ENTRETIEN – Le porte-parole d’Alliance Police nationale, Rudy Manna répond aux questions d’Epoch Times sur la haine anti-policiers et la violence chez les jeunes.
Epoch Times – La semaine dernière à Nice, deux policiers qui n’étaient pas en service ont été passés à tabac par plusieurs individus. Que sait-on du profil des agresseurs ? Où sont-ils à l’heure actuelle ?
Rudy Manna – Dans la nuit du 12 au 13 décembre dans le vieux Nice, deux agents de police ont effectivement été agressés par un groupe d’individus. Ils ont eu quatre jours d’incapacité totale de travail (ITT). Heureusement, grâce à l’intervention des services de police, les agresseurs en question ont été interpellés peu de temps après les faits.
Ensuite, ils ont été convoqués en comparution immédiate, mais celle-ci ne pouvait pas se tenir avant le mardi 17 décembre. Ainsi, les magistrats ont décidé de ne pas les incarcérer jusqu’à ce jour, et de les convoquer sous contrôle judiciaire. Ces derniers se sont donc tous présentés mardi à l’audience. Malheureusement, leurs avocats ont demandé un report de l’audience pour préparer le dossier. Les magistrats ont donc placé trois des cinq individus, les plus virulents à l’égard de nos collègues, sous mandat de dépôt en attendant l’audience qui aura finalement lieu le 14 février prochain.
Je regrette qu’ils n’aient pas été placés directement en détention provisoire après leur interpellation, dans l’attente de la comparution immédiate. Il aura fallu attendre trois jours !
Dans l’ensemble, à Alliance Police nationale, nous sommes plutôt satisfaits de la manière dont cette affaire a été gérée jusqu’à présent, mais nous estimons qu’à partir du moment où un individu participe, même de loin, à l’agression d’un policier en ne lui portant pas secours quand il est frappé par l’un de ses amis, il doit être condamné à de la prison ferme. C’est la raison pour laquelle, nous prônons des peines de prison courtes.
D’ailleurs, ces peines devraient aussi exister pour sanctionner non seulement ceux qui attaquent les policiers, les gendarmes etc. mais aussi les professeurs, les médecins ou encore les infirmiers. C’est-à-dire toutes ces professions qui constituent cette digue républicaine permettant à l’État, encore aujourd’hui, d’exister et de rester debout.
Sur X, vous avez réagi à cette agression en dénonçant une « haine anti-flic ». Cette haine des policiers s’est-elle banalisée chez ces individus ces dernières années ?
Il y a toujours eu de la haine anti-policiers, mais la différence étant qu’aujourd’hui, elle s’extériorise physiquement. Il y a une quinzaine d’années, on ne voyait pas d’individus s’en prendre à des fonctionnaires de police quand ils savaient qu’ils étaient policiers. Ils craignaient les conséquences de tels actes.
Mais depuis environ cinq ans, on a affaire à des personnes totalement décomplexées qui n’ont absolument plus peur de la sanction judiciaire. En réalité, ils ne prennent plus l’État au sérieux. Pour eux, il est d’une faiblesse absolue, et donc, ils se croient au-dessus des lois et savent pertinemment qu’attaquer des policiers ne leur coûtera rien.
D’ailleurs, au regard du traitement de certaines affaires, on peut penser qu’ils n’ont pas nécessairement tort. Il est souvent arrivé que des agresseurs de policiers ne soient pas condamnés à de la prison ferme.
La situation est grave aujourd’hui : 40 agents de police sont blessés par jour en France, soit plus de 15.000 par an, dont 6.000 volontairement. Ils le sont hors-service comme à Nice, mais beaucoup sont blessés en service à la suite d’interpellations ou de refus d’obtempérer où des individus n’hésitent pas à foncer sur eux. C’est hallucinant ! Voilà où en est la société aujourd’hui.
Ce mardi, devant le lycée Rodin du 13e arrondissement de Paris, un adolescent de 16 ans a été tué à l’arme blanche à la suite d’une rixe. Les jeunes sont toujours plus concernés par cette violence.
Nous assistons à une forte augmentation de la délinquance des mineurs. Mais cette délinquance explose parce que la société elle-même est en pleine déliquescence : les enfants sont déscolarisés et sont récupérés à 12-13 ans par les narcotrafiquants, alors que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans en France !
Pour combattre ce fléau, nous disposons d’un code de la justice pénale des mineurs entré en vigueur en 2021 après l’abrogation de l’ordonnance relative à l’enfance délinquante de 1945, mais elle n’a pas apporté de changements majeurs.
Certes, un mineur est désormais convoqué plus rapidement, mais ce n’est pas suffisant. À Alliance Police nationale, nous demandons que la majorité pénale soit abaissée à 16 ans. C’est une vraie réponse. Je peux entendre que des mineurs ne soient pas placés dans les mêmes prisons que les majeurs, mais construisons alors des centres éducatifs fermés pour ces jeunes individus.
Je pense également qu’il y a un travail important à effectuer en matière de responsabilisation des parents. Pourquoi ne sanctionnons-nous pas les parents quand leurs enfants créent des problèmes sur la voie publique ? La question doit être posée. Il y aurait certainement une prise de conscience des parents à travers la suppression des prestations sociales ou des peines de prison prononcées contre leurs enfants.
Selon la Préfecture de Police, les affrontements entre bandes ont augmenté de 6 % en 2024 dans l’agglomération parisienne. Les politiques sécuritaires mises en œuvre aujourd’hui ne suffisent-elles plus ?
Les politiques sécuritaires ne suffisent plus à partir du moment où elles ne sont pas assez fermes et qu’on ne contribue plus à rendre l’État plus fort.
Concernant ces phénomènes de bandes, ils sont beaucoup plus marqués en région parisienne qu’ailleurs. À Marseille ou Lyon, tout n’est pas parfait, mais il y en a très peu. Mais à travers ces bandes, nous sommes rentrés dans un phénomène de sud-américanisation.
C’est-à-dire que les jeunes ont une existence sociale qu’à travers la bande à laquelle ils appartiennent. Quand ils intègrent une bande, ils sont en bas de l’échelle, puis, ils montent en grade. Ainsi, ces jeunes ont le sentiment d’appartenir à une société parallèle.
Cette situation dramatique laisse penser que l’État n’est plus du tout au niveau face à ces voyous.
Le ministre de l’Intérieur sortant Bruno Retailleau a employé une rhétorique ferme depuis son arrivée à la place Beauvau. Souhaiteriez-vous qu’il soit renommé dans le gouvernement Bayrou ?
Tous les propos que tient Bruno Retailleau depuis son arrivée à la place Beauvau vont dans le sens de ce que prône notre syndicat depuis des années.
Maintenant, nous attendons des actes. Malheureusement, il n’a pas réellement eu le temps de mettre en œuvre un certain nombre de mesures. Il n’a été que trois mois aux commandes ! C’est pourquoi je pense que nous avons besoin de stabilité. L’instabilité au ministère de l’Intérieur n’est jamais une bonne nouvelle pour les agents de police.
De plus, un policier a besoin d’une incarnation, et seul le ministre de l’Intérieur peut l’avoir. Ce n’est pas pour rien qu’il est surnommé le « premier flic de France ». À l’inverse, le garde des Sceaux n’est pas surnommé le « premier magistrat de France ». Il y a une vraie différence d’incarnation. La reconduction de Bruno Retailleau au poste de ministre de l’Intérieur serait donc plutôt positive.
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