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La route maritime du Nord, eldorado ou miroir aux alouettes ?

août 16, 2017 11:54, Last Updated: août 16, 2017 11:54
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La diminution de la couverture de glace en Arctique, le premier voyage du brise-glace « Christophe de Margerie » et la nomination de Ségolène Royal comme ambassadrice des pôles relancent le débat autour de l’océan Arctique.

Cet océan de 13 millions de km2 est recouvert par une couche de glace dont l’épaisseur et l’étendue varient. Son potentiel minier et le raccourci qu’il offre pour le passage entre les océans Atlantique et Pacifique cristallisent actuellement l’attention.

Il y a actuellement trois « routes » reliant ces deux océans : le passage du Nord-Ouest, traversant les îles canadiennes ; la transpolaire, coupant au milieu de l’océan Arctique ; et la route maritime du Nord (RMN, en anglais Northern Sea Route ou NSR) longeant les côtes russes. Cette dernière est souvent présentée comme la voie d’avenir. À juste titre ?

Vue d’un trajet Europe du Nord-Japon par la route maritime du Nord (en rouge) et par le canal de Suez (en bleu). (Bestalex/Wikimedia)

Plus qu’une route, la RMN est un espace faisant partie de la Zone économique exclusive de la Russie. Elle va de la Nouvelle-Zemble (du russe zemlia, la terre) au détroit de Béring. Cette zone maritime, en vertu de l’article 234 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, est sous le contrôle de la Russie.

Les opportunités de la Route maritime du Nord

La route maritime du Nord offre de nombreuses opportunités, la principale étant de constituer un raccourci pour le transport maritime. La RMN peut réduire ainsi la distance entre l’Europe et l’Asie d’environ 40 % comparé au passage par le sud via le canal de Suez.

Du point de vue minier, l’Arctique russe est riche en nickel, pétrole, gaz et autres minerais. Depuis plusieurs décennies, la compagnie Norilsk Nickel exporte ainsi sa production via la RMN.

En ce qui concerne les hydrocarbures, la partie ouest des côtes russes, entre les péninsules de Kola et de Yamal, a vu de nombreux projets lancés ces dernières années. L’un des plus connus est le projet d’usine de liquéfaction du gaz basée à Sabetta, avec une capacité de production annuelle de 16,5 millions de tonnes destinées à l’Asie et l’Europe, et dont Total est partenaire.

Par ailleurs, les croisiéristes s’intéressent eux aussi à ces zones, comme le prouvent les investissements réalisés ces dernières années. Une nouvelle réglementation russe autorise désormais les touristes accostant dans les ports de Mourmansk et Arkhangelsk à visiter la Russie sans visa pendant 72 heures.

Des dangers liés à la navigation en Arctique

La navigation en Arctique fait cependant face à des risques qui impactent plus ou moins directement le coût de la navigation. Le facteur le plus connu est la présence de glace. Sa variation d’une zone à l’autre et d’une année sur l’autre rendent la navigation complexe. De plus, elle peut endommager le navire – sa coque ou ses équipements – et le déstabiliser en cas d’accumulation de glace sur le pont trop importante.

Quant aux périodes d’obscurité et de froid extrême, elles rendent le travail des marins difficile. Le faible nombre de ports accessibles le long des côtes, ainsi que le nombre limité de brise-glace, font qu’un navire peut potentiellement très vite se trouver isolé. Cela représente une circonstance aggravante en cas de sinistre, qui resterait minime dans une autre mer.

Afin de prévenir ces risques et de garantir une navigation sécurisée, un « Recueil international de règles applicables aux navires exploités dans les eaux polaires » est entré en vigueur en janvier 2017. Il a d’ailleurs été intégré à la Convention internationale sur la Sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) ainsi qu’à la Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires (MARPOL).

Ce recueil impose aux navires circulant en Arctique certaines caractéristiques techniques relatives à leur structure, aux équipements liés à la sécurité de l’équipage et à la navigation et un niveau de formation minimum des officiers de pont. Il fixe aussi des règles en vue de limiter l’impact du trafic sur cet écosystème vierge et fragile.

Une route concurrente de celle du canal de Suez ?

Pour autant, la route maritime du Nord peut-elle être considérée comme une réelle concurrente des routes plus conventionnelles, qui passent par les canaux de Suez et de Panama ? Pour cela il faudrait qu’elle soit utilisée majoritairement pour des flux de transit, et non pour l’exportation des ressources locales comme c’est le cas actuellement.

En 2013, l’année la plus faste pour cette route parmi les six écoulées, on compte seulement 71 passages de transit selon les statistiques de l’administration de la RMN. La même année, 16 596 navires sont passés par le canal de Suez.

Sur la RMN, les flux de transit sont finalement anecdotiques. En 2016, ils n’ont représenté que 3 % des 6,19 millions de tonnes transportées sur ce tracé. La majorité des flux concerne les exploitations minières et l’export de pétrole et de gaz à destination de l’Europe et de l’Asie.

Le transport de containers, quant à lui, ne semble pas adapté à la RMN car les conditions de navigation changeantes ne permettent pas de s’engager sur les délais de livraison ; or c’est un des points essentiels sur le marché des containers. En revanche, les matières premières telles que le pétrole, le gaz ou d’autres minerais, moins sensibles aux retards, pourraient transiter par la RMN.

Si la route maritime du Nord connaît un essor, ce dernier reste relatif en comparaison des autres routes maritimes. Il reste très dépendant des conditions de navigation, des réglementations nationales et internationales, ainsi que des conditions édictées par les compagnies d’assurance, imposant l’utilisation d’un certain type de navire, l’assistance d’un brise-glace et un équipage expérimenté et compétent.

Ces obligations représentent un surcoût important pour tout nouvel acteur du transport et sont des facteurs qui limitent le développement de cette route. Ainsi, ces éléments permettent de penser que si la RMN connaît un développement relatif, elle restera sans doute une niche à l’échelle du transport maritime mondial.

 

Olivier Faury, Ph.D Economie maritime. Assistant professeur – Métis Lab, École de Management de Normandie – UGEI

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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