L’acteur deux fois oscarisé Michael Douglas interprètera pour Apple TV le rôle de Benjamin Franklin dans un « biopic » en huit épisodes retraçant le séjour du fondateur américain à Paris, entre 1776 et 1785. Espérons que la diffusion de cette mini-série – dont la date de lancement n’a toujours pas été révélée – sera ainsi l’occasion pour davantage de Français de mieux comprendre le rôle diplomatique clef qu’a joué la France, et l’influence philosophique déterminante qu’eut l’esprit des Lumières dans l’émergence des États-Unis, qui ont pu ainsi se libérer de la tutelle britannique après avoir proclamé leur indépendance.
Dépossédée d’une large partie de ses territoires au Canada par le traité de Paris (1763) qui avait mis fin à la guerre de Sept Ans, la France souhaitait certes prendre sa revanche sur la Couronne d’Angleterre. Prendre le parti des insurgés américains pouvait ainsi lui apparaître comme un moyen de restreindre la sphère d’influence de sa rivale séculaire, et, par là même, de retrouver la place qui avait naguère été la sienne.
N’oublions pas néanmoins qu’une large part de l’opinion publique française était alors favorable à la cause américaine, perçue comme la projection philosophico-politique des idéaux des Lumières. Dans sa Vie de Voltaire, Condorcet compare ainsi Franklin à Voltaire, écrivant, à propos de leur rencontre, le 29 avril 1778, à l’Académie des sciences : « Franklin achevait de délivrer les vastes contrées de l’Amérique du joug de l’Europe, et Voltaire de délivrer l’Europe du joug des anciennes théocraties de l’Asie ».
Du reste, sous la Révolution et après elle, l’amitié franco-américaine et l’esprit des Lumières continueront à animer penseurs et hommes politiques de part et d’autre de l’Atlantique : Thomas Paine, dont le Sens commun avait encouragé les colons d’Amérique à se révolter pour fonder une république indépendante de la Couronne d’Angleterre, prit fait et cause pour 1789, comme en témoigne son ouvrage Les Droits de l’homme (1791-1792). Et Jefferson n’admirait-il pas Destutt de Tracy, dont il assurera la traduction en anglais du très libéral Commentaire sur l’Esprit des lois de Montesquieu ?
Paul Valéry avait raison lorsqu’il qualifiait l’Amérique de « projection de l’Esprit européen » (Regards sur le monde actuel et autres essais, 1945). L’émergence des États-Unis vers la fin du XVIIIe siècle, autour des valeurs de liberté et d’indépendance, devrait donc être une source de grande fierté pour les Européens, et les Français en particulier.
Espérons donc que la mini-série sur Franklin à Paris contribuera à nous rappeler l’importance de ces principes fondateurs, communément partagés par nos deux pays. Ce serait une bonne chose à l’heure où certaines séries entreprennent au contraire de « déconstruire » l’histoire et les valeurs de l’Occident.
Article écrit par Matthieu Creson. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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