Quelques jours après le début de la phase d’expérimentation du SNU, le colonel Michel Goya a donné son sentiment sur les modalités du dispositif qui faisait partie des promesses de campagne du chef de l’État.
Lancé le 17 juin dans treize départements pilotes, le Service national universel (SNU) promis par Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale va connaître une phase d’expérimentation avant d’être a priori étendu dès l’année prochaine.
Destiné à proposer « aux jeunes Français, filles et garçons, un moment de cohésion visant à recréer le socle d’un creuset républicain et transmettre le goût de l’engagement », le SNU s’articule autour de deux phases. La première, censée constituer « l’aboutissement du parcours citoyen, débuté à l’école primaire et poursuivi au collège », sera obligatoire et interviendra « aux alentours de 16 ans ».
Elle consistera en un séjour de quinze jours en internat suivi, quelques mois plus tard, par une mission d’intérêt général de deux semaines auprès d’associations, de collectivités territoriales, d’institutions, d’organismes publics ou encore de corps en uniforme.
Selon le gouvernement, elle fournira « une occasion de vie collective permettant à chaque jeune de créer des liens nouveaux, d’apprendre une façon neuve de vivre en commun, de développer sa culture d’engagement pour affermir sa place et son rôle au sein de la société ».
À l’issue de cette première phase, chaque jeune pourra ensuite choisir de prolonger volontairement son engagement en intégrant un service public ou un organisme d’intérêt public pour une période allant de trois mois à un an.
« Pas un service, mais un projet éducatif »
Docteur en histoire et ancien colonel des troupes de Marine, Michel Goya a donné son sentiment sur ce nouveau dispositif dans les colonnes du Figaro. Déçu des modalités du SNU, ce spécialiste de l’innovation militaire n’a pas hésité à souligner les limites du système promu par le gouvernement.
« Après avoir annoncé un service national obligatoire de plusieurs mois (avec une formation militaire) pour les jeunes adultes, on a abouti à des colonies de vacances pour adolescents organisées par l’État. Pourquoi pas, mais commençons par admettre qu’il ne peut s’agir là d’un service national, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas de service rendu à la nation. Les différentes formes de services, dont le service militaire, consistaient, après une formation initiale, à un ‘retour sur investissement’ de quelques mois, voire de plusieurs années dans le cadre des réserves », commence l’ancien soldat.
« Le SNU n’apporte pas grand-chose à la nation dans sa phase obligatoire. La réunion ‘obligatoire et universelle’ de mineurs à des fins d’apprentissage, que ce soit dans un collège ou en plein air, n’est pas un service, mais un projet éducatif, ce qui relève donc pleinement du ministère de l’Éducation nationale », poursuit l’auteur de l’ouvrage Les Vainqueurs. Comment la France a gagné la Grande Guerre.
« On cherche ensuite ce qui, durant ces quinze jours de vie collective, ne pourrait être appris au lycée. On ne trouve que deux choses. La Marseillaise, le respect au drapeau et l’uniforme d’abord, non que cela soit techniquement impossible de le faire au lycée, mais on comprend bien que cela y traumatiserait une partie du corps enseignant qui hurle déjà au fascisme rampant », ajoute-t-il.
« Un budget annuel de 1,5 milliard d’euros pour la phase obligatoire »
Et l’ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre de pointer du doigt les différences fondamentales entre le dispositif du SNU et le service militaire tel qu’il existait avant d’être suspendu au début des années 2000.
« Au-delà de cette innovation, toujours subtilement discutée sur les réseaux sociaux, le cœur du projet de société est de faire dormir dans un dortoir et hors de chez eux des adolescents pendant quatorze jours. […] Il faudra quand même expliquer un minimum par quel processus scientifique on ressoudera la nation avec ce qui est plutôt un ‘coucher en masse’. Ce qui pouvait créer de la cohésion dans un régiment d’appelés, ce n’était pas le dortoir, mais les épreuves, les marches, les entraînements, le froid, bref des choses difficiles à faire ensemble pendant des mois. Il y a peu de chances que l’on mette les futures classes de jeunes à l’épreuve », estime Michel Goya.
« Si on ne voit pas très bien ce que tout cela apportera de nouveau, on voit bien en revanche ce que cela affaiblira, car tout cela va coûter très cher. Il est question d’un budget annuel de 1,5 milliard d’euros pour la phase obligatoire du SNU, sans compter les dépenses d’infrastructure initiales. Et cet argent sera forcément ponctionné quelque part, soit dans la poche des contribuables, soit dans les autres ministères. »
« La montagne a donc accouché d’une très coûteuse souris, qui sera immédiatement chassée par tous », conclut l’ancien soldat.
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