ENVIRONNEMENT

La rivière des Mille Îles : une petite rivière qui en mène large

août 9, 2016 4:23, Last Updated: août 9, 2016 4:23
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La rivière des Mille Îles est le plus petit des quatre exutoires du lac des Deux Montagnes qui est un élargissement de la rivière des Outaouais. Du long de ses 42 km qui scindent l’île Jésus (Laval) de la couronne nord de Montréal, son faible dénivelé en fait une rivière assez tranquille. Sa centaine d’îles et ses plaines inondables offrent refuge à une grande diversité biologique : 200 espèces d’oiseaux, 40 espèces de mammifères, 25 espèces de reptiles et amphibiens et 60 espèces de poissons, peut-on lire dans un rapport de la Communauté urbaine de Montréal. Peu profonde, sécuritaire et accessible, ce cours d’eau accueille chaque année environ 150 000 citadins tant pour le canotage que pour la pêche blanche. « C’est un sanctuaire en milieu urbain, un musée grandeur nature ! », s’exclame Fabienne Dupont, responsable des communications à Éco-Nature, Parc de la Rivière-des-Mille-Îles.

Toutefois, cette petite rivière subit une forte pression. Neuf municipalités la bordent et cinq usines d’eau potable y prélèvent leurs eaux pour alimenter plus de 400 000 personnes en eau potable. « C’est une petite rivière qui approvisionne une quantité phénoménale de gens ! », relève Elsa Dufresne-Arbique, directrice du Conseil des bassins versants des Mille Îles (Cobamil). Et ça continue : la couronne nord connaît une des plus grandes croissances démographiques du Québec : 23,7 %, de 2001 à 2011, selon Statistiques Canada (c. 17,1 % et 4,1 % pour les îles de Laval et Montréal).

Or, à plusieurs reprises au cours des dernières années, les citoyens auraient pu manquer d’eau : « En 2001, il y a eu une grande sécheresse, le débit est descendu à près de 13,5 m3/s. Ça a été compliqué cette année-là », se rappelle Mme Dufresne-Arbique. À l’époque, le Centre d’expertise hydrique du Québec a dû intervenir en vidangeant des eaux de deux réservoirs du bassin versant de la rivière des Outaouais pour assurer un débit minimal de 25 m3/s dans la rivière des Mille Îles.

Le nom de cette tortue (Graptemys geographica) fait référence aux motifs sur sa carapace qui rappellent les courbes de niveau d’une carte topographique. Au Québec, son statut est jugé vulnérable. (Anaïs Boutin)

Mais dix ans plus tard, la rivière a connu un second épisode d’étiage extrême : « 2010 et 2011 ont vraiment été des années très, très sèches. En 2010, on a atteint un record de 11,4 m3/s dans la rivière des Mille Îles. Or, à partir de 9 m3/s, ça devient compliqué de produire de l’eau potable. Ça a été une année très à risque de manquer d’eau », poursuit Mme Dufresne-Arbique. Cet épisode a conduit le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) à écrêter certains seuils pour permettre à plus d’eau du lac des Deux Montagnes de s’écouler dans la rivière.

La belle époque

Vers la fin du 19e siècle, la rivière des Mille Îles était un lieu de villégiature privilégié des Montréalais. Ces derniers s’y rendaient en train pour la baignade, de la gare de Rosemère ou de celle de Sainte-Rose : « Il y avait des plages partout, des milliers de personnes venaient se baigner », relate M. Jean Lauzon, directeur des programmes de mise en valeur et cofondateur d’Éco-Nature. Or, « à partir de 1965, avec le grand nombre d’automobiles, la construction de l’autoroute 15, l’industrialisation, etc. [les banlieues près de Montréal se sont développées], les égouts ont été déversés directement dans la rivière. Donc, les plages et les chalets ont fermé. Les gens sont allés plus au nord. Il y a eu une expansion de chalets dans les Laurentides à partir de ce moment-là », explique M. Lauzon.

La rivière des Mille Îles n’est d’ailleurs pas un cas particulier. Vers la fin des années 1970, l’absence de station d’épuration des eaux usées caractérisait presque tout le Québec, les cours d’eau de la portion méridionale affichaient un état de détérioration avancée, peut-on lire sur le site du MDDELCC. En 1978, le gouvernement du Québec lance un vaste programme d’assainissement des eaux qui oblige les industries, municipalités et producteurs agricoles à améliorer leurs pratiques. En 1985, la station d’épuration de Montréal est construite, suivie de celles de la couronne nord au cours des années 1990.

Selon le site du Parc de la rivière des Mille-Îles, la tortue serpentine (Chelydra serpentina) se reconnaît, entre autres, par les plaques en dent de scie sur sa queue et sa carapace souvent recouverte d’algues. Au Canada, notamment en raison de la perte de son habitat naturel, son statut est jugé préoccupant. Elle peut vivre plus de 100 ans. (Claire Lacroix)

« Quand j’ai commencé à travailler au Parc-Nature, je me promenais en canot dans des déchets. Ça sentait l’égout, il y avait des goélands partout », se rappelle M. Lauzon. Or, aujourd’hui, la qualité de l’eau s’est indéniablement améliorée. D’ailleurs, la teneur en coliformes fécaux est d’environ 50 fois inférieure à celle de l’époque, et des espèces plus sensibles à la qualité de l’environnement y sont plus présentes : « Le canard branchu (huppé), il y en avait moins dans les années 1990. Maintenant, il y en a beaucoup. Un oiseau exceptionnel, très beau. Le grand héron, il y en a de plus en plus. Le castor, le vison, la loutre aussi… ce sont des indications que la qualité de l’eau s’améliore », contemple M. Lauzon.

Des efforts restent à faire

Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que la rivière regagne son lustre d’antan : « La situation s’améliore, mais on n’est pas rendu à la baignade », avise M. Lauzon. En effet, particulièrement lors de fortes pluies, les stations d’épuration, qui n’ont pas de bassin de rétention, ne peuvent traiter le grand volume d’eau qui s’y achemine, et les eaux usées combinées aux eaux pluviales sont directement déversées à la rivière. « C’est une détérioration temporaire [de la qualité de l’eau]. Jusqu’à ce qu’il recommence à faire beau », rassure M. Lauzon.

Selon le territoire drainé, le type de pollution et leurs enjeux diffèrent : « Dans la partie nord de notre territoire, les rivières qui se jettent dans la rivière des Mille Îles sont pour la plupart en zone agricole et donc, c’est plus une pollution causée par les fertilisants, les pesticides et l’érosion des sols », explique Mme Dufresne-Arbique. Alors qu’en zone urbaine, la minéralisation des sols limite la rétention et la filtration des eaux de pluie. La densité de population, combinée à certains « mauvais comportements », entraîne parfois une surconsommation de la ressource : remplissage des piscines, arrosage des plates-bandes, mais aussi le nettoyage des entrées au boyau d’arrosage… D’ailleurs, dans certaines municipalités, la consommation d’eau peut tripler pendant l’été, selon un rapport du Cobamil. Il est donc important de sensibiliser les citoyens en plus d’imposer des mesures restrictives d’arrosage.

Que nous réserve le futur ?

Selon l’Atlas hydroclimatique du Québec méridional, pour l’horizon 2050, il est probable que les rivières connaîtront des étiages plus longs et plus sévères. En ce qui concerne la rivière des Mille Îles, les objectifs des travaux d’écrêtage auraient été atteints et le débit de la rivière se maintiendrait, selon un ingénieur du service de l’expertise hydrique du MDDELCC joint par courriel par Epoch Times. Ce fut même le cas au cours de l’été 2012 qui aurait connu un étiage encore plus critique que ceux observés auparavant. « Il n’y a plus de risque en ce moment pour l’approvisionnement en eau potable. Je maintiens le “pour le moment”. Parce qu’avec la croissance démographique, la surconsommation, les changements climatiques, etc., il reste un risque potentiel », met en garde Mme Dufresne-Arbique.

C’est un sanctuaire en milieu urbain, un musée grandeur nature !

Fabienne Dupont, responsable des communications à Éco-Nature, Parc de la Rivière-des-Mille-Îles

Pour gérer la ressource adéquatement, la concertation sera de mise : « Il faudra amener la Ville de Laval et les villes de la couronne nord qui ont des usines de traitement d’eau potable et usées à regarder la ressource collectivement et à travailler ensemble pour la protéger. C’est vraiment ça l’approche par bassin versant et c’est là-dessus que le Cobamil va plancher à court et moyen terme », affirme la directrice.

Quant à l’organisme Éco-Nature, ce dernier gère 26,2 hectares de refuge faunique depuis 1998 et envisage actuellement d’agrandir cette superficie de manière à préserver davantage l’intégrité de la rivière. « Pour s’assurer de préserver la qualité de l’eau et la qualité d’expérience sur la rivière, il est fort important de protéger tout ce qui reste de milieu naturel. C’est déjà très urbanisé. Les rives, les bandes riveraines, les marais, les marécages sont des écosystèmes qu’il est impératif de conserver », soutient M. Lauzon. En effet, filtration des eaux, refuge pour la faune, prévention des inondations, etc. ; les milieux humides procurent des biens et services écologiques à la société qu’il est primordial de conserver, peut-on lire sur le site du MDDELCC. « La rivière des Mille Îles est très belle, la situation s’améliore, continuons dans cette direction ! », conclut M. Lauzon.

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