Au moins 25 personnes ont été tuées jeudi dans une favela de Rio de Janeiro pendant une opération antidrogue, la plus meurtrière de toute l’histoire de la métropole brésilienne et de l’Etat dont elle est la capitale, a rapporté la police.
La favela de Jacarezinho, dans le nord de Rio, s’est transformée en champ de bataille jeudi à l’aube. Des habitants ont rapporté avoir vu des cadavres gisant dans les ruelles dans des mares de sang, et de nombreux corps embarqués à bord d’un véhicule de police blindé, a déclaré à l’AFP un responsable d’une communauté locale, qui a demandé pour des raisons de sécurité que son nom ne soit pas publié.
« 24 suspects » et un policier, tués
La police a confirmé la mort de « 24 suspects » et d’un policier, tué d’une balle dans la tête au tout début de l’intervention, soit le bilan le plus élevé de l’histoire de l’Etat de Rio de Janeiro pour une opération antidrogue.
« Malheureusement, beaucoup d’affrontements ont éclaté dans la communauté. Il n’y a pas de quoi se réjouir de ce bilan », a déclaré lors d’une conférence de presse un responsable de la police.
Il a affirmé que « tous les protocoles » ont été respectés par la police pour ouvrir le feu.
Mais Silvia Ramos, coordinatrice de l’ONG Réseau d’observatoires de la sécurité publique, a dénoncé « une opération mal planifiée qui, après la mort d’un policier, a viré à l’opération de vengeance ».
Opération menée contre des trafiquants de drogue
« Qui sont les morts? Des jeunes noirs. Et c’est pour ça que la police parle de 24 suspects. Il suffit d’être noir et d’habiter une favela pour devenir un suspect », a-t-elle affirmé à l’AFP.
« Pour une opération légale, celle de Jacarezinho bat tous les records » de victimes, a-t-elle ajouté, en faisant la comparaison avec deux massacres commis par vengeance par des policiers hors service dans d’autres quartiers en 1993 (22 morts) et en 2005 (31 morts).
Selon la police, l’opération a été menée contre des trafiquants de drogue accusés de recruter des mineurs à Jacarezinho, considéré comme une base du « Comando Vermelho » (le « Commando rouge »), le plus important gang de trafic de drogue de Rio de Janeiro.
« Ces criminels commettent des actes tels que le trafic de drogue, le vol de marchandises, les agressions contre les piétons, les homicides et l’attaque de rames de métro », a indiqué la police dans un communiqué.
La Cour suprême interdit à la police de mener des raids
Une habitante du quartier a raconté à l’AFP avoir vu un jeune se faire abattre à l’intérieur de sa maison, où il s’était réfugié après avoir été blessé.
« Le garçon est arrivé blessé par balle », a témoigné cette habitante. « Les policiers ont vu du sang et sont entrés en criant: où est-il? Où est-il? J’ai juste eu le temps d’emmener mes enfants vers l’arrière pendant qu’ils le tuaient dans la chambre », a-t-elle ajouté.
Au moins deux personnes ont également été blessées alors qu’elles voyageaient dans le métro aérien, pris dans des tirs croisés, selon les médias qui ont montré des images de deux victimes recevant des soins sur le quai d’une station.
Effrayés, les habitants de la favela tentaient tant bien que mal de reprendre leurs occupations après la fin des tirs, selon des journalistes de l’AFP sur place.
L’opération s’est déroulée en dépit d’un arrêt de la Cour suprême interdisant à la police de mener des raids dans les favelas appauvries du Brésil pendant la pandémie de coronavirus, sauf dans des « circonstances absolument exceptionnelles ».
L’organisation Human Rights Watch a exigé que « la police préserve les lieux des faits, sans toucher aux corps, jusqu’à la fin des investigations », estimant que « de graves failles » avaient été observées dans les enquêtes pour homicide impliquant la police de Rio dans le passé.
Suite à une enquête
L’Institut Igarapé, spécialisé dans les thèmes de sécurité et de développement, a jugé « inacceptable que la police (…) continue à tabler sur la mort comme principale stratégie, surtout dans les zones vulnérables ». Selon cet institut, la police de Rio « est responsable de la mort de 453 personnes entre janvier et mars de cette année ».
La police a indiqué que l’opération fait suite à une enquête ayant permis d’obtenir un mandat pour mettre sur écoute les communications de suspects et identifier 21 membres du gang « chargés d’assurer la domination territoriale à l’aide d’armes à feu ».
Le groupe « avait mis en place une structure de type militaire avec des centaines de +soldats+ équipés de fusils, de pistolets, de grenades, de gilets pare-balles, de tenues de camouflage et d’autres accessoires militaires », a précisé la police.
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