Russie : 20 personnes tuées dans deux attaques islamistes, une menace sous-estimée par Moscou

Par Epoch Times
24 juin 2024 17:00 Mis à jour: 24 juin 2024 19:55

La Russie a annoncé lundi la fin des affrontements armés au Daguestan, dans le Caucase, où des attaques revendiquées par l’État islamique ont fait la veille fait 20 morts. L’organisation jihadiste était déjà à l’origine de l’attentat commis au Crocus City Hall à Moscou. Certains experts jugent la menace islamiste sous-estimée par Moscou.

L’opération « antiterroriste » menée dans la région s’est terminée lundi matin et cinq assaillants ont été « liquidés », a annoncé le Comité antiterroriste russe. « Leur identité a été établie. » Il n’était toutefois pas clair si d’autres assaillants avaient pu s’échapper. Aucun élément sur leurs motivations ou leur identité n’a filtré.

Les attaques ont visé dimanche « deux églises orthodoxes, une synagogue et un check-point de la police », d’après le Comité d’enquête russe, qui a ouvert une enquête pour « actes terroristes ». Parmi les 20 personnes tuées figurent au moins 17 agents des forces de l’ordre, selon le Figaro. Six terroristes ont été tués à la fin des affrontements armés.

Le grand rabbin de Russie, Berl Lazar, a dénoncé un « crime ignoble », guidé par la volonté de « tuer le plus grand nombre possible d’innocents ». Des représentants juifs, dont le Congrès juif russe, ont affirmé qu’une deuxième synagogue avait aussi été incendiée lors des attaques.

Attaques « terroristes »

Cette série d’attaques qualifiées de « terroristes » par les autorités russes intervient trois mois après l’attentat revendiqué par l’organisation jihadiste État islamique (EI) commis au Crocus City Hall, une salle de concert de la banlieue de Moscou, et qui avait fait plus de 140 morts.

Or, le Kremlin a balayé lundi toute idée d’un possible retour d’une insurrection islamiste dans le pays, comme dans les années 2000, dans le sillage de la deuxième guerre de Tchétchénie. « La Russie a changé, la société s’est consolidée et de telles manifestations terroristes ne sont pas soutenues par la société », a assuré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Le Président Vladimir Poutine ne s’est, lui, toujours pas exprimé publiquement sur ces attaques qui n’ont pas été revendiquées dans l’immédiat et qui ont eu lieu à Makhatchkala, capitale du Daguestan, et dans la ville côtière de Derbent.

Région russe à majorité musulmane voisine de la Tchétchénie, le Daguestan a été le théâtre dans les années 2000 d’affrontements armés à répétition avec des jihadistes, comme une grande partie du Caucase. Cette insurrection islamiste a été matée par les forces russes après de longues années de combat, et la Russie n’avait plus l’habitude de ce type d’attentats.

Lundi, le dirigeant du Daguestan, Sergueï Melikov, s’est rendu dans la synagogue et l’église de Derbent, prises pour cible par les attaquants, selon ses services. « Nous savons qui est derrière ces attaques terroristes », avait dit dimanche M. Melikov, sans plus de précisions. « La guerre arrive dans nos maisons aussi. Nous le sentions, mais aujourd’hui nous l’affrontons », a-t-il ajouté, semblant vouloir établir un lien avec l’Ukraine.

Moscou obnubilée par Kiev sous-estime la menace islamiste

Les autorités russes, sans jamais avancer de preuves, ont déjà accusé Kiev d’avoir joué un rôle dans l’attaque sanglante, revendiquée par l’EI, du Crocus City Hall. Mais plusieurs experts jugent que les autorités russes en sont venues à sous-estimer la menace islamiste.

Une semaine plus tôt, des membres de l’organisation jihadiste État islamique (EI) avait été tués après avoir pris en otage deux agents pénitentiaires dans une prison de Rostov-sur-le-Don, dans le sud-ouest de la Russie.

Ces attaques rappellent les heures sombres de la fin des années 1990 et du début des années 2000, lors que les combats armés dans le Caucase et les attentats à Moscou se multipliaient, après la radicalisation islamiste du mouvement indépendantiste de Tchétchénie.

Moscou était parvenu à étrangler peu à peu les groupes jihadistes du Caucase, en les combattant, non sans multiplier les exactions.

Mais cette focalisation sur le danger islamiste a peu à peu laissé place à l’obsession de Vladimir Poutine, héraut de la puissance russe, pour l’Ukraine, culminant avec l’invasion de février 2022. Désormais, l’armée, la police et les services de sécurité se dédient au combat contre les « saboteurs », « terroristes » et « traîtres » à la solde de Kiev.

« Le dysfonctionnement des autorités (russes) est évident, elles sont occupées par d’autres missions liées à “l’opération militaire spéciale” (en Ukraine) et à l’Occident » présenté désormais comme l’ennemi existentiel, estime Grigori Chvedov, rédacteur en chef du média indépendant Kavkazski Ouziol (www.kavkaz-uzel.eu), désigné « agent de l’étranger » en Russie.

Pour lui, les attaques au Daguestan témoignent d’une « situation explosive » dans tout le Caucase russe.

Mais Moscou « pense que la source de terrorisme est l’Ukraine et pas les terroristes ayant grandi au Daguestan. (…) Le danger est de sous-estimer l’hypothèse d’une menace islamiste », souligne M. Chvedov auprès de l’AFP.

Les autorités russes, sans jamais avancer de preuves, ont par exemple accusé Kiev et l’Occident d’avoir joué un rôle dans l’attaque du Crocus City Hall, pourtant revendiquée par l’EI.

Pour Alexandre Baounov, expert russe au centre Carnegie, un groupe de réflexion que la Russie a contraint de fermer à Moscou, le conflit en Ukraine a aussi fortement fragilisé la coopération russo-occidentale en matière de renseignement.

« La guerre en Ukraine a compliqué et réduit au minimum les échanges entre services spéciaux occidentaux et russes, qui, avant ça, ont échangé pendant près de trois décennies des infos sur les islamistes radicaux », a-t-il écrit dans une note publiée sur Facebook.

En mars, quelques jours avant l’attentat de Moscou, Washington avait publiquement averti le Kremlin sur la possible d’une attaque terroriste dans la capitale. Des déclarations alors balayées par le pouvoir russe, qui les avait qualifiées de tentative de déstabilisation avant la présidentielle russe.

« Ce qui se passe dans le Caucase est un nouvel exemple montrant que le régime a perdu le contrôle de certaines zones, ce qui est inattendu pour lui, alors que la guerre (en Ukraine) est censée l’avoir consolidé », souligne M. Baounov. Pour lui, le retour des attentats, comme celui du Crocus et des attaques contre les forces de l’ordre dans le Caucase, typiques des années 1990/2000, a une « raison principale ».

Le conflit en Ukraine, selon lui, a chamboulé l’organisation des forces de l’ordre et détruit « dans de nombreux endroits le système de gestion construit pendant des décennies en temps de paix ». « Les opérations militaires donnent l’impression d’un renforcement de l’appareil de l’État, d’une simplification de la transmission des signaux et de l’exécution, mais en réalité, ça peut être l’inverse », avertit-il.

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