Franck Lavier, acquitté d’Outreau, comparaît vendredi devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour des agressions sexuelles, qu’il conteste, sur sa fille aînée, alors mineure, en 2015 et 2016. La demande de huit-clos demandée par la plaignante a été rejetée.
Chemise blanche, jean gris, fines lunettes, Franck Lavier, 45 ans, a pris place sur le banc des prévenus, en face de sa fille, 23 ans, brune aux cheveux mi-long, vêtue d’une veste en cuir. Il risque jusqu’à sept ans de prison et 100.000 euros d’amende. L’homme de 45 ans comparaît pour avoir « commis des atteintes sexuelles » sur sa fille par « violence, contrainte, menace ou surprise ». Lui et la mère de famille, Sandrine, avaient déjà été condamnés en 2012 pour des maltraitantes sur cette jeune fille et son petit frère.
« Ma cliente est en souffrance. Après sept ans d’attente, aujourd’hui elle voudrait s’exprimer et tenir des propos sensés et qui l’honorent », a expliqué à l’ouverture l’avocate de la jeune femme, devenue mère, Me Bachira Hamani Yekken. Elle a indiqué que sa cliente ne se constituait pas partie civile et a demandé un huis clos total, rejeté par le tribunal. « Il est important que les paroles de celle qui s’était présentée comme étant la plaignante et de M. Franck Lavier puissent être entendues de façon publique », a plaidé l’avocate du prévenu, Me Fabienne Roy-Nansion, opposée à ce huis clos.
Le parquet de Boulogne-sur-Mer avait ouvert une enquête préliminaire en 2016 à la suite d’un signalement de cette enfant, révélant « au sein de son établissement scolaire avoir été victime de faits de nature sexuelle de la part de son père », selon le dossier de presse de la cour d’appel de Douai. Selon une information de franceinfo, la victime, alors âgée de 16 ans en 2016, se serait confié à travers « une lettre manuscrite qu’elle intitule Terrible enfance, sur des attouchements sexuels qu’elle subirait de la part de son père ». L’adolescente est par la suite placée, son père mis en examen et sous contrôle judiciaire.
« C’est compliqué de dénoncer quelqu’un qu’on aime »
L’instruction débouche sur son renvoi en novembre 2021 devant les assises du Pas-de-Calais, non pas pour agressions sexuelles, mais pour viol et agressions sexuelles. Le mis en cause fait appel de l’ordonnance de mise en accusation. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai décide finalement en juin 2022 de requalifier le fait de « viol par ascendant » en « agression sexuelle par ascendant », entraînant un procès devant le tribunal correctionnel.
Franck Lavier, intérimaire, « n’a jamais reconnu ces faits », a insisté auprès de l’AFP son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion, qui compte plaider la relaxe. Sa fille a également tenté de retirer sa plainte, tout en maintenant qu’elle n’avait pas menti. « C’est compliqué de dénoncer quelqu’un qu’on aime », avait-elle écrit sans sa lettre, d’après franceinfo.
Sa fille, « placée à 20 mois » au moment de l’affaire d’Outreau, n’a selon elle « jamais réussi à s’intégrer dans sa famille », qu’elle n’a retrouvée qu’à l’âge de six ans. Selon l’avocate, cette mère aujourd’hui âgée de 23 ans entendait avec cette plainte « fuir le foyer familial ». Sept ans se sont écoulés entre son signalement et le procès, « un délai hallucinant » pour Me Isabelle Steyer, avocate de l’association La Voix de l’Enfant, partie civile. « Quand il y a des mineurs, les dossiers devraient être une priorité. »
Dénudés entre amis, en présence des enfants
Franck Lavier et la mère de famille, Sandrine, elle aussi acquittée d’Outreau, ont déjà été condamnés en 2012 à dix et huit mois de prison pour des maltraitances sur leur fille aînée et son petit frère, dénoncés par les enfants l’année précédente. Le couple avait en revanche été relaxé du chef de corruption de mineurs par le tribunal de Boulogne-sur-Mer.
Selon l’accusation, constatations d’un médecin légiste à l’appui, les deux enfants avaient été obligés de rester pendant des heures à genoux sur un balai en guise de punition. Les bouts des doigts de la fillette, alors âgée de 11 ans, portaient des traces de coups portés avec des lattes de sommier.
Au cours de cette enquête, une vidéo de 2009, prise lors d’une fête arrosée et mettant en scène des adultes plus ou moins dénudés simulant des actes sexuels en présence d’enfants, avait été saisie au domicile des Lavier. D’autres photos et vidéos d’une demi-douzaine de soirées similaires, entre 2008 et 2009, avait ensuite été découvertes.
Franck Lavier a fait partie avec sa compagne des accusés d’Outreau. Il a été condamné en 2004 à six ans de prison pour le viol de sa belle-fille par la cour d’assises du Pas-de-Calais, puis acquitté l’année suivante par la cour d’appel de Paris. Il a passé en tout 36 mois de prison.
Le dossier de pédophilie d’Outreau, qui a éclaté en février 2001, a abouti à un fiasco judiciaire, après deux procès aux assises en 2004 et 2005. Treize des dix-sept accusés ont été acquittés.
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