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Seul dans la foule: en Inde, les pèlerins égarés du Kumbh Mela

février 25, 2019 6:50, Last Updated: février 25, 2019 6:55
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Soudain Meghsingh Badouria, un Indien de 75 ans, s’est retrouvé tremblant de froid, trempé et vêtu de simples sous-vêtements. Il avait beau être au milieu d’une foule de dizaines de millions de pèlerins, il était seul et perdu.

Dans le chaos et la cacophonie du Kumbh Mela, grand festival religieux hindou qui se tient de janvier à début mars à Allahabad (nord de l’Inde), des milliers de personnes sont séparées des leurs dans les remous de cette mer humaine. Des âmes déboussolées parfois incapables de savoir même d’où elles viennent.

Il est aisé de se perdre de vue dans le flot des 150 millions de pèlerins qui fréquentent le Kumbh Mela sur un mois et demi. Ce festival est décrit comme le plus grand rassemblement humain de la planète. A son point culminant début février, quand Meghsingh s’est égaré, 55 millions de personnes avaient afflué pour réaliser des ablutions à la confluence des fleuves sacrés Gange et Yamuna.

« J’ai été séparé des autres membres de mon village, je suis allé à la confluence et j’ai confié mon sac à un inconnu pour qu’il veille dessus pendant que j’allais me baigner », raconte-t-il à l’AFP. « Lorsque je suis revenu, mon sac avait disparu. C’était tôt le matin et il faisait froid. »

Mais le secours était à portée de main: dans la grande cité de tentes dressées pour accueillir les visiteurs, une ville éphémère d’une surface comparable à celle de Lyon (France), des dizaines de centres recueillent ces égarés et les remettent sur le bon chemin. « Nous recevons 70 à 100 personnes par jour » dans un seul centre, explique Shivani Singh Sengar, une volontaire de 21 ans qui passe ses journées à faire des annonces à travers les 3.500 haut-parleurs du camp pour réunir les familles disséminées.

Tandis que Meghsingh raconte son histoire, désormais habillé de vêtements donné par les bénévoles mais toujours sans ses amis, une mère paniquée laisse couler des larmes de soulagement après avoir retrouvé ses deux filles de cinq et sept ans. « Après le rituel des ablutions, nous avons décidé de faire quelques emplettes avant de rentrer à la maison. Alors que nous achetions des vêtements, j’ai réalisé que mes deux enfants avaient disparu », explique Rajana. « C’était un cauchemar et j’ai beaucoup pleuré. »

Lors de la précédente édition à Allahabad du Kumbh Mela, en 2013, quelque 400.000 personnes s’étaient perdues. Mais grâce à la technologie, et notamment à l’expansion fulgurante des téléphones portables en Inde ces dernières années, les gens retrouvent aujourd’hui plus facilement par eux-mêmes leurs proches.

Les égarés pris en charge dans les centres connectés par un réseau informatique  sont souvent des analphabètes âgés et venus de zones rurales ou de jeunes enfants. La police centralise les informations dans un poste de commandement où les photos de personnes manquant à l’appel défilent sur des écrans de télévision.

Une application dédiée aide aussi les gens à se retrouver, à condition qu’ils sachent lire, ce qui n’est pas toujours le cas. La compréhension linguistique entre pèlerins égarés et bénévoles n’est pas toujours évidente: l’Inde compte 22 langues officielles et des centaines de dialectes.

« Une femme, partie de son village pour la première fois, s’est révélée incapable d’expliquer d’où elle venait, elle n’arrivait pas à se repérer« , raconte la volontaire Shivani Singh Sengar. « Nous avons fait des recherches sur Google. Nous lui avons demandé de nous parler de la rivière à côté de chez elle et des temples, et déterminé ainsi qu’elle venait du Bengale » (est).

Binnu, 65 ans, attend depuis deux semaines dans un centre pour pèlerins perdus. « Je suis confortablement installée ici mais un peu inquiète. J’espère que quelqu’un de ma famille viendra bientôt », dit-elle à l’AFP, ne connaissant ni son adresse ni un numéro de téléphone à contacter. Les égarés et leurs proches arrivent généralement à être réunis, explique Maninath Jha, un responsable du Kumbh Mela.

Ceux qui ne le sont pas reçoivent un peu d’argent du gouvernement et une lettre les autorisant à voyager gratuitement en train pour rentrer chez eux. Mais ce phénomène a aussi une face sombre: des personnes âgées ou des petites filles non désirées sont parfois délibérément abandonnées. L’Inde présente l’un des plus hauts taux de fœticide féminin au monde, les filles étant perçues comme une charge financière pour les familles.

La bénévole Shivani Singh Sengar se souvient ainsi d’une fillette de deux ans avec un important problème médical abandonnée lors d’un précédent festival, un cas pas si rare. « Nous l’avons gardée ici pendant 20 jours puis l’avons envoyée à une ONG où elle a été opérée et traitée. Maintenant elle vit là-bas. Il y a beaucoup de cas comme ça », dit-elle.

D.C avec AFP

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