Près de 125 ans après la création de Casino à Saint-Étienne, l’atmosphère n’est pas à la fête dans la préfecture de la Loire face aux grandes manœuvres financières provoquées par l’endettement du groupe.
À deux jours de l’assemblée générale annuelle des actionnaires, acteurs économiques, élus locaux et employés s’inquiètent du virage que pourrait prendre le plus gros employeur privé de la Loire, redoutant déjà la disparition de l’ancrage local de Casino.
Après de nombreuses cessions d’actifs destinées à financer sa dette, le groupe de distribution compte encore 208.000 salariés dans le monde dont 4000 à 5000 employés dans la Loire. Parmi ces derniers, environ 2000 travaillent au siège social, à Saint-Étienne. Pour ceux-là et notamment pour les plus anciens qui, déjà, avaient manifesté contre une tentative d’OPA hostile de Promodès en 1997, une seule certitude : une nouvelle page est sur le point de s’écrire dans la riche histoire de l’entreprise fondée en 1898 par Geoffroy Guichard et issue d’une simple épicerie – Geoffroy Guichard qui a donné son nom au stade de l’AS Saint-Étienne. Cette richesse est illustrée par le « dépôt exceptionnel ces dernières années de 200 mètres linéaires de documents classés archives historiques par le ministère de la Culture », indique à l’AFP Pierre-Régis Dupuy, directeur des Archives municipales de Saint-Étienne.
« La préservation de l’emploi »
Pas plus que les acteurs économiques ou les élus locaux interrogés, les représentants du personnel n’affichent de préférence entre les différents candidats proposant de venir à la rescousse de Casino. Qu’il s’agisse de Teract, contrôlé par groupe coopératif InVivo, du groupement Intermarché ou bien encore du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
Leur préoccupation : « la préservation de l’emploi », souligne Estelle Silbermann, rattachée à la direction des approvisionnements au siège social et secrétaire générale CFDT Commerce et Services de la Loire et la Haute-Loire. Sur ce point, « on n’a aucune certitude malgré tous ces acteurs qui arrivent un peu de partout », ajoute-t-elle en soulignant « le sentiment d’appartenance des salariés » à l’enseigne. « On a beaucoup de collègues dont le couple, voire toute la famille travaille pour Casino », abonde Guillaume Touminet, salarié de Distribution Casino France, également délégué CFDT.
Pour sa part, le maire de Saint-Étienne Gaël Perdriau dit à l’AFP « souhaiter, dans tous les cas, que les éventuelles évolutions de capital se fassent au bénéfice de l’activité, du développement et du dynamisme de l’entreprise et de ses salariés ». Le maire a demandé à rencontrer Jean-Charles Naouri, le président du groupe.
« Ce serait une vraie perte pour notre territoire »
Déjà, l’effectif du siège a été réduit, des services ayant été délocalisés en région parisienne et des actifs cédés. Autre mauvaise surprise : l’abandon en début d’année d’un projet visant à exploiter un nouvel entrepôt de plus de 60.000 mètres carrés construit dans le Forez (centre de la Loire) pour sa filiale Cdiscount.
Or, Casino représente pour la région stéphanoise « un vivier important de cadres », dont certains créent ensuite leur propre entreprise, souligne Jean-Pierre Berger, le 1er adjoint de la ville, qui y a travaillé pendant 36 ans. Et « Casino c’est Saint-Étienne, donc si le nom de l’enseigne disparaissait (…), ce serait une vraie perte pour notre territoire », ajoute-t-il. Entré « au Casino », comme on disait autrefois, « pour y décharger des camions », le septuagénaire y a terminé sa carrière comme directeur des ressources humaines et insiste sur son rôle d’ascenseur social.
Un endettement très élevé du groupe
Néanmoins, le paternalisme incarné par Antoine Guichard, le dernier dirigeant de la dynastie jusqu’en 2003, a depuis cédé la place à des relations beaucoup plus froides, voire tendues, entre la direction et les représentants des salariés. Ainsi Guillaume Touminet et Estelle Silbermann confient-ils avoir été « convoqués à des entretiens préalables à un licenciement » après avoir alerté en 2019 les parlementaires ligériens et la presse sur les risques liés à l’endettement très élevé du groupe.
Le délégué syndical central CGT Ali Eloued annonce pour sa part à l’AFP « un rassemblement à Paris mercredi lors de l’assemblée générale des actionnaires pour exprimer (les) inquiétudes (des salariés) sur la pérennité des emplois et la revalorisation des salaires ».
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