À l’heure où l’aggravation de la sécheresse pousse les consommateurs d’eau à la sobriété, des crispations se nouent autour de la question des piscines privées, prises pour cible par de nombreux élus.
Confrontés à un déficit hydrique que les pluies du printemps n’ont pas compensé en vue de l’été, plusieurs départements, en particulier dans la moitié sud du pays, ont déjà imposé des restrictions d’utilisation de l’eau. Et mercredi, le ministère de la Transition écologique a annoncé des mesures qui visent à « clarifier et à renforcer » ces dispositions.
Lavage des véhicules, des voiries, arrosage des espaces verts privés et publics d’agrément, usages agricoles et industriels : les limitations sont nombreuses, notamment pour les zones placées au niveau crise dans les Pyrénées-Orientales, le Var, le Loiret, le Gard et les Bouches-du-Rhône.
Des amendes pouvant atteindre 1500 euros
Dans ces secteurs, il est défendu de remplir ou de remettre à niveau les piscines, avec des amendes pouvant atteindre 1500 euros pour les particuliers. « C’est absurde, on est bien obligé de dépenser de l’eau pour l’entretien et la remise à niveau et en plus, on paie déjà une taxe avec nos impôts fonciers », s’insurge Alain L., propriétaire d’un bassin dans le Loiret, qui annonce déjà qu’il « passera outre » si son secteur est placé au niveau crise.
Injuste pour certains, insuffisant pour d’autres : les maires d’Elne, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales) ou de Brando (Haute-Corse), ont prohibé la construction de piscines jusqu’à nouvel ordre. Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) étudie des mesures similaires et, dans le Var, les neuf communes du pays de Fayence ont proscrit les nouveaux bassins privés jusqu’en 2028.
Début mai, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé l’interdiction de la vente des piscines hors sol dans les Pyrénées-Orientales, touchées par une sécheresse exceptionnelle. La France est le 2e pays le plus équipé en piscines, derrière les États-Unis.
« On est les boucs émissaires dans cette histoire »
« Ce n’est pas en interdisant les piscines qu’on va résoudre le problème de la sécheresse. Le principe d’une piscine, c’est de conserver l’eau pendant plusieurs années. On ne la vide jamais, cela peut mettre la structure en danger », proteste Joëlle Pulinx, déléguée générale de la FPP. Selon la FPP, les bassins privés représentent 0,15% de la consommation annuelle en eau. Un usage réduit de 45% en 25 ans grâce à l’innovation (filtration plus efficace, couverture des bassins) et à la réduction des volumes installés.
« On est les boucs émissaires dans cette histoire. C’est injuste de parler de culture de l’abondance. On est économe de notre eau », assure Jean-Louis Desjoyaux, président de la société éponyme, numéro un européen des piscines enterrées. Ce dernier rejette d’ailleurs l’image du propriétaire de piscine opulent : « Avoir une piscine, ce n’est pas être soumis à l’ISF. Ça s’est démocratisé. On a des premiers prix à 15.000 euros ». Selon la FPP, 44% des détenteurs de piscines enterrées sont employés, ouvriers ou agriculteurs.
Un milliard de mètres cubes d’eau perdus dans les canalisations
Le secteur est en plein boom, avec des années 2020 et 2021 records, mais les restrictions font craindre aux professionnels une perte d’activité. M. Desjoyaux dit s’interroger sur l’avenir de ses concessionnaires indépendants, notamment dans le Var. « S’il n’y a pas de retour en arrière, cela peut aller tout droit à des faillites », détaille-t-il.
« Dans le sud, on parle de PME de 11 salariés en moyenne qui peuvent mettre la clé sous la porte », poursuit Mme Pulinx, estimant qu’il « y a peut-être des économies à faire ailleurs » alors que près d’un milliard de mètres cubes d’eau sont perdus chaque année dans les canalisations, selon l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement et de l’Office de la biodiversité (OFB).
Le président Emmanuel Macron a annoncé fin mars un « plan de sobriété » sur l’eau pour tous les secteurs économiques. Les bassins de loisir n’y sont pas mentionnés, mais les plus gros consommateurs pourraient être concernés par la généralisation d’une « tarification progressive ».
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