« Il s’est carapaté par la fenêtre ! »: le gérant de ce bar à chicha de Lyon a filé dès que les agents des douanes sont entrés dans son établissement lors d’une opération visant à lutter contre les trafics illicites de tabac, en plein essor.
Vendu 230 euros le kilo chez le buraliste, le tabac à narguilé s’achète 70 euros place Gabriel-Péri – le « cœur du réacteur » selon un agent des douanes lyonnais – où pas moins de 50 revendeurs font leur beurre chaque jour.
Carole, agent des douanes, a déniché dans le micro-ondes du bar à chicha où elle intervient, deux sacs de tabac à narguilé « de contrebande », sous le regard tranquille d’un consommateur sexagénaire, imperturbable. « C’est une opération qu’on fait très souvent surtout aux abords de la place Gabriel-Péri, on sait que les gérants s’approvisionnent sur la place », souligne-t-elle.
Avec elle des policiers, mais aussi des agents des services fiscaux et ceux des contrôles d’hygiène. L’opération s’est déroulée cette fois dans le cadre national, initiée par les douanes et baptisée Colbert (du 31 mai au 6 juin). Plusieurs axes – bars à chicha, marchés, aéroports, péages routiers – sont ciblés dans les principaux bassins du trafic de tabac.
Le bilan national, dévoilé jeudi par le ministre délégué chargé des Comptes publics Gabriel Attal, fait état de plus de 1100 infractions et saisies relevées (contre 600 en moyenne) par les 5172 agents mobilisés (dont 2866 douaniers) en une semaine. Sur les 712 vols contrôlés dans les 11 aéroports métropolitains, 700 kg de tabac ont été saisis. Cent cinquante points de deal (sur 525 identifiés) ont été évacués en zone urbaine et 43 commerces (sur 450 identifiés) feront l’objet d’une fermeture administrative.
Le paquet de cigarettes vendu 5 euros
À Lyon, sur une journée, une vingtaine d’agents ont ainsi contrôlé quatre bars à chicha et une épicerie pour un butin plutôt maigre ; la nouvelle de leur présence s’est vite propagée dans le quartier. Mais pour Carole et ses deux collègues douaniers, « ces contrôles sont très importants, sur la place Gabriel-Péri, mais aussi pour que les habitants nous voient ».
Sur cette place bondée, un revendeur est appréhendé après avoir été repéré par un policier. Carole, en tant que douanière, a un pouvoir de transaction contrairement à la police, peut verbaliser cet homme. Il a sur lui 435 euros, ce qui devient le montant de l’infraction.
Proche de l’interpellé, un homme vocifère dans une autre langue que le français. « C’est lui le vendeur », souffle un agent des douanes. « Ils sont généralement 4 ou 5, ils sont approvisionnés au fur et à mesure par des gars à vélo. Avant on faisait 20, 30 kilos. Aujourd’hui si on fait 1,5 kilo… ».
Le trafic de tabac grimpe au gré de la hausse des prix. Sur le marché de la contrebande, un paquet de cigarettes est vendu 5 euros quand il coûte au minimum 11 euros depuis le 1er mai chez un buraliste. Une légère hausse sur le marché noir a même été relevée « ces derniers temps avec un paquet à 5,5 euros », glisse une agente.
Les prix augmentent, les marchés parallèles explosent
« C’est un phénomène qui va aller en s’accentuant dans la mesure où les États européens et notamment la France alourdissent le prix du tabac. Depuis que les prix augmentent, les marchés parallèles explosent. Nous, on est envahi », relève Aline, chef d’équipe des douanes à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, pour qui c’est « un peu tous les jours Colbert ».
Dans cet aéroport aux onze millions de passagers annuels, les douaniers ont l’œil ce jour-là sur les vols en provenance d’Istanbul et d’Alger, deux villes où les cigarettes sont à bas prix. La cartouche en France est à 110 euros, elle est achetée 20 euros dans certains pays. « Vous imaginez la culbute qu’ils font par cartouche ! », lance Aline, qui fouille les valises et trouve du tabac dans les emballages alimentaires, les poches des vêtements ou encore les fruits et légumes.
La tentation est grande de ramener plus d’une cartouche, la quantité légale. Mazari, un Algérien de 40 ans, a quatre cartouches sur lui. « Je suis toujours passé avec quatre cartouches », dit-il. Cette fois, ça n’est pas passé; Mazari n’a pas voulu s’acquitter des taxes – 95 euros par cartouche – et sa marchandise a été saisie. En 2022, près de 4 tonnes de tabac entrées frauduleusement ont été saisies à l’aéroport de Lyon.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.