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Se refaire une beauté pour oublier la précarité

mars 1, 2019 13:24, Last Updated: juillet 11, 2019 14:34
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Entre les murs du centre socio-culturel de Saint-Denis, transformé pour une journée en salon improvisé, Benoît Claverie lui a fait une promesse : « un make-up léger pour le printemps », histoire de respecter les habitudes d’une femme qui, avec son jean et ses baskets, « se maquille peu ». 

Le professionnel n’a pas lésiné sur les moyens pour autant. De la « poudre de diamants » pour « unifier et illuminer le teint », une poudre bronzante effet « trois semaines de soleil en trois secondes« , un rouge à lèvres framboise appliqué au pinceau « pour mieux le définir », et un soin tout particulier accordé aux « longs cils » de Fatima.

« Wow… C’est moi, mais je me reconnais pas tout à fait ! » Devant son reflet après sa séance de maquillage professionnel avec le Secours populaire, Fatima se découvre radieuse et pétillante. Un luxe inédit, loin de ses galères d’étudiante.

« Je n’ai pas l’habitude de prendre soin de moi », confie cette trentenaire, inscrite à l’université Paris 8e. La dernière fois qu’elle a offert une coupe à sa longue chevelure brune, c’était il y a « plus d’un an » : « trop cher », explique-t-elle.

« Elle est trop belle, c’est une princesse », s’extasie son amie Djouher. Algériennes toutes les deux, les jeunes femmes sont venues se faire pomponner mercredi puis ont immortalisé ce moment en posant devant un photographe professionnel.

Cette journée, c’est « moins de stress, un peu de repos, de l’estime de soi et du plaisir », témoigne Djouher. A 24 ans, elle jongle entre ses études d’anglais et des gardes d’enfants, seule source de revenus loin d’atteindre le seuil de pauvreté – fixé à 1 026 euros par mois pour une personne seule.

Une fois payés les 300 euros pour sa colocation à Fontenay-sous-Bois, la nourriture et les transports mensuels en Ile-de-France, « il ne reste pas grand-chose », confie-t-elle. Certainement pas de quoi acheter des cosmétiques. Sa seule coquetterie : « un stick à lèvres en hiver, contre les gerçures ».

« La précarité, c’est un boulot à plein temps », raconte Annick Tamet, secrétaire générale de la fédération de Seine-Saint-Denis du Secours populaire. « On est tout le temps en train de régler des problèmes (…), donc on est tout le temps dans le stress. Et ça, ça abîme. Ça abîme y compris physiquement ».

Sur les 2,9 millions de personnes aidées par le Secours populaire chaque année, près de la moitié sont des femmes. Nombre d’entre elles « élèvent seules leurs enfants, ou jouent le rôle de chef de famille« , selon Mme Tamet.

D’où l’idée de leur offrir « une journée pour soi » : à Saint-Denis, 40 femmes ont été maquillées mercredi. Grâce à un partenariat avec LVMH, elles seront bientôt 350 à bénéficier de cette initiative dans plusieurs villes de France.

« Ça peut paraître futile mais dans la vie, on a tous droit à la futilité », poursuit Annick Tamet. « L’image qu’on envoie aux autres et qu’on se renvoie quand on se regarde dans un miroir, c’est très important. Ça vous booste. »

Une philosophie du bien-être pour toutes qui essaime dans le monde caritatif. À Paris, l’association Joséphine pour la beauté des femmes propose coiffure, maquillage ou épilation aux plus démunies.

Née à Bordeaux, l’organisation Féminité Sans Abri collecte elle les échantillons gratuits de maquillage, de shampoing ou de parfum pour les redistribuer aux femmes SDF un peu partout en France.

« Le maquillage, je n’y ai jamais pensé », murmure Bahija à Saint-Denis. Arrivée les traits tirés, sans aucun fard, cette mère de famille, malentendante et sans emploi, a bien du mal à se reconnaître sous le crépitement des flashs.

« J’ai pas l’habitude« , s’excuse-t-elle. « À part les pièces d’identité, moi les photos… »

Sous son masque de timidité affleure soudain un regard espiègle : avec une touche de mauve sous les paupières, du crayon sous les yeux et un rouge intense sur les lèvres, la quinquagénaire semble avoir rajeuni. « Ça fait du bien », rit-elle.

D. S avec AFP

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