La Riviera suisse ou la mer à la montagne…

avril 11, 2016 4:30, Last Updated: avril 11, 2016 4:33
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Pays de montagnes avec une concentration de sommets élevés, la Suisse n’en est pas moins riche en plans d’eau, près de 1500, dont la plupart en altitude sont d’un bleu tellement limpide que le ciel s’y noie volontiers. C’est aussi en Suisse que s’étire le plus grand lac d’eau douce européen. Niché entre le Jura et les Alpes, le lac Léman donne même l’illusion d’horizons lointains aux marins d’eau douce qui le parcourent. Les Helvétiques ont tôt compris que ses rives enchanteresses pouvaient concurrencer d’autres plages méditerranéennes et ce n’est pas pour rien que l’on vient en vacances sur la Riviera suisse…

Avec sa double nationalité franco-suisse, le lac Léman offre un environnement naturel exceptionnel avec, côté français, toute la dramaturgie des hauts sommets alpins dont certains sont couverts d’un manteau de neige éternelle : les dents du Midi, la dent d’Oche, le Grammont et même le mont Blanc, le toit des Alpes. Côté helvétique, les vignobles du Lavaux sculptent depuis des siècles des coteaux très inclinés. À perte de vue, les ceps soigneusement alignés montent à l’assaut de collines arrondies.

Le lac Léman est un spectacle

Bleu outremer en hiver, vert émeraude en été, le lac n’a cessé de séduire les artistes et les poètes depuis que les jeunes aristocrates britanniques venaient se poser sur ses rives au cours du fameux Grand Tour qu’ils empruntaient à la découverte de l’Europe, un voyage initiatique qui entraînait des élites soucieuses de parfaire leur éducation, mais aussi de nombreux artistes. Lord Byron, Percy Shelley, Turner, Gustave Courbet, Rousseau, Lamartine pour ne citer qu’eux, tous ont chanté avec leur pinceau ou leur plume le lac Léman comme s’il était le miroir de l’âme humaine, un gigantesque réservoir de douce mélancolie.

C’est qu’on ne se lasse pas de le regarder. Quand on choisit de saisir le lever du soleil, on se laisse surprendre par le silence qui pèse sur le lac assoupi jusqu’à ce que le soleil balaie la brume comme s’il ouvrait les rideaux d’une scène pour découvrir le spectacle de la vie qui fourmille sur la rive. Souvent subsistent de minces écharpes ou alors des ceintures laineuses qui rayent les contreforts des Alpes. Le soir, une vapeur rose cache des pans entiers de la montagne et une poussière d’or descend sur le lac. Le crépuscule absorbe les dernières voiles qui rentrent au port et allume de longs couchers de soleil flamboyants qui se dissolvent tard dans une nuit mauve propice à aspirer toutes nos émotions.

Le petit bourg de Cully, les pieds dans l’eau et la tête dans les vignes, est une halte idyllique. (Charles Mahaux)

Lausanne, la seule ville suisse à accueillir un métro !

Née sur un coteau escarpé entre des forêts et le lac, Lausanne s’est d’abord déployée sur trois collines cernées par des ravins creusés par les rivières du Flon et de la Louve, aujourd’hui recouvertes et canalisées. Entre le lac et la cathédrale gothique qui trône au sommet du quartier de la Cité, on gravit ou on dévale 200 mètres de dénivellation. Autant de marches à grimper faisaient dire qu’on trouvait à Lausanne les filles aux jambes les mieux galbées du pays à cause des éternelles montées et descentes. Aujourd’hui, des ponts ont été jetés entre les collines, des tunnels creusés, des ascenseurs et des passerelles aménagés pour faciliter la circulation, sans oublier le métro qui relie le port de Ouchy jusque dans les campagnes, au nord de Lausanne.

Ville verte avec ses 36 habitants au km2, Lausanne décline tout un art de vivre. Au cœur de la vieille cité médiévale qui s’étend au pied de la cathédrale, on s’offre un voyage à rebours dans le temps : palaces à tourelles, villas à clochetons, ruelles pavées et escarpées, multiples gargouilles, petites places animées, etc. Plus au nord, les campagnes, à savoir les anciennes maisons de notables nichées au cœur de terrains champêtres, sont aujourd’hui le poumon vert de la ville. L’Hermitage dont le seul nom évoque Jean-Jacques Rousseau est un lieu bucolique invitant à la flânerie. Ici, le panorama sur la cité avec, en toile de fond, le lac et les montagnes inspire bien des rêveries.

Plus au sud, les anciens entrepôts du Flon ont été investis par la culture et la vie nocturne. Entièrement réaménagés avec certaines audaces architecturales, le quartier qui abrite autant de galeries que de restaurants et de bars est devenu le lieu tendance de Lausanne. Le petit port d’Ouchy doit beaucoup au chemin de fer, car Lausanne était une étape sur la ligne de l’Orient-Express. Avec le développement du tourisme, c’est sur les quais d’Ouchy que se sont construits les plus beaux palaces, les plus beaux hôtels, les plus belles avenues. La promenade le long du lac est le lieu de rendez-vous très prisé des Lausannois qui admirent les nombreux bateaux de plaisance qui s’arriment au port ou flânent jusqu’au parc paysager du Musée Olympique qui s’étage en pente douce sur les coteaux et offre de superbes points de vue sur le lac et les Alpes savoyardes en arrière-plan.

Une longue promenade fleurie au bord du lac mène de Vevey par Montreux vers le château de Chillon. La belle station de Montreux offre de belles pauses au bord du lac. (Charles Mahaux)

Lavaux, la terre des trois soleils

Installé sur l’adret des Préalpes vaudoises, le vignoble du Lavaux est un incroyable capteur solaire. C’est que le lac Léman agit ici comme un vaste miroir qui réfléchit sur les coteaux la chaleur des journées d’été accumulée par les murs de pierres qui la redistribuent durant la nuit. Depuis le port d’Ouchy, on distingue déjà les longues parcelles de vignes qui s’étagent en gradins. Au total à peine 890 hectares distribués sur une trentaine de kilomètres entre Lausanne et Vevey, mais ils forment le plus grand vignoble d’un seul tenant de Suisse avec, en sus, une vue incomparable sur l’éparpillement des hameaux viticoles, le lac et les montagnes.

L’UNESCO a été séduite par le site et l’a classé « paysage culturel » en 2007. S’il est vrai que la route qui grimpe entre les coteaux pentus offre des panoramas hors pair, ceux-ci sont chargés d’histoire, celle de l’interaction pluriséculaire entre les hommes et leur environnement pour développer une économie locale de qualité. Sans doute les Romains y avaient déjà planté les premières vignes, mais ce sont les moines cisterciens au XIIe siècle qui prennent l’initiative de la construction de terrasses superposées, soutenues par des murets. Étagées entre 375 et 620 mètres, les vignes s’étirent en longues lignes parallèles au lac. Les pentes raides sont assurées par une dizaine de milliers de terrasses elles-mêmes soutenues par des murs de pierres sèches acheminées par bateau depuis la rive d’en face.

La Riviera avec ou sans paillettes…

Après l’éparpillement des hôtels de luxe et de jolies pensions à Ouchy, la route suit la rive du lac d’un village viticole à l’autre, dont chacun est un petit port avec son embarcadère, sa jetée de grosses pierres, son quai ombragé de platanes, ses jardinières fleuries, ses bateaux, ses mouettes et même ses cygnes. Puis Vevey, dont la vielle ville pavée n’est qu’une dense concentration d’hôtels, de restaurants et de magasins. C’est ici que Nestlé a installé son siège, c’est ici aussi qu’a été créé le premier chocolat au lait du monde et surtout c’est ici que Charlie Chaplin a passé les 25 dernières années de sa vie. En effet, il avait acquis le manoir de Ban sur les hauteurs de la ville avec une vue imprenable sur les Alpes. Avec le soutien et le regard critique des huit enfants de Charlie Chaplin et avec l’apport financier d’une fondation, la maison tout comme le parc sont entièrement réhabilités pour y créer un musée. La visite du manoir permet de pénétrer l’intimité de la vie de la famille dans son décor d’origine. Un nouveau bâtiment a jailli du sol pour y installer un hall d’expositions au style résolument hollywoodien qui plonge le visiteur dans le monde fantastique du scénariste, musicien, acteur, danseur et monteur qu’était Charlie Chaplin. Véritable voyage dans le temps depuis les origines modestes londoniennes jusqu’aux incroyables décors qui déclinent une trentaine d’espaces invitant au rire et à l’émotion, tous inspirés par l’écriture et les images de l’artiste.

Site romantique par excellence, le château de Chillon est construit sur un îlot rocheux du lac, adossé à une pente abrupte. (Charles Mahaux)

Enfin Montreux, la perle de la Riviera vaudoise, dont la réputation internationale n’a jamais failli depuis le XIXe siècle, à l’époque où Lord Byron attire à sa suite de nombreux visiteurs qui arrivent ici en train ou avec le bateau à vapeur. Les splendides hôtels Belle Époque n’ont rien perdu de leur charme et, durant toute l’année, clientèle huppée, célébrités et autres touristes étrangers aiment à fréquenter les lieux particulièrement sûrs et animés qui évoquent un petit Monaco. Les quais ensoleillés, les jardins élégants, les nombreuses statues qui évoquent les visiteurs de jadis, tout inspire à une rêverie bienheureuse. La promenade au bord de l’eau mène immanquablement au château de Chillon, une forteresse médiévale posée sur l’eau et amarrée à une berge boisée. Muraille côté lac, mur d’enceinte côté terre, chemin de ronde, meurtrières, mâchicoulis, cours successives qui protègent le donjon, le château était inexpugnable, mais il fut aussi une résidence princière qui a conservé de vastes salles d’apparat ornées de fresques et d’armoiries. Une autre balade mène à plus de 2000 mètres aux Rochers-de-Naye, pour y découvrir les marmottes, mais aussi un splendide panorama sur les Alpes suisses et françaises avec en creux toute l’étendue bleue du lac Léman sillonné par des bateaux de croisière.

Infos pratiques

Infos : Suisse Tourisme a lancé en 2015 le Grand Tour de Suisse, à l’image du Grand Tour mythique qu’empruntaient au XVIIIe siècle les jeunes aristocrates britanniques à la découverte de l’Europe avec pour destination finale l’Italie, tout cela pour parfaire leur éducation. Un voyage d’un an qui, à la suite de Lord Byron, les menait entre autres sur les rives du lac Léman. Le Grand Tour version moderne propose de suivre en voiture ou en train, selon le rythme qui sied à chacun, un large itinéraire qui dessine une boucle de quelque 1600 km, avec pas moins de 11 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco, en longeant une vingtaine de lacs et en franchissant cinq cols alpins. Entre villes et villages, entre monuments et paysages, autant d’étapes qui racontent tout le savoir-faire suisse et la beauté naturelle parfois spectaculaire de ce pays. Le lac Léman et sa riviera en est une étape incontournable.

Le musée Chaplin’s World Un musée à vocation internationale qui proclame déjà qu’il ne serait jamais un parc d’attractions version Disney, mais un hommage au plus fabuleux des acteurs qui a révolutionné le 7e Art. Ouverture prévue en 2016.

Un caviste parmi d’autres, le Clos de la République, la plus ancienne entreprise familiale de Suisse (qui en est à la treizième génération !) et un des plus grands domaines de Lavaux. Excellent endroit pour tout apprendre sur le chasselas, le cépage roi de la région. Sa maison vigneronne niche au cœur du village d’Epesses et offre une agréable terrasse, véritable balcon avec vue plongeante sur le lac.

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