensions », a affirmé la ministre délégué aux PME Olivia Grégoire.
Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des Lois de l’Assemblée, a confirmé lundi la piste d’un report de l’âge de départ porté progressivement à 64 ans, avec une accélération de la réforme Touraine sans toucher aux 43 années de cotisations.
La Première ministre Élisabeth Borne doit présenter sa réforme mardi à 17h30, après les questions au gouvernement.
Lundi elle aura d’ultimes entretiens avec les représentants des députés indépendants Liot et avec la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet.
Cette réforme « va demander des efforts »
« On sait que cette réforme, elle va demander des efforts » avec la mesure d’âge, mais « l’enjeu » c’est « de s’assurer que ces efforts soient justes », a plaidé M. Houlié.
Il ne « reste pas beaucoup de choix » autre que l’âge légal, a-t-il justifié « à partir du moment où vous ne voulez pas baisser les pensions », et « où vous ne voulez pas augmenter les cotisations, quand bien même on pourrait discuter du montant ».
François Bayrou, patron du MoDem, allié de la majorité, considère qu’il « faudra des signes » du gouvernement pour que cette réforme soit « ressentie comme juste », et glisse qu’une « très légère augmentation » des cotisations patronales pourrait aussi « contribuer puissamment » à combler le déficit du système.
« Même pas le droit à la pénibilité »
Plusieurs salariés exerçant un métier pénible, interrogés par l’AFP, s’inquiètent d’arriver déjà usés à leur retraite.
Khemissa Khemissi, 52 ans, ouvrière dans un abattoir à Fleury-les-Aubrais, témoigne d’un « travail difficile car on est toute la journée debout dans le froid, avec parfois des journées de dix heures. Je commence à 5h40 le matin. On a mal aux épaules, au dos, aux pieds, aux jambes. On est fracassé et on n’a même pas le droit à la pénibilité ».
Roselyne Lecellier, 59 ans, aide-soignante au CHU de Nice dit que « faire 12 heures d’affilée, travailler les nuits et les weekends, ça vous fout en l’air au niveau santé ».
Sur la pénibilité, le ministre du Travail Olivier Dussopt assure avoir « répondu » aux syndicats réformistes avec « un suivi médical renforcé » pour les « risques ergonomiques ».
« Après le travail, c’est le cimetière »
Pour l’emploi des seniors, très bas en France, le gouvernement devrait mettre en place un index, avec obligation de négocier un accord en cas d’absence de communication sur cet outil.
Le gouvernement serait par ailleurs prêt à relever, lors du débat parlementaire, le minimum retraite à 1200 euros pour l’ensemble des retraités et pas seulement pour les nouveaux entrants.
Mais pour le patron de la CGT, Philippe Martinez, avec cette réforme, « on revient à ce qu’ont connu nos anciens, c’est-à-dire qu’après le travail, c’est le cimetière », alors qu’un quart des hommes les plus pauvres selon l’Insee sont déjà morts à 62 ans.
« La mesure d’âge est la plus dure de ces 30 dernières années », dénonce comme lui pour la CFDT Laurent Berger, elle « va toucher ces travailleurs que l’on avait qualifiés pendant le Covid de deuxième ligne, soit les travailleurs du maintien à domicile, de l’agroalimentaire, du bâtiment, de la livraison, du commerce ».
L’ensemble des syndicats se réunissent mardi soir pour annoncer une date de mobilisation.
Hormis LR, l’essentiel des oppositions sont contre. La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen assure qu’elle combattra « cette énième entente entre la macronie et LR » en défendant sa réforme des retraites à 60 ans voire 62 ans.
Au Parlement, le gouvernement espère ne pas utiliser l’article 49.3, vu comme un outil constitutionnel autoritaire, et compte sur le ralliement de la droite.
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a salué dimanche la volonté affichée par le président des LR Éric Ciotti de voter « une réforme juste » des retraites.
Stéphane Séjourné président de Renaissance a lui demandé aux oppositions de « jouer le jeu » sans faire de l’obstruction avec des dizaines de milliers d’amendements.
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