Par petites vagues incessantes, les étudiants de l’université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar quittent dans la précipitation le campus, leur sac à la main ou sur la tête. La nuit a été longue, le réveil difficile.
Jeudi soir, l’université, l’une des plus grandes d’Afrique de l’Ouest, a pris des allures de champ de bataille et été le théâtre de violents affrontements entre forces de l’ordre et étudiants après la condamnation à deux ans de prison de l’opposant Ousmane Sonko, qui pourrait le priver d’un destin présidentiel en 2024.
Le leader du Pastef, au discours souverainiste, social et panafricain, qui pourfend l’ancienne puissance coloniale française, est soutenu par une grande partie de la jeunesse. Condamné pour « corruption de la jeunesse », qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans, M. Sonko estime qu’il est victime d’un complot du président Macky Sall pour l’éliminer politiquement. Ses supporters également. Lorsque le verdict est tombé, ils ont manifesté leur colère à l’université, causant le chaos.
Dans la soirée, alors que nombre de facultés brûlaient et que les combats se poursuivaient, les autorités universitaires ont annoncé la fermeture du campus jusqu’à nouvel ordre, prenant de court tous les étudiants. Vendredi matin, les visages des jeunes étaient marqués et beaucoup marchaient, le pas pressé, sans trop savoir quoi faire ni où aller.
Incertitudes
Étudiant en français, Aneth Diaw, 32 ans, a le cœur lourd. Il devait soutenir sa thèse la semaine à venir. Maintenant, « je ne sais plus quand je pourrai soutenir », regrette-t-il, un sac en main et un petit matelas sur la tête. Il vient de la région de Kaolack (centre) et compte « renter dès que possible ». En attendant, il va aller confier ses bagages à l’un de ses amis logeant à l’extérieur du campus. Certains étudiants ont peur, d’autres sont tristes et regrettent les destructions de leur lieu d’études. Surtout, ils sont dans le doute quant à leur avenir et leur situation dans les prochaines semaines.
Originaire de Matam, dans le nord du Sénégal, Aguibou se demande comment il va se débrouiller pour rentrer dans sa famille. En ce début de mois, les étudiants n’ont pas encore reçu leurs bourses allouées par l’État, et les « poches sont vides », assure Mamadou Diop, 26 ans, étudiant en journalisme.
« Les affaires politiques ne devraient pas nous concerner. Mais il y a trop d’injustice dans ce pays. Les étudiants sont intervenus parce que le verdict (à l’encontre de Sonko) est injuste », estime Babacar Ndiaye, étudiant en lettres. L’Ucad est connue au Sénégal pour être un haut lieu de la contestation politique. En mars 2021, des étudiants s’étaient déjà rebellés contre l’interpellation de M. Sonko dans la même affaire judiciaire, mais aussi pour réclamer de meilleures conditions d’études.
« Manifester comme cela (avec des violences et des destructions), c’est hypothéquer notre propre avenir. Je ne vois pas l’intérêt de saccager nos propres installations. C’est nous-mêmes qui sommes pénalisés », pense Adama Guissé, 27 ans. Devant lui, une longue file de bus. Les destinations : Mbour, Diourbel, Fatick, Louga, Kaolack… Des étudiants avancent, sous l’odeur encore âcre des gaz lacrymogènes tirés la veille.
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