Sabotages SNCF : « Même si la signature de l’ultragauche est évidente, cela ne veut pas dire qu’elle aurait agi seule », selon Olivier Vial

Par Julian Herrero
29 juillet 2024 18:14 Mis à jour: 29 juillet 2024 18:14

ENTRETIEN – Dans la nuit de jeudi à vendredi, la SNCF a été victime d’actes de sabotage ciblés. Des câbles ont été coupés et incendiés. Une attaque « massive » perturbant fortement le trafic et impactant des centaines de milliers de voyageurs en ce week-end d’ouverture des Jeux olympiques. La circulation des trains a repris normalement ce lundi. Pour le directeur du CERU (Centre d’études et de recherches universitaire), Olivier Vial, la « signature de l’ultragauche est évidente », mais la piste de l’ingérence étrangère est aussi « crédible ».

Epoch Times – Olivier Vial, les auteurs de ces actes de sabotage ont sectionné et brûlé des câbles d’alimentation électrique. Ce mode opératoire peut-il en dire plus sur leur profil ?

Olivier Vial – Le mode opératoire est clairement celui de l’ultragauche. D’ailleurs, il y a eu un cas similaire le 8 mai dernier à Marseille, peu de temps après l’arrivée de la flamme olympique dans la ville. Cependant, même si la signature et la stratégie de l’ultragauche sont évidentes, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle aurait agi seule. Des individus ont peut-être imité la signature ou manipulé des militants. Une potentielle ingérence étrangère n’est pas à exclure pour cette affaire.
Pour le moment, nous n’avons pas assez d’éléments pour savoir qui est responsable.

Toutefois, cette attaque « massive » ressemble quand même à l’ultragauche française qui depuis des mois multiplie les actions de sabotage de ce type. Et si cette hypothèse venait à être confirmée, cela serait la première fois que la mouvance arrive à organiser quelque chose d’aussi coordonné.

Aujourd’hui, il y a eu une tentative de sabotage de réseaux de fibre optique dans six régions différentes en même temps. Donc on sent effectivement un niveau de coordination qui jusqu’à présent n’avait jamais été atteint. Il est donc tout à fait possible que l’ultragauche se soit organisée pour les actes malveillants contre la SNCF puisque cela fait quelques temps que des militants annoncent qu’ils comptent s’en prendre aux infrastructures, notamment lors des Jeux olympiques.

J’ai déjà eu l’occasion de souligner cet élément. La vulnérabilité de nos systèmes pendant les JO ne se trouve pas dans les sites olympiques puisqu’ils sont extrêmement bien protégés par la police, mais plutôt en amont des sites, comme nos réseaux d’eau, d’électricité, internet ou de transport.

Et là, on est vraiment dans la signature de l’ultragauche puisque depuis la publication du livre : « L’insurrection qui vient » en 2007, signé par le Comité invisible, il est très clairement affirmé que l’objectif est de s’en prendre aux réseaux et notamment au réseau TGV. Pour L’ultragauche, le cœur du capitalisme bat grâce au sang et le sang du capitalisme, c’est ce qui passe dans les flux, c’est-à-dire l’internet, l’eau, l’électricité et les transports. Et s’ils sont en mesure de couper ces flux, ils s’en prennent directement au cœur du capitalisme.

Un homme âgé de 28 ans connu pour son appartenance à l’ultragauche a été arrêté hier sur des voies de chemins de fer à Oissel en Seine-Maritime. La police a retrouvé dans le véhicule de l’individu des « pinces coupantes ». Selon vous, cette interpellation renforce-t-elle la piste de l’ultragauche ?

On ne sait pas encore si cette attaque a été menée par l’ultragauche, mais ce dont nous sommes certains, c’est que cette mouvance avait annoncé qu’elle mènerait de telles actions. Nous se sommes qu’au début des Jeux olympiques et ils vont durer plusieurs semaines.

Au-delà de cette personne interpellée en Seine-Maritime, la SNCF a annoncé que d’autres tentatives de sabotage ont eu lieu ce week-end. Heureusement, ils n’ont pas engendré d’incidents graves.

Des militants d’Extinction Rébellion ont également essayé de monter une grande opération de désobéissance civile pour saboter et perturber certaines épreuves des Jeux. Une quarantaine de personnes ont été interpellés en amont, ce qui a évité qu’ils puissent passer à l’action. Mais plus d’une centaine ont pu échapper à la police.

Vendredi soir, des militants surnommés les « écureuils » puisqu’ils grimpent souvent dans les arbres pour bloquer des travaux, ont été interpellés dans le bois de Vincennes. Ils étaient en train d’essayer de se mettre en position pour perturber le contre-la-montre cycliste.

Samedi, à l’occasion du match de foot Israël-Paraguay, des militants vêtus de noir et masqués ont réussi à rentrer dans le stade et ont déployé une banderole sur laquelle il était écrit : « Genocide Olympics » (Jeux olympiques du génocide en français). Et selon le parquet, certains des membres ont eu des gestes antisémites. Toutes ces actions montrent donc que l’ultragauche est très active depuis quelques jours.

En mai, j’ai publié avec Sébastien Vannerot un livre intitulé « Paris 2024, les Jeux face à la menace activiste » dans lequel on décrit un scénario qui n’est malheureusement pas inédit puisqu’ on a déjà eu ce type d’actions dans d’autres pays au moment des JO. Mais aujourd’hui, le niveau d’intensité de la menace est plus fort qu’il ne l’a jamais été.

Le scénario d’une ingérence étrangère est également étudié par les enquêteurs. Dans un entretien à l’Opinion, le criminologue Alain Bauer a déclaré qu’une « opération russe est une hypothèse vraisemblable ». Quelle est votre analyse ?

C’est effectivement une hypothèse crédible, comme celle de l’ultragauche. De toute manière, il y aura des actions qui vont être menées, mais on ne sait pas précisément lesquelles. On ne sait pas encore à qui attribuer les actes de sabotage visant la SNCF, mais il est certain que tous ces acteurs, que ce soit l’ultragauche française, étrangère ou une puissance étrangère, vont à un moment ou un autre agir.

Une implication des Russes est donc possible. Il y a quelques mois, à la suite d’une action à priori menée par des acteurs russes, qui ressemble d’ailleurs beaucoup à ce qu’a connu la SNCF la semaine dernière, les chemins de fer polonais ont été sabotés.

Une vidéo mettant en scène un soi-disant combattant du Hamas menaçant les Jeux de Paris a été publiée il y a quelques jours, mais il semblerait qu’elle soit totalement factice et qu’elle provienne de réseaux russes. Cependant, le Kremlin n’est pas seul. Une opération de déstabilisation menée par l’Azerbaïdjan et visant la compétition sportive a aussi été révélée. Le ministre des Affaires étrangères israélien a également averti nos services au sujet de potentielles opérations menées par l’Iran contre les Jeux olympiques.

Au-delà de ces deux hypothèses de l’ultragauche et de l’ingérence étrangère, une autre piste est-elle à envisager ?

Je pense que ces deux hypothèses sont les plus probables. Maintenant, la question est de savoir ce qu’on appelle l’ultragauche puisque c’est un concept très large. S’agit-il de mouvements anarchistes classiques, de mouvements écologistes radicaux ou d’organisations de désobéissance civile radicalisées ? Il y a plein de profils possibles, mais disons que ceux que je viens d’énumérer peuvent être aujourd’hui amalgamé dans une nébuleuse plus ou moins proche de l’ultragauche.

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