Saint François d’Assise : l’art de la prière et de la dévotion

Exposition de la National Gallery de Londres sur un saint populaire

Par Lorraine Ferrier
15 mai 2023 19:57 Mis à jour: 15 mai 2023 23:35

Vers 1635, l’artiste espagnol Francisco de Zurbarán a peint Saint François en méditation, un portrait grandeur nature saisissant de François agenouillé en prière et levant les yeux vers Dieu en adoration.

Zurbarán a rendu la foi de François palpable en peignant François l’homme, en s’abstenant d’exposer ses nombreux miracles. François porte l’habit des frères de l’Ordre Franciscain des Capucins. Son habit est bien usé et rapiécé. Il a noué trois nœuds à sa ceinture pour représenter la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. (Deux nœuds sont visibles dans le tableau.) Il tient un crâne, symbolisant l’impermanence de la vie et la crucifixion du Christ (un motif que le Greco a introduit pour la première fois dans les peintures espagnoles de saint François).

Saint François en méditation, 1635-1649, par Francisco de Zurbarán. Huile sur toile ; 152 x 99 cm. The National Gallery, Londres. (National Gallery, Londres)

Le fond sombre du tableau reflète la vie ascétique de François. Nous pouvons presque respirer l’air vicié. Nous pouvons également sentir le sol en pierre dure sur lequel il est agenouillé, et le tissu de laine rugueux de son habit frotter sa peau.

Zurbarán a utilisé les émotions de François pour nous entraîner dans son monde en s’assurant que la lumière éclaire les mains de François en prière et l’expression extatique de son visage.

Les experts pensent que Zurbarán a peut-être réalisé ce tableau pour une porte, une fenêtre, une cellule privée ou une chapelle. Sa peinture nous montre l’esprit de la prière et de la dévotion, que François considérait comme les plus importants. Au fur et à mesure que l’œuvre de François se répandait, il lança un avertissement aux Ordres Franciscains qui auraient pu accorder trop d’importance à la théologie ; il a encouragé les membres à étudier, mais à ne jamais « éteindre l’esprit de prière et de dévotion ».

La National Gallery de Londres possède Saint François en méditation de Zurbarán et jusqu’au 30 juillet, il fait partie de l’exposition « Saint François d’Assise » récemment inaugurée par la galerie, qui explore la vie et l’héritage du saint à travers l’art. Plus de 40 œuvres d’art du XIIIe siècle à nos jours sont exposées, issues de collections publiques et privées européennes et américaines.

L’habit de saint François, 13e siècle. Tissu de laine et ceinture de chanvre. Communauté des Frères Mineurs Conventuels de la Basilique de Santa Croce, Florence, Italie. (Giusti Claudio/Communauté des Frères Mineurs conventuels de la Basilique de Santa Croce, Florence)

L’un des objets remarquables exposés est un morceau de l’habit de François, conservé dans un cadre baroque doré. Les frères franciscains ont fait vœu de pauvreté et l’habit en est l’un des signes les plus visibles. Les experts ont découvert que certaines parties des autres habits de François avaient été rafistolées par sainte Claire, qui dirigeait l’ordre franciscain féminin des Clarisses.

Allégorie de François et de Dame Pauvreté, vers 1460, par Vecchietta et son atelier. Tempera sur peuplier ; 29,52 x 18,09 cm. Alte Pinakothek, Munich. (Photo Scala, Florence/bpk ; Agence photographique pour l’art, la culture et l’histoire, Berlin)

Un saint universel

Vers 1181, Francesco di Pietro di Bernardone (François) naît à Assise d’un riche marchand de soie. François a servi comme soldat, a été prisonnier de guerre et a souffert d’une longue maladie. À l’âge de 20 ans, il s’est engagé envers Dieu en faisant vœu de pauvreté et en formant l’ordre religieux des Franciscains (Frères Mineurs). Ses frères ont répandu l’ordre dans toute l’Europe et, en 1219, il a prêché au sultan d’Égypte. Le monde entier se souvient de François pour son amour de la nature, sa piété et ses nombreux miracles.

Saint François devant le sultan, 1429, par Fra Angelico. Tempera sur panneau ; 27,7 x 31,4 cm. Musée Lindenau, Altenburg en Allemagne. (Bernd Sinterhauf/Musée Lindenau Altenburg, Allemagne)

Saint François donnait l’exemple. « Son caractère se distinguait par ses nombreux contrastes. Sa piété, à la fois solitaire et populaire, son caractère, à la fois doux et austère, son apparence, à la fois humble et saisissante, sont restés inoubliables », a écrit le critique littéraire Erich Auerbach, cité dans le livre de l’exposition.

L’art sacré

Les artistes ont représenté saint François d’Assise plus que tout autre saint, à l’exception des saints du Nouveau Testament. Au cours du siècle qui a suivi sa mort, quelque 20.000 images de François auraient été créées, une estimation qui ne tient pas compte des manuscrits enluminés.

Les artistes médiévaux ont représenté les miracles de saint François pendant sa vie et après sa mort, qui ont confirmé sa sainteté. Un retable (panneau montrant une figure centrale flanquée d’épisodes de la vie de cette personne) réalisé vers 1253, intitulé Saint François et quatre miracles posthumes, le démontre bien. Debout au centre, saint François a l’allure d’un saint byzantin, encadré par des images de ses miracles posthumes.

Saint François et quatre miracles posthumes, vers 1253, Maître du Trésor de Saint-François. Tempera et or sur panneau ; 114,94 x 160 x 13,97 cm. Musée du Trésor de la basilique Saint-François, à Assise, Italie. (Archives photographiques du Couvent sacré de S. Francesco à Assise, Italie)

Plus tard, les artistes de la Contre-Réforme ont centré leurs œuvres sur la foi et la spiritualité de saint François, en le représentant notamment en extase, comme le montre le Saint François en méditation de Zurbarán.

Mais l’exposition comprend également des œuvres d’art moderne qui embrassent des idées abstraites qui ont souvent besoin d’être expliquées. Certaines de ces œuvres montrent des épisodes sombres de la vie de François, sans espoir, et qui pourraient nuire à la mission du saint.

S’abandonner à la volonté de Dieu

Deux tableaux de la Renaissance du Nord présentés dans l’exposition montrent François recevant les stigmates alors qu’il priait à La Verna, une retraite isolée sur le mont Verna, dans le nord de l’Italie. Vers 1507, Albrecht Altdorfer a choisi une palette de tons neutres pour son tableau Saint François recevant les stigmates. Dans ce tableau, le saint semble presque disparaître dans le paysage, faisant peut-être allusion au fait que François se considérait comme l’une des nombreuses créations de Dieu.

Description du mont sacré de l’Alverne, 1612, par Fra Lino Moroni. Livre imprimé avec 24 gravures d’après Jacopo Ligozzi. The British Library, Londres. (British Library Board. Tous droits réservés/Bridgeman Images)

 

Saint François recevant les stigmates, 1507, par Albrecht Altdorfer. Huile sur toile ; 23,5 x 20,5 cm. Pinacothèque, Musées d’État de Berlin. (Jörg P. Anders/Picture Gallery, State Museums in Berlin)

En regardant le tableau d’Altdorfer, nous pouvons presque sentir une douce brise portant le parfum frais de la forêt de hêtres toute proche et voir les oiseaux jouer au-dessus de nos têtes, chantant comme pour louer le soleil. Frère François avait déjà médité à cet endroit à plusieurs reprises. Mais ce jour-là était différent. Le frère émerveillé n’en croyait pas ses yeux. Il eut une vision de Dieu, haut dans les cieux, sous la forme d’un séraphin à six ailes, qui est un être angélique en communication directe avec Dieu. Le séraphin a placé ses ailes en croix : il a levé deux ailes, en a préparé deux pour le vol et a enroulé les deux autres autour de son corps.

Altdorfer a représenté la foi de François, tendant ses paumes vers l’extérieur et s’abandonnant pour recevoir les stigmates, les cinq plaies reflétant celles de la crucifixion du Christ. L’artiste a utilisé des lignes qui ressemblent à des conduits du ciel pour montrer que les plaies ont été ordonnées directement par Dieu.

Altdorfer a représenté la foi de François alors que le saint tenait ses paumes vers l’extérieur, se rendant pour recevoir les stigmates, les cinq blessures reflétant les blessures de la crucifixion du Christ. L’artiste a utilisé des lignes qui ressemblent à des passages célestes pour montrer que les blessures ont été ordonnées directement par Dieu.

Un siècle après l’œuvre d’Altdorfer, en 1620, le tableau de Frans Pourbus le Jeune intitulé Saint François recevant les stigmates représente la légende se déroulant comme dans un livre d’histoire. À l’arrière-plan, on voit François juste après que le séraphin lui est apparu. Il est tellement émerveillé qu’il tombe par terre. Il se protège les yeux de la lumière divine qui émane du séraphin présent dans le ciel. Au premier plan, on voit François en extase, recevant les stigmates.

Saint François recevant les stigmates, 1620, par Frans Pourbus le Jeune. Huile sur toile, 227 x 162 cm ; Musée du Louvre, Paris. (Gérard Blot/RMN-Grand Palais, Musée du Louvre)

Il n’y a pas de lignes du ciel, comme dans le tableau d’Altdorfer. Au lieu de cela, Pourbus le Jeune utilise la lumière pour attirer doucement notre attention sur les mains de François et nous montrer les blessures de ses paumes.

Guider les âmes vers le ciel

Le biographe et théologien Donald Spoto a écrit dans son livre Reluctant Saint : The Life of Francis of Assisi (Un saint hésitant : la vie de François d’Assise) que « tout au long du Moyen Âge, les oiseaux ont souvent été utilisés pour représenter les âmes, parce qu’ils peuvent s’envoler vers Dieu ».

Dans l’exposition, nous pouvons voir comment les artistes ont montré François prêchant aux oiseaux. Saint François aimait toutes les créations de Dieu et les guidait pour qu’elles aiment leur Créateur. « Il avait rencontré une multitude d’oiseaux et il les avait salués comme des créatures douées de raison. ‘Mes frères les oiseaux, leur dit-il, vous devez beaucoup de louanges à votre Créateur qui vous a revêtus de plumes ; il vous a donné des ailes pour voler, il vous a départi les régions de l’air et il vous gouverne sans aucune sollicitude de votre part’. Les oiseaux se mirent alors à allonger le cou, à battre de l’aile, à ouvrir le bec et à regarder le saint attentivement. En passant au milieu d’eux, il les touchait avec sa robe et cependant, aucun ne changea de place jusqu’à ce que leur en ayant donné la permission, ils s’envolèrent tous à la fois. », écrit le chroniqueur et archevêque de Gênes, Jacobus de Voragine, dans le texte religieux médiéval populaire La Légende dorée : Lectures sur les saints.

Saint François d’Assise et la mélodie céleste, 1904, par Frank Cadogan Cowper. Huile sur toile ; 92,71 x 75,24 cm. Collection privée. (avec l’aimable autorisation du propriétaire)

Nous pouvons également voir François et les oiseaux des siècles plus tard dans le tableau de 1904 de l’artiste anglais Frank Cadogan Cowper intitulé St. Francis of Assisi and the Heavenly Melody (Saint François d’Assise et la mélodie céleste). Le tableau de Cowper relate un événement miraculeux survenu vers la fin de la vie de François. François a demandé à l’un de ses frères de jouer du luth pour lui, mais le frère a estimé que cela allait à l’encontre des vœux de l’ordre. Le ciel est intervenu et a apporté à François le réconfort qu’il recherchait lorsqu’un ange est apparu et lui a joué une mélodie. Cowper a peint François entouré d’oiseaux et réconforté par la mélodie de l’ange.

Donald Spoto termine sa biographie : « En décrivant ses derniers instants, les amis de François n’ont jamais oublié un détail : De nombreux oiseaux, appelés alouettes, volaient bas, au-dessus du toit de la maison où il reposait, tournant en rond et chantant ».

L’exposition « Saint François d’Assise » à la National Gallery de Londres se poursuit jusqu’au 30 juillet. Pour en savoir plus, visitez la National Gallery

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