Pourquoi la Deutsche Bank attire-t-elle tant l’attention ? Oui, elle va devoir payer une amende de plusieurs milliards de dollars au Département de la Justice américaine (DOJ), suite à son implication dans la crise des subprimes de 2008. Mais cela a déjà été le cas pour plusieurs autres banques, dont Goldman Sachs, la Bank of America ou encore Morgan Stanley, la dernière en date. Oui, elle n’a pas un capital très reluisant, tout comme la plupart des banques italiennes. Oui encore, elle a placé des milliers de milliards de dollars sur des actifs sous-jacent, ce qui est exactement le cas de JPMorgan.
Mais aucune autre banque ne cumule tous ces facteurs, à un tel degré d’intensité. À cela s’ajoutent une comptabilité opaque et un modèle de gestion de moins en moins convaincant. Il n’est donc pas surprenant que la banque allemande soit considérée par certains être au bord de la faillite.
À l’heure actuelle, les rumeurs concernant l’accord avec le DOJ font varier la valeur de l’action de la Deutsche Bank de ±10%. L’amende s’élèverait au maximum à 12,5 milliards d’euros, négociables, en sachant que les autres banques incriminées ont écopé d’une sanction bien moindre malgré une implication plus marquée dans la crise des subprimes. Goldman Sachs s’est vu contrainte de verser 4,5 milliards d’euros, par exemple.
Mais quelle qu’elle soit, ce n’est pas la somme de l’amende qui impacterait tant que ça l’établissement. Contrairement aux idées reçues, bien que ses revenus s’amenuisent, la première banque privée allemande est toujours rentable. L’amende serait simplement répercutée sur les capitaux propres, c’est-à-dire les capitaux détenus par les actionnaires, qui s’élevaient à 67 milliards d’euros à la fin du 2ème trimestre 2016.
Les revenus des actionnaires ont déjà été réduits de 15 milliards d’euros et pourrait atteindre le zéro si le bilan comptable ne suit pas.
Le bilan comptable
C’est là que réside le vrai problème. Le marché fermera les yeux sur quelques trimestres de pertes, et même sur des amendes légales considérables, si tant est que le bilan comptable reste intact.
Cependant, de nombreux analystes ont exprimé des doutes sur l’opacité avec laquelle la banque gère ses 1 800 milliards d’euros d’actifs.
« Les interprétations comptables de la Deutsche Bank sont ridicules. Ils possèdent certains actifs, emprunts et obligations sujets à cautions. Mais ils ne mesurent pas le risque des partenaires de ces obligations, ni n’ajustent l’évaluation de ces transactions en conséquence », explique Reggie Middleton, CEO de l’entreprise de technologie financière Veritaseum.
En pratique, cela veut dire que certaines des entreprises à qui la Deutsche Bank prête de l’argent ne seront pas capables de rembourser leurs emprunts. Mais ceci ne transparaît aucunement dans le bilan comptable de la banque.
Si 10% du bilan comptable provenait de telles sources, l’établissement perdrait environ 160 milliards d’euros, plus de deux fois les capitaux propres. À côté de cela, l’amende du DOJ semble bénigne.
Perte de confiance
Cette opacité couplée à de potentiels défauts de paiements rend certains investisseurs douteux : ils n’ont plus confiance en la capacité de gestion des risques de la banque.
C’est pour cette raison que trois grands fonds d’investissements ont arrêté d’échanger des produits dérivés avec la Deutsche Bank la semaine dernière, d’après un article de Bloomberg, et ont investi leur argent dans des eaux plus calmes.
Si plus de fonds venaient à suivre le même chemin, la banque n’aurait pas assez de liquidité pour rembourser toutes les personnes désireuses de retirer leurs investissements. C’est dans des conditions similaires qu’en 2008, Lehman Brothers s’est déclarée en cessation de paiement, se protégeant ainsi des créditeurs essayant de récupérer leur argent. Et non pas à cause de pertes financières ruinant les revenus des investisseurs.
Boîte noire
L’autre grande inconnue de la Deutsche Bank est son livre de mises portant sur les contrats financiers, les taux d’intérêts, les devises et tous autres instruments financiers, dont les actifs sous-jacents représentent 45 milliards d’euros.
Ce « livre des dérivées » a récemment fondu : il atteignait en 2013 la somme record de 67 milliards d’euros. D’après la banque des règlements internationaux (BRI), les possessions de dérivés des banques allemandes (dont la Deutsche Bank) par des banques étrangères totalisent une baisse de 85 milliards d’euros entre début 2015 et début 2016.
Cette réduction de dette pourrait être positive, puisqu’elle réduit les risques pour la Deutsche Bank. Mais elle réduit aussi les profits, ainsi que les liquidités de la banque. Moins il y a de contrats, plus il est difficile pour la banque d’obtenir matière à travailler.
À nouveau, le problème de la qualité des mises de l’établissement allemand entre en jeu. Tout comme la qualité des actifs du bilan comptable, ce n’est pas un problème si les contrats dérivés mûrissent et constituent au final des mises gagnantes, auquel cas, il n’y a qu’à collecter et conserver les profits. Mais si la plupart des mises sont perdantes, il faut alors rembourser la différence et, votre partenaire de jeu venant de s’en aller, vous ne disposez plus d’une autre chance pour vous refaire.
Au vu de la pression qu’exerce le marché sur la Deutsche Bank, il y a de fortes chances que les récentes mises n’étaient pas gagnantes. Et plus nombreux seront les partenaires à s’en aller, plus la crise de liquidité se fera intense.
Version anglaise : Why the Market Lost Trust in Deutsche Bank
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