MONTRÉAL – Le risque géopolitique est élevé bien que tout semble bien aller sur les marchés boursiers américains. Il est toutefois important d’évaluer les grandes tendances, comme la « démondialisation » et la transition économique chinoise sur les prix des actifs et l’inflation.
La volatilité – le degré d’appréhension dans le marché qui peut être mesuré par le VIX (volatilité S&P 500) – est extrêmement basse. En même temps, il y a un niveau plus élevé d’incertitude économique reliée aux politiques ; les investisseurs ont peu confiance que les gestes imminents des gouvernements vont fonctionner.
« C’est un peu déconcertant de voir à quel point ces deux [facteurs] sont désengagés l’un de l’autre », a mentionné Lisa Emsbo-Mattingly, directrice de recherche chez Fidelity Investment, lors du Forum économique international des Amériques le 12 juin.
Alors qu’il semble que le monde se dirige vers une période synchronisée de croissance économique, la géopolitique ou les facteurs non reliés au marché – tels que le vieillissement de la population et l’augmentation des inégalités – provoquent des turbulences.
La diversification a toujours été cruciale pour les investisseurs afin d’absorber les hausses et les baisses du marché et atteindre leurs objectifs financiers. Dans les périodes de stress du marché, les prix des actifs tendent à bouger ensemble (corrélation accrue) et il devient coûteux de changer le portefeuille de placements en raison des coûts plus élevés pour acheter et vendre (moins bonne liquidité).
Nous sommes inquiets que l’Asie de l’Est soit la poudrière du XXIe siècle.
– Marko Papic, vice-président principal, stratégie géopolitique, BCA Research
Vers l’intérieur
La mondialisation a distribué la croissance économique vers les marchés émergents et frontaliers, ainsi l’hégémonie américaine a été érodée, affirme Marko Papic, vice-président principal de la stratégie géopolitique chez BCA Research, une firme d’investissement indépendante de Montréal établie en affaires depuis 68 ans.
« En regardant l’histoire, nous savons que lorsque plus de pays disent et font ce qu’ils veulent, le monde est moins stable », estime M. Papic. « Aujourd’hui, nous avons le plus grand nombre de conflits se déroulant au même moment. »
La Chine cherche à combler le vide laissé par les États-Unis alors que l’ordre établi de l’après-guerre froide s’effondre. Sous Donald Trump, la chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré que les États-Unis ne peuvent plus être un partenaire fiable.
Le Canada compte aussi jouer un rôle plus important sur la scène internationale, si l’on se fie aux récents commentaires de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.
« Nous sommes inquiets que l’Asie de l’Est soit la poudrière du XXIe siècle », indique M. Papic. La symbiose économique entre la Chine et les États-Unis est au mieux précaire.
Dans un monde plus multipolaire, M. Papic estime que ce seront les petites et moyennes entreprises qui prospéreront davantage par rapport aux grandes multinationales qui ont pris leur envol avec la mondialisation.
« Toute économie, tout secteur ou titre particulier qui puise la majorité de sa demande finale au sein de la juridiction où il est domicilié sera le thème [d’investissement] dans les 15 à 20 prochaines années », affirme M. Papic.
Savoir ce qui se passe en Chine est plus important que jamais.
– Paul Podolsky, associé, Bridgewater Associates
Le facteur chinois
« Les fluctuations dans l’économie mondiale sont provoquées par les fluctuations dans l’économie chinoise », mentionne Paul Podolsky, associé chez le fonds spéculatif Bridgewater Associates.
Le boum chinois a été rendu possible grâce à sa main-d’œuvre abondante et bon marché, mais c’est moins le cas aujourd’hui. Sa récente accumulation rapide de dettes a stimulé l’économie mondiale.
Le problème est que de nombreuses économies – celles du Canada, de l’Afrique du Sud, de l’Australie, du Brésil – dépendent du fait que la Chine continue de souscrire à un modèle économique alimenté par le crédit. Toutefois, si les autorités chinoises sont en mesure de réussir la transition difficile d’un modèle d’investissement soutenu par l’emprunt vers un modèle de consommation domestique, ce sera douloureux pour les marchés émergents et les économies basées sur les produits de base.
« Leur économie intérieure, ça doit vraiment être réglé avant de penser à la domination mondiale », dit M. Papic au sujet de la Chine, qui tiendra son 19e congrès du Parti communiste à l’automne.
Le Fonds monétaire international (FMI) a révisé sa prévision du PIB chinois pour une croissance de 6,7 % en 2017. La prévision précédente était de 6,6 %. La croissance du crédit chinois a ralenti en mai en raison d’une supervision accrue des décideurs.
« Savoir ce qui se passe en Chine est plus important que jamais », croit M. Podolsky. Selon lui, les prévisions à court terme semblent bonnes – au moins, l’accumulation rapide de dettes est libellée dans sa propre devise et il est possible d’imprimer davantage.
L’or va alors réaliser son rôle de refuge.
– Marko Papic, vice-président principal, stratégie géopolitique, BCA Research
Le fantôme de l’inflation
Avec la mondialisation, la production s’est déplacée vers des sources de main-d’œuvre meilleur marché, comme la Chine et autres marchés émergents. Une des raisons expliquant la vague populiste est l’échec de la mondialisation à augmenter les revenus de la classe moyenne dans des pays développés comme les États-Unis et le Royaume-Uni.
Le ministre canadien des Finances, Bill Morneau, a visé à aider la classe moyenne dans ses deux budgets. « Nous devons nous pencher sur le sentiment d’anxiété qui habite les gens », a-t-il dit en discutant le rejet du statu quo démontré par le vote Brexit, l’élection de Donald Trump et le retour des libéraux au pouvoir au Canada en 2015.
Tandis que l’économie s’éloigne du sommet de la mondialisation, le risque de l’inflation grandit. Si la liberté de mouvement du capital et de la main-d’œuvre est restreinte, les coûts de production augmentent et les prix suivent.
« Notre opinion est que nous sortons d’une période déflationniste et entrons lentement mais sûrement dans une période inflationniste », estime M. Papic. « L’or va alors réaliser son rôle de refuge. »
Les marchés boursiers sont dans un scénario « Goldilocks », soutenus par de bas taux d’intérêt, une basse inflation, de bons revenus pour les entreprises et une faible menace de récession imminente.
« Je ne dirais pas qu’il y a beaucoup de complaisance dans le marché. Le VIC reflète un marché très exubérant », indique Mme Emsbo-Mattingly, ajoutant que la reprise émanait de la reprise chinoise, qui a été positive pour les actions cycliques à travers le monde.
« Mon inquiétude est que nous sommes au maximum de la valeur et de la croissance. Beaucoup de choses ne peuvent faire mieux », a-t-elle indiqué.
Version originale : Geopolitical Risks Threaten Exuberant Stock Market
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