« C’est prématuré de parler d’un 49.3 ou de faire les comptes », explique, sans rire, un conseiller ministériel. De l’Élysée à l’Assemblée en passant par Matignon, les téléphones chauffent, les calculettes sont de sortie et les spéculations enflent sur le dénouement de la réforme des retraites.
Sans aucun doute, Élisabeth Borne a bien fait de reporter sine die le voyage à l’étranger envisagé jeudi prochain. C’est plus prudent : le 16 mars est la date programmée du vote de la réforme des retraites à l’Assemblée, en cas d’accord de la Commission mixte paritaire (CMP) députés-sénateurs qui se réunira mercredi.
Avant même la fin de l’examen du texte au Sénat, au plus tard dimanche soir, les tractations s’intensifient en coulisses et les conseillers parlementaires de l’exécutif s’agitent pour tenter de convaincre récalcitrants et sceptiques. Selon une source au sein de l’exécutif, une réunion se tiendra lundi à Matignon avec les parlementaires concernés pour préparer le conclave de la CMP, où les macronistes et la droite sont majoritaires.
C’est une équation à plusieurs inconnues que doit résoudre l’exécutif, qui aimerait éviter d’activer jeudi l’arme constitutionnelle du 49.3, qui ferait adopter le texte sans vote, mais résonnerait comme un passage en force.
Ce « serait un échec politique. Et ça réactive la rue », juge un ténor de la droite. « Si on est battu, ou si on fait le 49.3, ce sont des aveux de faiblesse qui vont marquer durablement sinon définitivement le quinquennat », s’inquiète un cadre de la majorité.
« Frondeuse et joueuse »
Combien de défections faut-il anticiper dans les rangs de la majorité ? Les députés concernés s’abstiendront-ils, ce qui abaisserait le seuil de la majorité à atteindre, ou se prononceront-ils contre le texte ?
Et combien de voix des députés Les Républicains seront-elles nécessaires, sachant que le groupe LR est profondément divisé ? « Vous avez ceux qui décideront de ne pas être là. Ceux qui auront envie d’aller pisser au moment du vote. Mais l’envie d’aller pisser, ça ne vous prend qu’une minute avant. On peut seulement essayer d’identifier ceux qui ont un problème de prostate… », ironise une source de la majorité au Palais Bourbon.
Quant à la majorité relative, « elle est de plus en plus frondeuse et joueuse », relève un opposant. Et l’entente entre les groupes Renaissance, MoDem et Horizons est loin d’être au beau fixe. Selon les derniers pointages de l’AFP, une petite dizaine de députés des trois groupes pourrait opter pour l’abstention.
Autre inconnue : la droite. Traditionnellement favorables à un report de l’âge légal de la retraite, Les Républicains ont été choyés par Élisabeth Borne, ce qui n’a pas empêché la surenchère dans l’hémicycle. « En termes de stratégie parlementaire, c’est quand même un exemple de ce qu’il ne fallait pas faire. Incompréhensible », juge sévèrement un cadre de la majorité.
Une marge suffisante pour soumettre le texte au vote ?
À cela s’ajoutent les dissensions entre les LR de l’Assemblée, dont les frondeurs, parmi lesquels le député Aurélien Pradié, n’ont eu de cesse de demander de coûteuses contreparties, et ceux du Sénat, bien plus attachés aux économies attendues de cette réforme. Charge pour les LR de s’accorder au sein de la Commission mixte paritaire. « Dire non en CMP si vous êtes LR, ce n’est pas seulement dire non au texte du gouvernement mais dire non au texte coécrit par LR » au Sénat, positive un ministre, pour qui la « chorégraphie diminue le risque de fronde » à droite.
À ce stade, entre 30 et 35 députés LR envisagent de voter le texte, une quinzaine de s’y opposer, et environ une dizaine de s’abstenir, selon une source interne. « Aujourd’hui, ça se joue à dix voix près », estime un cadre du parti. Une marge suffisante pour Emmanuel Macron et Élisabeth Borne pour décider de soumettre le texte au vote ? Ou jugée trop faible au point d’opter pour le 49.3 ? « On ne se met pas du tout dans l’optique du 49.3 », assure-t-on à Matignon. « Les émotions, les états d’âme, n’aboutiront pas à ce qu’il n’y ait pas de majorité. Le texte sera voté mais dans la douleur », veut croire un ministre.
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