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Russie : le journaliste disculpé après une mobilisation « historique »

juin 11, 2019 22:05, Last Updated: juillet 12, 2019 20:37
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Les autorités russes ont disculpé mardi le journaliste d’investigation Ivan Golounov, accusé de trafic de drogue, opérant un recul rarissime, à la mesure de l’indignation et de la mobilisation suscitées par cette affaire dans la société civile.

Dès l’annonce par le ministre de l’Intérieur de ce revirement spectaculaire, le reporter de 36 ans, assigné à résidence depuis samedi, a été conduit dans les locaux de la police où il s’est vu signifier la fin des poursuites et retirer son bracelet électronique.

Manifestement très ému en sortant, tenant un petit carton contenant ses « jeans préférés« , il a remercié en larmes les dizaines de journalistes et soutiens qui l’ont accueilli par des applaudissement et en scandant « Vania » (diminutif d’Ivan): « J‘ai encore du mal à réaliser ce qu’il m’arrive. J’espère que l’enquête va se poursuivre et que plus personne ne se retrouvera dans une telle situation« .

Le journaliste de Meduza, un site indépendant basé en Lettonie pour échapper aux pressions des autorités, a assuré qu’il comptait poursuivre le travail d’investigation qui a fait sa réputation, portant autant sur la corruption des élites et les malversations dans des secteurs opaques comme le microcrédit et les pompes funèbres.

Depuis son arrestation jeudi, suivie de son inculpation et de son assignation à résidence, les critiques fusaient sur les accusations de la police qui affirmait avoir trouvé d’importantes quantités de drogue dans son sac à dos puis au cours d’une perquisition dans son appartement.

Le ministre de l’Intérieur Vladimir Kolokoltsev a annoncé l’arrêt immédiat des poursuites et une enquête sur « la légalité des actions des policiers qui ont interpellé » le journaliste jeudi à Moscou. Selon lui, les agents ayant procédé à l’arrestation ont été suspendus de leurs fonctions le temps de l’enquête, tandis que deux responsables de haut rang de la police moscovite seront limogés.

« Le pouvoir a entendu la société« , s’est aussitôt félicité son employeur, le site Meduza, promettant de poursuivre son travail d’enquête pour déterminer les responsables de « l’opération » orchestrée contre lui.

L’Union européenne a salué une « issue positive » mais s’est inquiétée d’une affaire qui n’a fait qu' »aggraver une tendance déjà inquiétante en ce qui concerne la liberté de la presse » en Russie, tandis que l’ONG Reporters sans frontières a retenu la « mobilisation historique de la société civile« .

Il s’agit d’un dénouement pratiquement sans précédent en Russie, où les services de sécurité et la police sont souvent accusés de monter des affaires de drogue de toutes pièces pour se débarrasser des voix critiques et où les acquittements devant la justice sont exceptionnels.

Le journaliste affirmait que les stupéfiants découverts par les policiers avaient été placés à son insu en rétorsion à ses enquêtes, notamment une en cours impliquant des officiers de services de sécurité dans des pratiques mafieuses dans le secteur des obsèques.

Les analyses réalisées à la demande de la justice n’avaient révélé aucune trace de drogue dans son sang et aucun des sachets saisis ne portait ses empreintes, selon ses avocats.

L’affaire Golounov a provoqué une onde de solidarité rare dans la société russe, les soutiens s’accumulant de le part des journaux indépendants jusqu’aux médias d’Etat, aux artistes et même à certains hauts responsables politiques.

Depuis vendredi, les Russes se succédaient devant le siège de la police moscovite pour manifester, chacun à leur tour, avec une pancarte, la seule forme de manifestation en Russie qui ne requiert pas d’accord préalable des autorités.

Pour la première fois de leur histoire, les trois quotidiens russes les plus respectés, Kommersant, Vedomosti et RBK, ont fait paraître lundi une « Une » commune pour soutenir Ivan Golounov. « C’est un exemple inspirant et motivant de ce qu’une simple solidarité peut accomplir pour les gens qui sont persécutés« , a salué l’opposant Alexeï Navalny, cible de multiples poursuites judiciaires ces dernières années.

Le Kremlin avait dit « suivre attentivement » l’enquête et reconnu lundi que l’affaire posait « beaucoup de questions« . Une marche en soutien à Ivan Golounov était prévue pour mercredi dans le centre de Moscou, tandis qu’une pétition exigeant sa libération a permis de collecter près de 180.000 signatures.

ET avec AFP

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